CONTRE LES VIOLENCES D’ETAT

Le 16 mars 2024 avait lieu la Marche internationale annuelle contre les violences d’état policières, pénitentiaires, judiciaires et le racisme systémique organisé par le Réseau entraide et vérité. Dans cette émission, nous diffusons donc une partie des prises de paroles réalisées à l’occasion de cette manifestation. Nous faisons aussi l’appel à la marche du 23 mars prochain à 14 h, au départ de Bastille, pour la journée internationale contre le racisme et le fascisme organisée par de nombreux collectifs de sans-papiers.

Retrouver ici toutes les revendications du Réseau d’Entraide vérité et justice.

Contre le déni des droits humains :

– Mettre fin aux contrôles d’identité permanents et mettre en place le récépissé qui oblige les agents à justifier ces contrôles.
– Supprimer le délit d’outrage et rébellion. Pour en finir avec les procédures abusives, le harcèlement quotidien et le « business des outrages ».
– Interdire le harcèlement répressif et judiciaire contre les manifestants.
– Abroger l’article « permis de tuer » L435-1 de la loi sécurité publique du 28 février 2017 qui assouplit et élargit le cadre de la « légitime défense ».
– Interdire les techniques d’étouffement :  clé d’étranglement, plaquage ventral et pliage.
– Interdire les armes classées armes de guerre (LBD et grenades) et les pistolets électriques, pour la police du quotidien comme lors des manifestations et dans les établissements pénitentiaires.
– Interdire les « pare-chocages » et les courses-poursuites pour de simples infractions routières.
– Supprimer l’usage systématique des gaz et des nasses en maintien de l’ordre.
– Fermer les quartiers d’isolement et disciplinaires (QI et QD).
– Dissoudre les équipes de matons cagoulés (ELSP et ERIS), responsables de tabassages et impliqués dans des morts « suspectes ».
– Installer des caméras dans les véhicules de patrouille.

Contre l’impunité et le déni de justice :

– Créer un organe indépendant pour enquêter sur les plaintes contre les forces de l’ordre et les surveillants pénitentiaires, et pour garantir l’indépendance des expertises scientifiques nécessaires.
– Dépayser systématiquement l’instruction des plaintes contre les forces de l’ordre et les surveillants pénitentiaires.
– Mettre en place une assistance psychologique systématique pour les victimes et leurs proches et la gratuité des soins nécessaires.
– Garantir la prise en charge complète, par la Sécurité sociale et les mutuelles, des soins et traitements médicaux nécessaires consécutifs à des violences d’État.
– Garantir l’audition par le magistrat instructeur de tous les témoins identifiés, leur remettre une copie de leurs auditions et leur mise sous protection.
– Garantir l’accès à tous les enregistrements audios et vidéos disponibles.
– Encadrer et engager la responsabilité des médecins intervenant dans des procédures judiciaires.

Contre le dénigrement et les violences faites aux « sans-papiers » :

– La liberté de circulation et d’installation.
– La régularisation.
– La protection automatique, dès leur arrivée, des jeunes étranger·ère·s isolé·e·s.
– La fermeture des centres de rétention.
– L’abolition des mesures administratives d’enfermement et d’expulsion notamment au travers des OQTF et les IRTF.
– L’égalité des droits pour toutes et tous dans tous les domaines.
– Le droit de vote des étrangers.

ENFIN, nous exigeons :

– La suspension immédiate des agents mis en cause pour violences ou homicides, et leur radiation définitive.
– La suspension immédiate des agents ayant tenu des propos racistes ou commis des actes racistes et leur radiation définitive.
– L’abrogation de toutes les lois liberticides, sécuritaires, racistes, xénophobes, négrophobes, islamophobes, homophobes et sexistes qui ont justifié et justifient encore l’augmentation des moyens des forces de l’ordre, des surveillants pénitentiaires, en les armant davantage, en les privilégiant davantage, face à une population de plus en plus criminalisée, contrôlée, fichée, opprimée, blessée, mutilée et tuée.

DISSOUDRE de Pierre DOUILLARD

Dissoudre par Pierre Douillard-Lefèvre aux éditions Grévis

L’Actualité des luttes s’est rendu à la librairie Le monte en l’air dans le 20ᵉ le 12 mars 2024, pour enregistrer la présentation de Dissoudre de Pierre Douillard.

« Nous avons vu l’État s’attaquer au mouvement écologiste après avoir démantelé des associations anti-racistes, musulmanes et contestataires. Nous avons vu les manifestations interdites et l’antiterrorisme maintenir l’ordre. Nous avons vu un Ministre menacer la plus ancienne organisation de défense des Droits de l’Homme. L’objectif de ce régime n’est pas de susciter l’adhésion, mais la soumission, pas de provoquer l’action, mais l’apathie. Dissoudre tout ce qui fait commun. Alors que l’horizon se rétrécit, cet essai propose une histoire des procédures de dissolutions et la manière dont elles incarnent désormais la gouvernementalité contemporaine. Mais surtout, il se demande comment faire face. »

Manifestation en soutien à la Palestine du 09-03-24/Intervention de Judith Butler sur l’antisionisme et l’instrumentalisation de l’antisémitisme

Dans cette émission, vous pourrez entendre des enregistrements effectués le 9 mars dernier à l’occasion d’une nouvelle manifestation à paris en soutien à la Palestine. Cette manifestation était appelée par Urgence Palestine, avec les exigences suivantes : un cessez-le-feu et la fin immédiate du blocus ; la fin de la colonisation, de l’occupation et de l’apartheid ; était demandé également des sanctions contre Israël, mais aussi le boycott et des mesures de désinvestissement. Enfin, était pointé et condamné la complicité du gouvernement français avec les crimes israéliens, et la répression de la solidarité avec la lutte du peuple palestinien. Cette première partie d’émission, qui est un reportage, sera suivi d’une séquence de la conférence de Judith Butler, une universitaire juive états-unienne par ailleurs critique du sionisme. Elle intervenait sur le sionisme et l’instrumentalisation de l’antisémitisme. L’événement en date du 3 mars était co-organisé par l’action antifasciste Paris-banlieue, le Nouveau Parti Anticipapitaliste, Révolution Permanente, Paroles d’honneur, l’Union Juive Française pour la Paix et Tsedek, avec le soutien de Urgence Palestine.

Appel Guerre permanente ou paix révolutionnaire, il faut choisir ! : lien

MEDIAS GAZAOUIS / MINEURS ISOLES

A Gaza, pour la première fois, nous assistons à un génocide en direct, et les journalistes qui le documentent le font au péril de leur vie. Depuis le 7 octobre, 123 journalistes et travailleuses/rs des médias à Gaza ont été tués·es lors des bombardements israéliens sur la bande de Gaza. Il s’agit de la période la plus meurtrière pour les journalistes dans l’histoire moderne. Les journalistes qui continuent leur travail le font dans des conditions terribles et traumatisantes. Ce sont des aussi des personnes civiles déplacées de leurs foyers avec leur famille. Leur matériel est détruit : appareils photo, ordinateurs portables, téléphones. A ce sujet, le 18 février, se tenait au Hasard Ludique, une soirée de soutien aux journalistes palestiniens de Gaza. Nous vous diffusons donc en première partie d’émission un montage réalisé à partir des prises de paroles qui s’y sont tenues. Nous entendrons les interventions d’Anne Paq, coréalisatrice du documentaire “Gaza, a Gaping Wound” et d’une membre de reporter solidaire. Serons également abordés les questions du Pinkwashing, la responsabilité des médias occidentaux et l’accessibilité aux médias arabophones.

Dans une deuxième partie d’émission, nous diffusons un reportage réalisé le 6 février 2024 dernier autour de la mobilisation des collectifs de mineurs isolés pour le respect de la présomption de minorité et l’obtention des droits qui en découle. En effet, cette semaine, la préfecture de Paris a envoyé sa police démanteler les 3 camps de fortune occupés par plusieurs centaines de mineurs isolés depuis des mois au Pont Marie, Pont Sully et Pont Neuf. La préfecture a prétexté la montée de la Seine pour expulser des enfants des seuls abris qu’ils avaient trouvés. Si l’objectif avait été réellement de les protéger de quoi que ce soit, alors des hébergements en mesure d’apporter cette garantie auraient été proposés. Suite à leur expulsion des 3 ponts, les mineurs se sont rassemblés mercredi soir devant l’hôtel de ville, le collectif des jeunes du parc de Belleville a demandé à ce que les mineurs isolés soient reçus en délégation par la préfecture et par la mairie pour trouver rapidement une solution, aucune réponse. La police a plutôt nassé les mineurs isolés avant de les menacer de les dégager par la force. Les jeunes ont décidé de partir en direction de la cité des Arts pour s’abriter sous les arcades, la préfecture leur dit d’abord qu’elle les tolérera à cet endroit avant de les menacer de dégager pour finalement, face à la résistance des jeunes épuisés mais déterminés, accepter qu’ils restent à condition de ne pas monter leur tente. Depuis plusieurs jours, le collectif des mineurs isolés du parc de Belleville alertent l’ensemble des réseaux de solidarité : dans plusieurs gymnases que les jeunes ont arrachés au fur et à mesure de leur lutte et de leurs actions, la mairie de Paris commence à proposer des rendez-vous individuels afin d’établir des dossier SIAO (Service Intégré de l’Accueil et de l’Orientation). Inquiets de la pérennité de leur hébergement, solidaires de leurs camarades laissés à la rue, les mineurs isolés soupçonnent que la mairie a pour projet de les disperser hors de Paris après la fin de la trêve hivernale et avant les Jeux Olympiques.Rien ces derniers jours n’a démontré que ces soupçons étaient faux. 23 jeunes mineurs du Collectif des Jeunes du Parc de Belleville ont été expulsés du centre de Porte de La Villette la semaine dernière. Après le 31 mars, pendant le ramadan et avant les JO : Expulsion, dispersion, évacuation. Chaque jour, les mineurs isolés hébergés doivent se débrouiller pour manger auprès des associations, se réfugier de la pluie car leurs hébergements sont fermés en journée, éviter les contrôles RATP, fuir la police qui les harcèle, se soigner…Ce qui arrive aux mineurs isolés à Paris, n’est ni une exception, ni une erreur, ni un manque de moyen. C’est le projet raciste de société du pouvoir qui explose à nos yeux, comme à Calais, dans les Alpes, dans la Manche, la Méditerranée, une société qui refuse de reconnaître la moindre humanité aux migrant.e.s. Les mineurs isolés exigent immédiatement : 

• La présomption de minorité• Des hébergements dignes où ils peuvent rester jusqu’à leur recours ensemble et en lien avec les réseaux de solidarité, syndicats et associations 

• Une couverture médicale digne

• L’accès aux cantines solidaires de la Ville de Paris pour se nourrir • L’accès à l’école 

• Des transports gratuits comme tous les mineurs d’Ile-de-FranceNous demandons également que les demandes de délégations des mineurs soient acceptées, qu’ils soient représentés par les délégués du collectif des jeunes du parc de Belleville et leurs soutiens comme ils l’exigent depuis des semaines à la Maire du 20e, à la Ville de Paris et à la Préfecture.

Cagnotte du collectif des mineurs isolés du parc de Belleville : https://www.helloasso.com/associations/liberte-egalite-papiers/formulaires/1

STOP ARMING ISRAEL

Lundi 12 février , Stop Arming Israël France était organisée une rencontre avec M. Rigouste chercheur en sciences sociales et militant qui prépare actuellement un documentaire sur l’industrie de l’armement, P. Bouveret co-fondateur de l’Observatoire des Armements et auteur d’une brochure sur les collaborations militaires France-Israël ; et A. Paq photographe et membre du collectif Activestills qui a documenté l’affaire impliquant l’entreprise française Exxelia dans le meurtre de trois enfants a Gaza touchés par un missile israélien à la bourse du travail République, pour s’informer et agir contre les collaborations militaires France-Israël.

Qu’est-ce que Stop Arming Israël France?
Stop Arming Israël France est une réponse à l’appel mondial à l’aide lancé par 30 syndicats palestiniens, le 16 octobre 2023 : «End all complicity. Stop Arming Israel»

L’appel peut être lu sur le site internet workersinpalestine.org :
https://www.workersinpalestine.org/

Les revendications de cet appel sont simples, elles demandent aux travailleurs et aux syndicats partout dans le monde de :

• Refuser de construire des armes destinées à Israël.
• Refuser de transporter des armes vers Israël.
• Adopter des motions en ce sens au sein de leurs syndicats.
• Agir contre les entreprises complices qui participent à la mise en œuvre du siège brutal et illégal d’Israël.
• Faire pression sur les gouvernements pour qu’ils cessent tout commerce militaire avec Israël et, dans le cas des États-Unis, qu’ils cessent de le financer.

Cet appel s’inscrit dans la tradition de solidarité internationale entre les travailleurs qui est centrale dans le mouvement syndical et ouvrier.

Dès novembre 2023, nous avons décidé de répondre à cet appel et ce dans le but d’enrayer la machine de guerre israélienne.

Sans le soutien militaire des pays occidentaux, Israël ne pourrait pas mener l’offensive génocidaire en cours. Sans les envois d’armes, de technologies, de pièces détachées par les grandes puissances du monde, les bombardements cesseraient au bout de trois jours!

Depuis octobre 2023, nous implorons nos gouvernants, jour après jour, de demander un cessez-le-feu, mais il est clair que ni Netanyahou ni nos chefs d’État ne nous écoutent ni ne nous écouteront. Ce cessez-le-feu, nous devons donc l’imposer, en coupant les vivres à l’armée israélienne, en coupant le robinet des envois d’armes !

Mais la France collabore-t-elle vraiment, militairement parlant, avec Israël?
On entend souvent dire que ce ne sera pas ou plus le cas…
Officiellement, le ministère des armées prétend que la France n’exporte pas de matériels létaux susceptibles d’être employés contre la population civile à Gaza… Mais ce même ministère assure également que la France «exporte des équipements militaires à Israël afin de lui permettre d’assurer sa défense.»
Certes, Israël est un petit marché pour la France (de 15 à 25 millions d’euros chaque année. Pour comparaison, les exportations totales de la France, en matière d’armement, se comptent en dizaines de milliards d’euros).
Mais, OUI, la France vend bien des armes à Israël : des drones (Safran, Thalès, Dassault), des missiles (MDBA, Nexter) mais encore des bombes, des torpilles, des roquettes, des avions. Toutes collaborations que nous préciserons et dont nous discuterons le 12 février. Le salon de l’armement Milipol, en date du 15 novembre dernier, avec en vedette 52 entreprises israéliennes, prouve également toute l’étendue de la complicité mortifère de la France avec Israël.
Donc, OUI, il faut désarmer Israël pour que cessent les exactions atroces dont les palestiniennes et palestiniens sont victimes.

Cette soirée du lundi 12 février nous permettra précisément d’une part, de mettre à jour les liens militaires, multiples et opaques, entre la France et Israël, d’autre part, nous y discuterons de la façon de les rompre, de ce que nous pouvons concrètement mettre en œuvre, collectivement, pour que le désastre humanitaire en cours à Gaza s’achève.

Nous le savons, après plus de trois mois de guerre, nous ne pouvons compter que sur nous pour lutter contre le génocide en cours ainsi que contre le soutien et la collaboration, militaire notamment, de la France avec Israël. Plus que jamais, ne désespérons pas de nos forces et de la puissance de la solidarité, nationale et internationale et n’acceptons jamais le silence ou l’inaction face à la politique criminelle que Macron mène en notre nom !

MOBILISATION EN SOLIDARITE AU CONGO RDC

Comment la mort de près de 6 millions de personnes, en l’espace de 25 ans, a-t-elle pu être passée sous silence médiatique ? Comment le génocide des Tutsis perpétré par les Uthus au Rwanda s’est-il « déplacé » au-delà de la frontière? Pourquoi trois guerres – les deux guerres du Congo et la guerre du Kivu – se sont ensuite succédé ? Pourquoi, encore aujourd’hui, les autorités congolaises couvrent-elles les massacres perpétrés par ses propres troupes ? Un indice revient souvent : l’avarice et cette envie internationale de faire main basse sur l’un des sous-sols les plus riches de la planète.

Depuis la fin du mois d’octobre 2023, plusieurs manifestations ont été organisées à Paris pour dénoncer ce silence. Aujourd’hui nous recevons donc dans nos studio Mheneryck, membre de l’association Lisanga Bana Mboka, collectif qui rassemble la communauté Kongolaise de France, Europe, Amérique jusqu’en Afrique dans le but de créer un élan fort de la solidarité et d’entraide sur tout ces territoires jusqu’au Congo, afin de revenir sur les raisons de leurs mobilisations.

ANRU STOP AUX DÉMOLITIONS !conférence de presse du 7 février 2024

Le 7 février 2024, des habitants de logements sociaux sont venus de toute la France devant l’Agence nationale pour la rénovation urbaine. Une centaine de personnes issues de nombreuses villes ont réclamé la réhabilitation de leur immeuble plutôt que la destruction, et demandé un moratoire sur les projets contestés en cours.

Un grand nombre de collectifs et d’associations d’habitant -e-s se mobilisent contre les démolitions abusives de logements sociaux programmées par la politique de l’ANRU (la Reynerie au Mirail à Toulouse, la Butte Rouge à Châtenay-Malabry, l’Alma Gare à Roubaix, la Maladrerie à Aubervilliers, etc). Tout cela est partie prenante du regroupement « Stop aux démolitions de l’ANRU ».

À l’occasion de l’anniversaire des 20 ans de l’ANRU, un rassemblement se tenait le mercredi 7 février 2024 devant le siège de L’Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU) à Pantin et fut demandé à ce qu’une délégation soit reçue portant l’exigence d’un moratoire immédiat sur les démolitions.

L’appel a recueilli 550 signatures de soutien dont celles de 34 collectifs et associations d’habitants de nombreuses régions ainsi que 310 d’architectes, d’urbanistes et enseignants.

Dans l’émission de ce 26 février, nous avons pu entendre le reportage réalisé lors du rassemblement devant l’ANRU à Pantin en appui à une délégation.

Dans l’émission de ce jour, nous entendrons une partie de la Conférence de presse qui se tenait à la suite de la mobilisation du matin à Pantin. avec notamment, un retour de la rencontre avec la direction de l’ANRU et des récits d’opération de l’ANRU Cette conférence de presse se tenait au centre international des cultures populaires dans le 11ᵉ arrondissement de Paris.

Contact stop.aux.demolitions.anru@gmail.com

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Contre la démolition des HLM par l’ANRU;Moratoire sur les projets contestés en cours.

Le 7 février 2024, des habitants de logements sociaux sont venus de toute la France devant l’Agence nationale pour la rénovation urbaine. Une centaine de personnes issues de nombreuses villes ont réclamé la réhabilitation de leur immeuble plutôt que la destruction, et demandé un moratoire sur les projets contestés en cours. Une délégation a été reçue par la directrice de l’Anru (agence nationale de rénovation urbaine), Anne-Claire Mialot, malgré ses réticences.

Depuis Toulouse, Grenoble, Marseille, Lille, Roubaix, Amiens, les Francs-Moisins à Aubervilliers… une cinquantaine de collectifs d’habitants de quartiers populaires et d’associations ont organisé, ce mercredi 7 février, une action devant le siège ultramoderne de l’Anru, pour protester contre la démolition de leurs quartiers et demander un moratoire sur les projets contestés en cours.

L’agence, qui célèbre son vingtième anniversaire cette année, est pointée du doigt pour ses vastes projets de renouvellement urbain qui sentent la gentrification, et notamment sa politique de destruction de logements sociaux.

De nombreux architectes se sont joints à la contestation. Les associations de défense des locataires, la CNL (confédération Nationale du Logement, le DAL (Droit aux logements, l’APPUI… ont organisé cette initiative. Depuis des décennies, les locataires des cités HLM, en but à des projets de destructions de leurs habitats, de leurs quartiers, affrontaient seuls les mairies, les promoteurs et l’ANRU. Ce regroupement est une première engageante dans le combat nécessaire pour sauvegarder l’habitat populaire. Alors que deux millions de locataires, éligibles aux HLM, attendent un logement digne et abordable, l’État, par l’intermédiaire de l’ANRU les détruit, ceux-ci au lieu de privilégier leurs réhabilitations.

Par exemple à la Planoise à Besançon où se trouvent 6 000 logements sociaux. « Environ 1 200 vont être démolis » et pourtant « Les logements sont plutôt en bon état. Mais cela ne suffit pas pour la municipalité qui considère qu’il y a trop de pauvres. Elle veut faire de la place pour reconstruire des logements destinés à des ménages plus aisés. Sous couvert de mixité sociale, on rejette les plus précaires qui vivent là depuis des années. »

La politique de L’ANRU consiste à virer les pauvres toujours plus loin du centre-ville.

À Vaulx-en-Velin, près de Lyon, plus de 1 600 logements ont été détruits. « Ce qui est reconstruit, c’est du privé, pas des logements sociaux », « L’Anru mène sans distinction une politique publique de la gentrification » sans « Une vraie concertation avec les habitants, la préservation des espaces verts et le respect des personnes qui habitent dans des logements sociaux depuis parfois des décennies. »

Le collectif lillois De L’Air déplie une banderole qui dénonce la destruction de 150 logements sur les 320 que compte l’immeuble des Aviateurs, dans le quartier des Bois-Blancs. Soit environ 300 familles. « Les gens sont là depuis des années, ils sont investis localement… C’est un vrai gâchis ».

La très grande majorité des habitants refusent les démolitions, mais l’Anru ne les écoute pas. La concertation obligatoire est de pure forme, l

a « co-construction » est un mot creux, les décisions sont prises d’avance.

Pendant qu’une délégation est reçue par la directrice de L’ANRU Anne-Claire Mialot, les prises de parole s’enchaînent malgré la pluie. Toutes décrivent des logements détruits alors qu’ils n’auraient mérité qu’une simple réhabilitation. Ils dénoncent aussi un manque de concertation avec les habitants. Un locataire d’Amiens raconte que dans son quartier, « la concertation a même commencé le soir de l’arrêté préfectoral qui annonçait la démolition ».

Avant une conférence de presse qui s’est tenue l’après-midi, la délégation est revenue du rassemblement avec la promesse qu’un rendez-vous aurait lieu dans la quinzaine qui permettrait de reconsidérer les différents dossiers. 

La demande de moratoire sur les projets contestés n’a, en revanche, pas été obtenu. « Anne-Claire Mialot se reposait beaucoup sur la responsabilité des maires pour ne pas se sentir visée par les critiques ». Les maires font de même, tous à se renvoyer la balle. Mais une chose est sûre, attesté notamment par l’expérience de Grenoble ; L’Anru ne finance pas de projet s’il n’y a pas de destructions. 

Si le rendez-vous n’a pas débouché sur des mesures d’urgence concrètes, une note positive se dégage de cette journée d’action. Ce qu’il s’est passé aujourd’hui est inédit : qu’autant de collectifs se soient rassemblés est remarquable.

Du jamais vu dans l’histoire, de l’Agence nationale de la rénovation urbaine (Anru), créée par décret le 9 février 2004, il y a vingt ans : des habitants, des militants du logement, des architectes, des urbanistes, plus de 700 personnes au total issues de 45 associations ou amicales de locataires de toute la France, ont décidé de s’unir, et de faire entendre leur voix. Principale revendication de ce collectif horizontal, un « moratoire immédiat » sur les démolitions de logements sociaux. Tout remettre à plat et inventer autre chose.

Dans son appel fondateur lancé mi-novembre, signé par le prix Pritzker Jean-Philippe Vassal, le collectif Stop aux démolitions Anru rappelait quelques chiffres : entre 2004 à 2021, «l’Anru a assujetti son financement à la démolition de 164 000 logements sociaux pour n’en reconstruire que 142 000 ». Dans le même temps, 408 500 logements ont été réhabilités, preuve que la démolition n’est pas l’alpha et l’oméga de la rénovation urbaine. Mais c’est toujours trop pour les signataires, qui exigent la fin de cette politique « destructrice, et aberrante d’un point de vue social, financier, urbanistique, architectural, et écologique ».

Arrêter de démolir

Avant de tenir une conférence de presse à Paris, une délégation s’est rendue ce mercredi 7 février devant le siège de l’Anru à Pantin (Seine-Saint-Denis). Elle a été reçue par sa directrice générale, Anne-Claire Mialot. 

«Il faut arrêter de faire de la démolition le préalable de toute opération de rénovation urbaine », a expliqué Michel Retbi, membre du Collectif d’architectes en défense du patrimoine Candilis du Mirail, à Toulouse, le premier à prendre la parole à la tribune où se sont succédé une vingtaine de représentants de collectifs de toute la France. «Ce ne doit plus être un postulat », d’autant que la démolition est trop souvent synonyme de « drames humains, au-delà de la question du patrimoine » de ces cités HLM souvent de grande qualité architecturale, à l’instar de la Maladrerie à Aubervilliers ou de la Butte rouge à Châtenay-Malabry. «Le patrimoine de l’habitat social et populaire, c’est le grand angle mort, alors que c’est notre bien commun », a regretté l’urbaniste Myriam Cau, engagée pour le sauvetage de l’Alma-Gare à Roubaix.

Alors que l’Anru justifie le recours à la démolition, qui oblige à reconstituer « un pour un » l’offre de logements sociaux, mais autorise à les reconstruire ailleurs et pour des loyers plus élèves. À Évreux, où la majorité des 700 logements reconstruits (sur 900 démolis) l’ont été en dehors du quartier Anru, « le quartier s’est paupérisé, il a été écrémé de sa population insérée, la plus aisée, possédant voiture et une capacité d’initiative », a illustré Jacques Caron, représentant de la Confédération nationale du logement (CNL) dans l’Eure. «La mixité sociale est présentée comme un remède miracle, mais quand vous mettez des riches dans les quartiers pauvres, ils s’entourent de barbelés et quand vous mettez des pauvres dans le XVIe, les riches manifestent contre », balaie Geneviève Colomer, présidente de l’association Sauvons la Butte rouge.

Djamila Houache, de l’association marseillaise Il fait bon vivre dans ma cité, a pointé du doigt, elle, un autre effet négligé de cette politique de démolition : la tendance des bailleurs sociaux à laisser se dégrader les bâtiments quand ils savent qu’ils seront démolis, même à long terme. « Comme ils n’entretiennent pas la tuyauterie, on a des cas de légionellose. Et pourquoi croyez-vous qu’il y a des rats et des cafards ? » Autre grief, l’absence de concertation sincère avec les habitants, mis devant le fait accompli. Une habitante des Francs-Moisins à Saint-Denis s’est insurgée contre ces « technocrates qui prennent les habitants à un endroit, et les déplacent à un autre » comme si c’étaient des pions, exhortant ses camarades du collectif à « l’action ».

C’est le grief qui revient le plus : la démolition ne détruit pas seulement des bâtiments, mais des vies et des écosystèmes relationnels. « On parle de vies, de personnes qu’on déracine, qui n’ont plus accès aux réseaux de solidarité qui permettent de donner son enfant à garder, de demander de l’aide pour sa voiture, d’être ancré dans un territoire », a décrit le sociologue Antonio Delfini, membre de la coordination Pas sans nous. Vieux militant à la CNL de Besançon, Michel Boutonnet a témoigné qu’une vieille dame de 88 ans, relogée par l’Anru en dehors du quartier de la Planoise où elle a toujours vécu, lui avait dit : « J’ai un magnifique appartement, mais je ne vis plus. » Quant à sa voisine de 96 ans, placée dans une résidence senior par ses enfants, « elle a tenu six mois ».

La Palestine doit vivre

Le 7 février, cela faisait quatre mois que le génocide en cours à Gaza avait commencé. C’est cette date que le collectif Urgence Palestine Paris 20ᵉ avait choisi pour tenir une réunion publique autour de la mobilisation en solidarité à la résistance palestinienne. Une occasion de revenir sur l’ensemble des actions menées depuis le mois d’octobre, mais aussi de réaffirmer la nécessité de reconstruire des luttes internationalistes fortes. Malgré les manifestations, la décision de la Cour internationales de Justice, les diverses manifestations dans le monde entier et la résistance sur place, les attaques israéliennes ne baissent en intensité et le projet reste le même : faire disparaitre l’idée même de la Palestine.

Aujourd’hui, nous commençons donc par faire un bilan de la décision rendue par la Cour de justice internationale le 26 janvier dernier. Ensuite, nous diffusons des interviews réalisés le 6 février à l’arrivée de la délégation de l’association Palmed (association de médecins qui apporte une aide matérielle et un programme de développement des compétences médicales en Palestine et dans des camps de réfugiés au Liban) de retour de l’hôpital européen de Gaza.

Puis, nous reviendrons sur la mobilisation en France avec un camarade du collectif Samidoun ( réseau de solidarité aux prisonniers palestiniens), pour terminer cette émission en vous diffusant les prises de paroles de deux camarades palestinien-ne-s réalisé lors de la soirée du collectif d’Urgence Palestine paris 20ᵉ.

Mobilisation générale dans l’éducation

Aujourd’hui nous vous diffusons les reportages réalisés lors de la manifestation du 1er février, au départ RER Luxembourg, en direction du ministère, appelée par l’ensemble des organisations syndicales contre la politique du gouvernement pour l’École.

Communiqué intersyndical :

Nos organisations réaffirment avec force leur attachement au projet scolaire de l’Ecole publique, laïque, gratuite et obligatoire : accueillir partout tous les élèves sans distinction d’aucune sorte, être ambitieux pour chacun, respecter et participer à une véritable liberté de conscience notamment par la construction de l’esprit critique autour de savoirs scientifiquement validés. Nous dénonçons les propos dénigrants, à l’instar des paroles de la ministre de l’Éducation nationale, contre celles et ceux qui font vivre l’École publique. Nous dénonçons également les politiques qui organisent une forme de séparatisme social et contribuent à miner la cohésion sociale et notre démocratie.

Aujourd’hui, le service public d’Éducation traverse une crise sans précédent : crise de recrutement, démissions, personnels qui témoignent d’une perte de sens de leur métier… A l’instar de l’hôpital public, l’École publique n’est pas loin de l’effondrement et ne tient finalement que par la conscience professionnelle de personnels épuisés pendant que le président de la République regarde ailleurs ou que la ministre de l’Éducation nationale multiplie les provocations. Cette déconnexion avec la réalité et l’ampleur des difficultés rencontrées au quotidien suscitent une grande colère chez les personnels. Quant aux conditions d’études des élèves, elles ne se sont pas améliorées et les inégalités scolaires ont continué de se creuser sans que les personnels ne puissent vraiment agir.

La mise en place des mesures contenues dans le Choc des savoirs n’est pas de nature à résorber ces inégalités. En effet, ce choc des savoirs est un ensemble d’annonces qui a une grande cohérence idéologique pour le gouvernement. Inspiré d’un modèle d’École passéiste et conservateur, il pose les bases d’une École du tri social à l’image des groupes de niveaux qui vont contribuer à assigner les élèves dans les positions sociales et scolaires. C’est aussi une redoutable remise en cause de la liberté professionnelle des enseignants (par la labellisation des manuels par exemple) et l’accentuation du pilotage par les évaluations nationales standardisées à tous les niveaux. Cela suffit !

Nos organisations FSU, UNSA Education, SGEN-CFDT, CGT Educ’action et Sud Education appellent les personnels à la grève le jeudi 1er février. Nos collègues doivent être revalorisés reconnus, respectées et protégés. Ils doivent avoir les moyens pour exercer leurs missions dans cette École publique qui ne trie pas les élèves, les accueille toutes et tous, contribue à leur émancipation par les savoirs et à les faire grandir comme citoyennes et citoyens.

Nous exigeons en particulier des mesures d’urgence : revalorisation sans contreparties des personnels articulée autour de mesures immédiates et d’une loi de programmation pluriannuelle, abandon du Pacte, création d’un statut de fonctionnaire de catégorie B pour les AESH et amélioration des conditions de travail, notamment par la baisse des effectifs dans les classes et un plan pluriannuel de recrutement. Concernant la voie pro, nous demandons au ministère de l’Éducation nationale de reconsidérer la réforme, notamment sur la terminale, afin de construire des enseignements ambitieux pour les élèves

Argentine : l’élection de Javier Milei

En haut à droite : “Ici les forces du ciel nous disent qu’il ne faut pas sous-estimer les forces du sol”* ; En bas à gauche : “DNU dehors Milei, la caste ne sont pas les libres du Sud/travailleurs” ; En bas-milieu : “Milei je te défie de vivre avec le salaire de ma mère”

Dans cette émission, il sera fait un état des lieux de l’Argentine, des dynamiques à l’œuvre ayant conduit à l’élection du président libertarien argentin Javei Milei, le 19 novembre 2023. Avec notre invitée, Lauriane de la commission Amérique Latine du Nouveau Parti Anticapitaliste, nous nous entretiendrons du profil politique du nouveau président, de ses liens avec les extrêmes-droites, et bien sûr de ses politiques. Le 24 janvier 2024, jour d’appel à la grève générale, se tenait de nombreuses manifestations à travers le pays afin de contester deux énormes trains de mesures : la loi dite Ómnibus et le Décret de Nécessité et d’Urgence (DNU) ; lesquelles entraîneraient si elles étaient adoptées, de profonds reculs des droits sociaux et politiques, mais aussi des mesures répressives et quantité de dérégulations. C’est à cette attaque brutale que répond une partie de la population argentine, par cette première journée de mobilisation d’ampleur.

Commentaire de slogan
*Par rapport à la référence inscrite sur le ballon visible dans la vignette d’illustration : “Les forces du ciel” font initialement référence à une citation de l’Ancien Testament, écrits au IIe siècle avant notre ère et traitant des révoltes des Maccabées. « À la guerre, la victoire ne dépend pas du nombre de soldats, mais des forces du ciel. ». Un article de Clarin en date du 10 décembre 2023 nous apprend que Javier Milei se serait référé pour la première fois à cette citation en 2021, pour faire référence au protestations sociales à Cuba, et une autre fois, selon lui, afin de répondre à ceux qui remettaient en question le poids de son nouveau et alors minuscule parti, La Libertad Avanza (LLA), au Congrès. Après quoi, avec notamment l’usage des réseaux sociaux, ses militants auraient repris à leur compte l’expression, jusqu’à s’en faire une identité. L’expression a depuis été réutilisée, et a servi allégrement dans le merchandising de la campagne présidentielle du nouveau président argentin, devenant également un meme, comme le fut le slogan Make America Great Again pour Donald Trump aux États-Unis. Toutefois, cette première expression se distingue par sa dimension messianique, et vient renforcer la dimension de figure providentielle et d’outsider de Milei. Les forces du ciel ne sont de sorte pas juste ses militants, mais constituent aussi la force et la ferveur qui anime sa politique et ses partisans. A la manière de David contre Goliath d’une certaine façon. On comprendra donc que l’inscription sur le ballon en haut à droite de la vignette d’illustration « Ici les forces du ciel nous disent qu’il ne faut pas sous-estimer les forces du sol », constitue une réponse à l’ambition de Milei et de ses partisans, non sans une certaine ingéniosité dans sa réarticulation : le ciel fait référence au ballon, lequel n’est en réalité qu’une balise pour se rendre visible, à la manière d’une ancre rattachée à la terre. Terre qui se trouve être les masses manifestantes, présentes en nombre ce jour-là. Une manière de ramener symboliquement le président argentin à la réalité, et de signifier que si le ciel pouvait insuffler et guider les foules, il pouvait également soulever des montagnes.

Lien vers le site de l’Assemblée de Citoyens Argentins en France (ACAF) : lien
Lien vers le site H.I.J.O.S. Paris : lien

Loi asile et immigration : mineurs isolés/ conseil constitutionnel/ lycéens solidaires

Ce jeudi 25 janvier, a eu lieu le rendu du Conseil constitutionnel sur la loi Darmanin. Même s’il a retiré un certain nombre de dispositions, ce qui en reste demeure l’une des pires lois de la Ve République, une loi anti-immigré.es et anti-ouvrière à été promulguée le lendemain par le Président de la République. Néanmoins, contre cette loi qui ne respecte pas les droits fondamentaux, rend plus précaire l’accueil des réfugiés et plus difficiles les conditions de vie, la lutte continue.

Dans cette émission, nous vous diffusons donc un montage autour de la lutte des mineurs isolés qui se sont invités à la mairie centrale de Paris le 27 janvier dernier. Puis, vous entendrez une partie des prise de parole qui ont été réalisé à l’occasion du rassemblement qui se tenait devant le conseil constitutionnel le 25 janvier. Enfin, nous terminons cette émission avec l’interview de plusieurs lycéens qui ont organisé une journée de mobilisation contre la loi asile et immigration et contre les réformes Attal réalisé le 19 janvier dernier.

DISSOUDRE de Pierre DOUILLARD

Dissoudre par Pierre Douillard-Lefèvre aux éditions Grévis

L’Actualité des luttes s’est rendu à la librairie Le monte en l’air dans le 20ieme le 12 mars 2024, pour enregistrer la présentation de Dissolution de Pierre Douillard.

« Nous avons vu l’État s’attaquer au mouvement écologiste après avoir démantelé des associations anti-racistes, musulmanes et contestataires. Nous avons vu les manifestations interdites et l’antiterrorisme maintenir l’ordre. Nous avons vu un Ministre menacer la plus ancienne organisation de défense des Droits de l’Homme. L’objectif de ce régime n’est pas de susciter l’adhésion mais la soumission, pas de provoquer l’action mais l’apathie. Dissoudre tout ce qui fait commun. Alors que l’horizon se rétrécit, cet essai propose une histoire des procédures de dissolutions et la manière dont elles incarnent désormais la gouvernementalité contemporaine. Mais surtout, il se demande comment faire face.

120 pages

De grè et de force : Comment l’état expulse les pauvres

Aujourd’hui nous vous diffusons le montage de l’événement organisé le 26 janvier 2024 à la Parole errante autour de l’ouvrage de Camille François De gré et de force. Alors que la pression immobilière se fait de plus en plus forte, surtout dans les métropoles comme les nôtres où la gentrification règne, la machine à expulser tourne à plein régime.

Quelques mois après l’application de la loi Kasbarian-Berger, il nous semblait essentiel de penser l’accès au logement depuis ses luttes et les formes nouvelles qu’elles doivent emprunter : comment faire quand l’État s’est donné les moyens de virer à tour de bras les squatteurs et mauvais payeurs ?

Dans cette enquête sociologique, il retrace précisément tout le parcours administratif qui met des gens à la rue : du mécanisme de surendettement au tribunal, en passant par le recours à la force publique.

Présentation de l’éditeur :

“Les expulsions locatives jettent chaque année en France des milliers de familles pauvres à la rue dans une indifférence quasi générale. Pourtant, ces procédures sont au coeur de l’accroissement de la pauvreté et des inégalités sociales. Et leur nombre a augmenté au cours des vingt dernières années.

À partir d’une longue enquête de terrain, ce livre s’intéresse aux institutions et aux “petites mains” chargées de réaliser les expulsions. Il décrit la manière dont la violence légitime de l’État s’exerce sur les familles menacées de délogement, en retraçant les différentes étapes auxquelles elles sont confrontées : les services de recouvrement où les employés des bailleurs essaient de leur faire rembourser leur dette, les tribunaux où les juges prennent les décisions d’expulsion, les services de préfecture et de police chargés d’utiliser la force publique pour les déloger de leur domicile.

En expliquant pourquoi certaines familles sont plus souvent expulsées que d’autres et comment les agents de l’État les contraignent, à la fois de gré et de force, à quitter leur logement, il met ainsi en lumière une violence légitime, moins visible que la répression des manifestations ou que des interpellations policières, mais tout aussi efficace dans le maintien de l’ordre social.

Loin d’être une fatalité, ces expulsions locatives constituent une réalité éminemment politique, qui interroge la place du capital immobilier et de l’État dans la précarisation des classes populaires aujourd’hui. Une réalité contre laquelle il est possible d’agir. “

la mairie veut fermer la bourse du travail d’Aubervilliers

La Mairie, passée récemment UDI, a décidé de fermer, la bourse du travail, espace nécessaire à l’auto-organisation des travailleurs. Il s’agissait de perturber les vœux de la mairesse qui se déroulait aux portes de Paris chez Chanel.

Nous nous sommes rendus à la bourse du travail d’Aubervilliers, ce 18 janvier 2024, et dans cette heure d’émission, nous allons entendre la parole de militante et militante sur la situation de la lutte sur la bourse du travail. Nous revenons avec Romain, de la CGT ÉNERGIE 93, venue, en soutien, de la répression qui a suivi leur mobilisation sur la réforme des retraites.

En compagnie de Nicolas, de la CGT ROISSY, nous parlons de la situation sociale à Roissy et dans le courant de ce reportage, nous entendrons les prises de parole, qui ont rythmé cette mobilisation contre la fermeture de la bourse du travail d’Aubervilliers.

Le tract ci-dessous était distribué pour informer :

Coup de pression sur la Bourse du travail d’Aubervilliers !

Nous répondons présent es ⋅ !

Jeudi 11 janvier, nous avons été destinataires d’un mail nous annonçant la réalisation d’un état des lieux de sortie pour le lendemain !

Ce coup de pression ridicule a malgré tout été pris au sérieux et plus d’une centaine de personnes se sont rassemblées sur place dès le matin, militant es syndicaux ales et de collectifs.

Nous avons pris la mesure de l’ampleur du soutien sur lequel nous pouvons compter. Que tout le monde soit chaleureusement remercié !

Il faut rappeler que nous sommes à ce jour dans des locaux que nous occupons au titre d’une convention qui est toujours en vigueur, celle-ci n’ayant pas été régulièrement dénoncée : nous ne sommes pas sans droit ni titre et nous poursuivons nos activités quotidiennes. Sur le fond, nous contestons la légitimité d’une décision d’expulser des Unions locales de syndicats de leurs locaux. Les organisations syndicales utilisent les locaux de la Bourse du travail depuis plus d’un siècle sur la ville. La décision municipale d’expulsion, irrégulière et illégale, démontre encore, s’il en était besoin, l’état de désorganisation des services municipaux et l’amateurisme d’une gestion des dossiers mal préparés et bâclés. Citons notamment :

  • la suppression chaotique du comité des œuvres sociales avec une fin programmée sans solution de remplacement pour la restauration des agent es ;
  • la vente du foyer Ambroise Croizat à la Métropole du Grand Paris sans solution réelle d’accueil des associations qui y disposaient de locaux pour leurs activités ;

— La fin de la cantine scolaire sans prévoir une prestation en remplacement. À supposer que la municipalité projette de supprimer la Bourse du travail, encore faudrait-il respecter les procédures et les conventions en vigueur.

La municipalité doit agir dans le cadre de l’État de droit et non pas tenter de se comporter comme des gangsters !

Nous avons gardé en mémoire qu’un 31 décembre 2015, la municipalité-de droite-du Blanc-Mesnil avait forcé et changé les serrures de la Bourse du travail de la ville. Instruit es de ce dont sont capables ces municipalités antisociales, nous restons organisé es, vigilant es et déterminé es. Les habitant es et les travailleur ses d’Aubervilliers peuvent compter sur nous pour que cette issue ne se reproduise pas. À cet effet, nous organisons une veille permanente de nos locaux avec une multiplication de nos activités et l’accueil de toute initiative qui relève de l’éducation populaire gratuite. Un planning est disponible à cet effet et nous invitons les Albertivillarien nes à s’adresser aux organisations syndicales pour venir prendre ⋅ leur part. Aubervilliers qui fait partie des 50 plus grandes villes du pays (dixit la maire lors du conseil municipal du 21 décembre 2023) ne peut pas ne pas avoir une Bourse du Travail ! La Bourse du travail d’Aubervilliers n’appartient pas à la maire, mais à celles et ceux qui en ont l’usage, et nous la garderons !

Le comité de défense et l’intersyndicale Le comité de défense de la Bourse et l’intersyndicale appelait à participer nombreux ses à une manifestation jeudi 18 janvier 2024, à la Bourse du Travail (rue des 21 appelés). Ce même soir, la mairie de la ville présenta ses vœux à une élite triée sur le volet dans les locaux de Chanel… à Paris, porte d’Aubervilliers. La manifestation fut suivie d’un apéro partagé et des vœux de la Bourse ouverts eux à toutes et tous

NOS VOEUX avec le Poing de Montpellier et la grand goule

La rédaction du Poing vous souhaite ses meilleurs vœux pour 2024 ! Nous avons fouillé dans nos archives pour vous proposer un petit bilan de l’année écoulée dans le Clapas

Bon, qu’on se le dise, 2023 était quand même bien pourrie. Peut-être moins pire que 2020 et ses confinements, mais quand même : records de températures, massacres dans la bande de Gaza, gouvernement macroniste toujours plus en roue libre… Petit tour d’horizon (non-exhaustif) d’un an d’actu dans la 7ème ville de (F)rance.

Un mouvement massif contre les retraites

2023 a démarré en fanfare : la réforme des retraites, mesure phare du second quinquennat Macron, a largement mobilisé dans les rues de Montpellier. Premier round massif le 19 janvier dans les rues de la “surdoue”, avec 25 000 personnes à battre le pavé, à l’appel de l’intersyndicale, suivi de son lot d’actions (blocage du dépôt pétrolier de Frontignan, rassemblement devant les locaux du MEDEF, manifs sauvages avec feux de poubelles) et de mobilisations sectorielles, notamment chez les cheminots, dans l’éducation nationale ou chez les étudiants, notamment en fac de sciences, pourtant peu connue pour se mobiliser en période de mouvement social. Autre moment important de cette séquence : la visite de Macron à Ganges, fortement perturbée par des manifestants, aussitôt réprimés.

Manifestation du 7 février à Montpellier contre la réforme des retraites. (Mathieu Le Coz/Hans Lucas)

Une mobilisation quantitativement importante (jusqu’à 40 000 personnes le 7 ou le 22 mars), mais insuffisante pour faire plier Macron et son gouvernement. Comment l’expliquer ? Dans un article d’analyse publié dans notre numéro 36 (printemps 2023), une étudiante pointait du doigt la difficulté d’organiser et de coordonner des assemblées générales de luttes : « On a eu la sensation d’atteindre un plafond de verre assez vite, dans le nombre de secteurs représentés. La plupart de ces secteurs étaient déjà connectés avant la première AG : les cheminots venaient souvent sur le campus, les autres secteurs représentés se retrouvaient régulièrement sur des actions. Malgré une présence collective sur les piquets de grève, l’AG interpro n’a pas réussi à drainer d’autres salarié·e·s mobilisé·e·s sur la ville, comme les travailleur·ses de la TAM, de Nicollin, ou de l’énergie. Un faible investissement dans l’orga, accentué par la fonte des taux de grévistes au quotidien, a découragé. Le bilan n’est pas nul, à défaut d’une direction locale et démocratique pour le mouvement, les liens entre participant·e·s se sont resserrés, on a pu organiser une belle soirée de soutien à la grève le 6 avril. »

Cette désaffection des assemblées générales professionnelles peut aussi s’expliquer par la multiplication des contrats de travail courts et précaires, très exposés à la répression patronale, l’inflation importante pesant lourdement sur les petits salaires, etc. La grève dans le privé, notamment dans les PME, était faible. Une culture de la grève ne se construit pas en quelques semaines, et les projets de massification des arrêts de travail ne se situent pas sur la même temporalité que la lutte sur les retraites.

Les assemblées de luttes autonomes, comme celles initiées par le groupe Montpellier contre la vie chère, n’ont pas non plus rassemblées les masses, bien qu’elles aient conduits à mener plusieurs actions : barrages filtrants, tractages, blocages de sites jugés moteurs dans l’économie locale.

Assassinat de Nahel : la ville s’est embrasée

27 juin. Nahel, un jeune de Nanterre, se faisait tuer par un policier. Des émeutes ont eu lieu dans tout le pays en signe de protestation. A Montpellier, les quartiers Mosson-La Paillade ont rejoint la révolte dans la nuit du 29 au 30 juin. Barricades incendiées, bris de vitres du bureau de police Nord, tirs de feu d’artifice, pillage de l’Aldi Saint-Paul, caméras cassées… France 3 notait qu’une « personne âgée de 71 ans a également été admise au CHU de Montpellier […] elle aurait été victime d’un tir de LBD, un lanceur de balles de défense. »

Des affrontements ont également eu lieu à la Devèze, à Béziers (attaques de la mairie annexe, de la Mission locale et d’un distributeur automatique de billets), à Nîmes (poste de police de l’avenue Bir Hakeim visé) et à Narbonne (voitures incendiées).

Des scènes de jonctions entre militants du centre-ville et jeunes des quartiers populaires ont également été observées. Le 3 juillet, 19 personnes ont été déférées au parquet, avec des condamnations allant des travaux d’intérêts généraux à de la prison ferme.

En septembre, en réaction à ces violences policières, une manifestation réunissant un millier de personnes a été organisée à Montpellier.

Photo de la manifestation contre les violences policières organisée en septembre à Montpellier. (“Le Poing”)

Montpellier la mystique

Si Montpellier n’a pas été choisie pour devenir capitale européenne de la culture, serait-elle en train de devenir la capitale des thérapies new-age teintées d’ésotérisme ? En mai 2023, le salon du bien-être “Demain c’est aujourd’hui” accueillait au château de Flaugergues des entrepreneurs en bien-être (ainsi que des membres de la secte d’extrême-droite “Les Brigandes”). Le Poing avait sorti une enquête très détaillée à ce propos, et des sponsors s’étaient retirés de l’événement. Le salon avait d’ailleurs été pointé du doigt par l’Union nationale des associations de défense des familles et de l’individu (Unadfi) pour ses risques de dérives sectaires. Le sommet aura finalement fait un beau flop, qui conduira l’organisatrice à lancer une cagnotte en ligne pour rembourser son manque à gagner et payer ses prestataires. Elle récupèrera seulement 200 euros sur les 66 000 demandés.

En septembre, des « mediums » et « guérisseuses » proposaient des « rituels de dégagement des magies noires » au plomb et autres massages, lithothérapie et « nettoyage énergétique du mauvais œil » à la journée des associations d’Antigone. En octobre, un autre salon du bien-être, “Mystic”, avait lieu au château de Flaugergues, sans médecins du CHU, mais avec son lot de « chamans », litothérapeutes et autres promoteurs de « thérapies holistiques ».

Toujours en octobre, la foire internationale de Montpellier, soutenue par la Ville, la Métropole et le Département, qui s’est tenue au parc des expositions, a encore fait la part belle aux « guérisseurs », « patriciens reiki », et « annulateurs de sortilèges »… Enfin, le salon “Bio&harmonies”, qui s’est tenu du 8 au 10 décembre dernier, également au parc des expos, mettait lui aussi en avant des « thérapies complémentaires » : « alchimie gnostique », « thérapeute dans le Quantique », « sono-thérapeute », « psychologie biodynamique », « soin spirituel »…

Enfin, en décembre, étaient organisées les journées internationales de l’Observatoire des pratiques professionnelles en santé intégrative (OPPSI), une association de promotion de cette médecine. Le congrès, finalement annulé après une saisie des autorités par l’Ordre des médecins, prévoyait d’inviter entre autres, un médecin antivax et surtout, un médecin se réclamant de la doctrine de l’anthroposophie, un courant ésotérique cité par la mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires comme pouvant présenter des risques pour la population.

Ce n’était pas la première fois que le Poing évoquait dans ses colonnes l’anthroposophie à Montpellier : en septembre dernier, nous révélions que la mairie et la Métropole avaient signé un prêt à une banque citée dans un rapport de la Miviludes dans son chapitre sur l’anthroposophie, et en octobre, que le site de la Ville faisait la promotion sur son “portail des assos” en ligne d’une association dont la mission est de faire connaître cette doctrine (supprimée après publication de notre article).

L’extrême-droite toujours en embuscade

Fidèle à sa ligne éditoriale fermement engagée contre les extrêmes-droites, Le Poing a encore une fois beaucoup documenté les faits et gestes des fachos locaux en 2023.

Nous avons notamment évoqué les menaces subies par des syndicalistes du bassin de Thau durant la réforme des retraites, la complaisance de l’ancien préfet Hugues Moutouh (remplacé depuis par François Xavier-Lauch, un proche de Macron et Darmanin) avec les manifestations d’extrême-droite, les péripéties administratives conduisant à l’annulation du spéctacle de l’antisémite Dieudonné (théoriquement de retour dans le Clapas à la fin du mois), ainsi que la présence de symbole fascistes sur les tenues de policiers montpelliérains.

Nous avons également révélé que Jordi Vives, ancien cadre du groupuscule raciste et violent La Ligue du Midi, était devenu assistant parlementaire de l’eurodéputé Gilbert Collard. A l’occasion du sommet “MEET” dont nous parlions plus haut, nous avons consacré deux articles à la secte d’extrême-droite les Brigandes : l’un sur leur business immobilier et sur leurs conférences ésotériques new-age, et l’autre sur leurs liens avec Moscou et des nationalistes russes.

Nous avons relaté une série de procès opposant justement un membre de la Ligue du Midi ou un soutien des brigandes à des membres de la Ligue des droits de l’Homme.

En septembre, nouvelle révélation : une ex-cadre du groupuscule dissous Génération Identitaire fonde une association de parents d’élèves à Aniane, petit village héraultais. Une information ensuite reprise par Libération en citant Le Poing.

Nous avons aussi beaucoup parlé de Béziers et de son sulfureux maire Robert Ménard : son refus de marier un couple car l’époux était sous un régime d’obligation de quitter le territoire français, son obstination à mettre des crèches de Noël dans sa mairie malgré les refus successifs du tribunal administratif, et de sa politique de fichage des propriétaires de chiens. De plus, nous avons discuté avec Daniel Kupferstein, réalisateur qui a filmé cette ville pendant sept ans pour en faire un documentaire sur la gestion municipale de Ménard.

Grève chez Onet : l’évènement social de la rentrée

Un phare dans la nuit” selon certains militants. il faut dire que cette grève, menée essentiellement par des femmes, souvent issues de l’immigration, en temps partiel imposé et sans grande culture syndicale, a suscité beaucoup d’attention de par sa longévité : le 13 septembre, les salariés d’Onet, entreprise qui gère le nettoyage du CHU de Montpellier, se sont mis en grève pour demander pour demander des augmentations de salaires, une prime équivalente au treizième mois et pour marquer leur refus d’un dispositif de contrôle sur téléphone où elles devaient rendre compte de chaque prestation effectuée dans les divers endroits qu’elles nettoyaient.

Une grève historique par sa durée, qui aura eu le soutien de députés insoumis comme Rachel keke ou François Ruffin.

Au bout de 80 jours de grève, elles ont finalement obtenu, via des négociations avec la direction, une prime exceptionnelle de 650 euros et un allègement du dispositif de traçage. 80 jours de lutte qui n’auraient sans doute pas été possibles sans un comité de soutien, rassemblant largement divers pans du mouvement social montpelliérain, qui a réuni près de 20 000 euros en organisant divers évènements pour abonder la caisse de grève.

Les salariées d’Onet étaient en première ligne de la manifestation intersyndicale du 13 octobre à Montpellier. (Mathieu Le Coz/Hans Lucas)

Toujours aux côtés de celles et ceux qui luttent, Le Poing a également couvert le mouvement des coursiers en lutte contre les plateformes de livraisons pour plus de droits, le combat des intermittents du spectacle pour la défense de leur statut, celui des profs contre la réforme des lycées pro ou des étudiants contre la sélection à l’université, la grève historique des attachés parlementaires en novembre ou plus récemment celle des salariés de l’association Issue, qui militent pour le renouvellement des contrats dans un accueil de jour pour des personnes à la rue, mais encore la mobilisation écologiste contre les travaux du LIEN au nord de Montpellier, jugés illégaux.

Fait cocasse, quand Michaël Delafosse, maire “socialiste” de Montpellier, se vante de “grignoter de l’espace aux voitures” en mettant en place la gratuité des transports (opérationnelles depuis fin décembre), alors que son comparse lui aussi socialiste Kléber Mesquida, à la tête du Département, fait construire un échangeur autoroutier qui va augmenter le trafic. N’y aurait-il pas une dissonance cognitive dans les rangs du PS héraultais ?

Massacres à Gaza : réaction populaire

Une actu chasse l’autre. C’est celle, dramatique, provoquée par l’attaque du Hamas le 7 octobre dernier, qui a agité les rues montpélliéraines en cette fin d’années. Malgré des tentatives d’interdictions par la préfecture (retoquées par le tribunal administratif), pas moins de dix manifestations réunissant parfois plusieurs milliers de personnes se sont enchainées tous les samedis dans le Clapas depuis octobre, avec la dernière en date, celle de la veille de Noël dans le quartier de la Paillade.

Image de la manifestation du 28 octobre en soutien à la Palestine sur la Place de la Comédie. (Mathieu Le Coz/Hans Lucas)

L’une d’elle a été marquée par une interpellation pour apologie du terrorisme, après qu’une personne ait qualifié l’attaque du 7 octobre comme un “battement d’aile de papillon” pour la résistance palestinienne. Des propos tenus en fin de manifestation alors que les organisateurs étaient déjà partis. L’homme sera jugé en février. Les organisateurs des manifestations avaient alors dénoncé une “instrumentalisation” politique et médiatique pour masquer le caractère légitime de la mobilisation.

Par ailleurs, les organisations mobilisées ont dénoncé le 11 décembre dernier devant la mairie de Montpellier la position de la Ville sur le conflit en cours et ont demandé (sans succès) à Michaël Delafosse, d’adopter en Conseil municipal une motion en faveur d’un cessez-le-feu.

Car depuis 1977, les élus locaux montpelliérains célèbrent, à l’initiative du centre culturel juif de Montpellier, la “journée de Jérusalem, capitale une et indivisible du peuple juif”. Une revendication alignée sur des intégristes israéliens et contraire au droit international, reprise par un certain Donald Trump en 2017. Et plus récemment, Michaël Delafosse a déclaré ;“il est mensonger de parler d’apartheid Israélien”.

Enfin, la fin de l’année a été marquée par la mobilisation contre la loi immigration de Darmanin. Des rassemblements et manifestations ont été organisées à Montpellier.

De notre côté, dix ans et un salarié

Pour la presse indépendante, 2023 a été une année riche : les camarades de la revue Frustration et du média Marseillais CQFD nous ont rendu visite à Montpellier, on s’est tous fédéré autour des états généraux de la presse indépendante le 30 novembre dernier à Paris pour porter des revendications, et la mobilisation devrait continuer en 2024.

Pour Le Poing, 2023 fut l’année des dix ans d’existence, une durée de vie inespérée pour un petit canard comme le notre (un numéro papier spécial anniversaire paraîtra le 12 janvier), mais aussi celle de l’embauche de son premier salarié à temps partiel. On a aussi commencé nos ateliers d’éducation aux médias et à l’information dans des établissements scolaires, et on compte bien poursuivre ! Cependant, la suite demeure précaire. Pour qu’on dure dix ans de plus (et c’est tout ce qu’on peut nous souhaiter en ce début d’année), une seule solution, vu qu’on refuse la pub et l’asservissement à un milliardaire : abonnez-vous à notre journal papier ou faites un don !

Sur ce, la rédaction du Poing vous souhaite une excellente année 2024, pleine de luttes et (on l’espère), de victoires !

Bilan 2023 de la Grand Goule journal militant du limousin

une répression des mouvements sociaux en pleine expansion !

Le premier semestre 2023 a largement exprimé une forte colère sociale, avec la mobilisation contre la réforme des retraites et la lutte contre les mégabassines, puis avec les émeutes déclenchées par le meurtre de Nahel, adolescent abattu à bout portant par un policier le 27 juin lors d’un contrôle routier à Nanterre. Le bilan que l’on peut tirer de cette année est aussi celui d’une répression de plus en plus violente – au total, ce sont des milliers de manifestant-e-s et d’émeutiers qui ont été blessés, interpellés ou poursuivis devant les tribunaux.

Le 5 avril dernier, le ministre de l’Intérieur Darmanin avait menacé de supprimer les subventions de la LDH parce qu’elle dénonçait dans les médias l’« usage disproportionné » d’armes (grenades, LBD…) par les forces de l’ordre le 25 mars, lors de la manifestation antibassines interdite de Sainte-Soline, ainsi que leur refus de laisser les secours accéder aux blessé-e-s. Le 10 juillet, la LDH a néanmoins rendu public son rapport sur ces faits. Ont ainsi été mis en relief que – pour défendre un trou – plus de 5 000 grenades ont été lancées contre les manifestant-e-s, et 3 200 gendarmes, 9 hélicoptères, 4 blindés et 4 camions à eau ont été mobilisés. Ces chiffres montrent une nette augmentation des moyens mis en œuvre par l’Etat français pour « maintenir l’ordre », en comparaison par exemple avec les affrontements sur la ZAD de Sivens le 25 octobre 2014, où il n’a paraît-il été tiré « que » 237 grenades lacrymogènes, 38 grenades GLI-F4 et 23 grenades offensives F1 – et où l’une de ces dernières a tué Rémi Fraisse.

L’Etat français a plusieurs fois été épinglé par des institutions telles que l’ONU ou le Conseil de l’Europe pour la violence de ses troupes, mais il n’en a cure. En 2023, il a multiplié les mesures coercitives : innombrables interdictions de manifester (que ce soit contre les mégabassines1 ou pour dénoncer les bombardements de Gaza après le 7 octobre) ; renforcement de la surveillance des populations – par l’utilisation des drones, de la reconnaissance faciale ou du prélèvement d’ADN 1 C’est même depuis septembre 2021 que les manifestations antibassines font l’objet d’arrêtés d’interdiction systématiques. – ainsi que des contrôles policiers, notamment à l’encontre de personnes venant soutenir des prévenu-e-s lors de procès. La décision qu’a prise, le 21 juin, le conseil des ministres de dissoudre les Soulèvements de la Terre n’est tombée à l’eau que grâce à l’avis négatif rendu à son sujet par le Conseil d’Etat le 9 novembre.

Concernant la lutte contre la réforme des retraites : d’après Darmanin le 5 avril, il y avait eu alors, depuis le 16 mars – jour où le gouvernement a utilisé l’article 49-3 pour faire passer sa réforme des retraites –, 1 851 interpellations. Pendant ce mouvement, des centaines (au moins) d’arrestations préventives ont eu lieu, à ajouter aux milliers d’interpellations lors des manifestations, et des centaines de personnes ont été blessées (dont quatre manifestant-e-s et un journaliste gravement) . Actuellement, plus de 400 militant-e-s de la CGT sont poursuivis en justice, selon ce syndicat , et plus de 1 000 sont menacés de licenciement, des procédures à leur encontre étant en cours dans les entreprises. Par exemple, le secrétaire général de la fédération mines-énergie Sébastien Ménesplier a été entendu par la gendarmerie à Montmorency dans le cadre d’une enquête sur des coupures d’électricité en mars. La FSU signale de son côté une hausse des signalements dans la fonction publique ; et Solidaires fait état de conseils de discipline à la Poste et de mutations forcées dans l’Education nationale.

Concernant les émeutes du 27 juin au 3 juillet : selon le ministère de la Justice, le 6 juillet, il y avait eu au niveau national 3 693 personnes interpellées, donc 31 % de mineurs. Le 19 juillet, Dupond-Moretti a parlé de « 1 278 jugements, avec 95 % de condamnations, 1 300 déferrements au parquet, 905 comparutions immédiates, 1 056 personnes condamnées à une peine d’emprisonnement, dont 742 à une peine ferme avec un quantum moyen des peines fermes de 8,2 mois, et 600 personnes incarcérées ». Pour rappel, pendant les trois semaines d’émeutes déclenchées, le 27 octobre 2005, par la mort des adolescents Zyed et Bouna, à Clichy-sous-Bois lors d’une coursepoursuite avec la police, il n’y avait eu « que » 400 peines de prison ferme. En 2023, jusqu’à 45 000 policiers et gendarmes ont été mobilisés – contre 11 000 en 2005. Au moins 10 personnes ont été gravement blessées (le plus souvent éborgnées par des tirs, de LBD ou autres grenades) et il y a eu deux morts.

Le procès « mégabassines » de Niort Deux épisodes judiciaires se sont déroulés, le 8 septembre et le 28 novembre, au tribunal correctionnel niortais sur la thématique « mégabassines ». Un dossier a en effet été monté sur cette thématique pour inculper neuf personnes : il mêle diverses « affaires » et vise des militants de diverses organisations… en les incriminant pour l’essentiel à partir de vidéos ou d’articles mis en ligne par ces organisations. Les 1 neuf prévenus ont comparu libres, le 8 septembre après-midi, au tribunal correctionnel de Niort. Sébastien Wyon (de la Confédération paysanne), Joan Monga et Nicolas Bauvillain (de Bassines non merci, BNM) sont poursuivis pour « vol aggravé »2 car « commis en réunion » pendant le « printemps maraîchin » des 25- 27 mars 2022 à La Rochénard. Lors de cet événement festif qui a réuni plusieurs milliers de personnes contre la création des 16 « retenues d’eau » prévues dans la région par le protocole d’accord de la Coop de l’eau3 , deux tuyaux de canalisation d’irrigation ont été déterrés et découpés, puis un bout en a été « frauduleusement soustrait » et 1 « A Niort, un procès des antibassines fourre-tout et sous haute tension », Politis, 8 septembre 2023. 2 Ils le sont aussi pour avoir refusé de se soumettre à un relevé d’empreintes et d’ADN. 3 Les travaux pour creuser celle de Priaires – la troisième de ces 16 mégabas- sines – ont démarré le 28 août. emporté – une action revendiquée par plusieurs organisations4 . Julien Le Guet (porte-parole de BNM) est quant à lui inculpé pour organisation d’une manifestation non déclarée et « participation à un groupement en vue de la préparation de violences ou dégradations de biens, vol et dégradations » lors de la « grillade party » du 2 octobre 2022 à Sainte-Soline – une manifestation où une cinquantaine de personnes avait été empêchée par la police de piqueniquer sur un terrain. Ce militant est aussi accusé d’avoir démonté une grille à cette occasion. Cinq des neuf prévenus sont poursuivis pour organisation d’une manifestation interdite le 29 octobre 2022 : Julien Le Guet, Joan Monga, Nicolas Garrigues (porte-parole des Soulèvements de la Terre), Hervé Auguin (codélégué départemental Solidaires 79) et David Bodin, secrétaire de l’union départementale 4 Toutes ces manifestations interdites ont été soutenues par… 150 à 200 orga- nisations. CGT. Les syndicalistes de Solidaires et de la CGT sont en fait là parce qu’ils ont déposé, au nom de leurs organisations respectives, une déclaration de manifestation et que la préfecture a ensuite interdit cette manifestation. L’organisation d’une manifestation interdite est un délit passible de 6 mois d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende, alors que la participation à une manifestation interdite n’est passible que d’une amende forfaitaire de 135 euros… Ces cinq prévenus sont également inculpés pour organisation d’une manifestation interdite le 25 mars 2023, et deux autres personnes avec elles : Nicolas Girod (ancien porteparole de la Confédération paysanne) et Benoît Jaunet (porte-parole de la Confédération paysanne 79), parce qu’ils ont participé au convoi de tracteurs venus alors à Sainte-Soline. Acte I : le 8 septembre L’hétérogénéité du dossier et le nombre des prévenus ont conduit le président du tribunal à ne pas procéder par individu, mais par ordre Des interpellations et des condamnations en lien avec les émeutes du printemps ont toujours lieu (les gardes à vue ont ainsi dépassé les 4 000), notamment « grâce » à l’exploitation de la vidéosurveillance, aux tests ADN réalisés sur les projectiles ou les véhicules, et à la géolocalisation des téléphones. Par exemple, le 4 décembre à Brest, un jeune homme a pris douze mois de prison ferme pour « dégradation » du tennis-club, tandis que, à Gaillon dans l’Eure, quatre personnes dont deux mineurs étaient placées en garde à vue pour des tirs de mortier contre les forces de l’ordre. Ces procès qui se déroulent à bas bruit aboutissent, d’après l’AFP4 , « dans de nombreux 4 « Emeutes après la mort de Nahel : cinq mois après, les enquêteurs voient cas à des condamnations en justice [mais] il n’existe pour l’instant pas de statistiques nationales sur ce sujet ». Concernant la lutte contre les mégabassines : à Sainte-Soline le 25 mars, il y a eu au moins 200 blessée-s chez les manifestants – une quarantaine gravement, dont deux dans le coma. Plus de 24 000 contrôles de véhicule ont été réalisés, selon Darmanin, et des arrestations opérées sur la seule base d’un marquage chimique (un… journaliste a ainsi effectué 28 heures de garde à vue). Le procès de Niort portant entre autres sur cette manifestation (voir l’article suivant) montre une fois de plus que des moyens d’enquête d’ordinaire utilisés contre le terrorisme ou le le bout du tunnel », Nice-Matin du 5 dé- cembre 2023. grand banditisme – ainsi la section de recherches de Poitiers – peuvent être employés pour des infractions rangées en bas de l’échelle pénale (tel l’« emprunt » d’un bout de canalisation) afin de dramatiser un dossier. Aujourd’hui comme hier, les poursuites judiciaires traduisent la volonté gouvernementale de criminaliser les mouvements sociaux. Et, sous Macron comme sous Hollande auparavant, ces poursuites contribuent, avec les violences policières, à servir les intérêts des capitalistes – que ce soit pour imposer une réforme du code du travail ou des retraites ou pour faciliter l’accaparement de l’eau par l’agro-industrie.

NOTE : A Paris, du 16 au 20 mars, 790 personnes ont été interpellées lors de « nasses », et 200 ont été blessées rien que le 1er Mai. « Mobilisation contre la réforme des retraites : plus de 400 militants CGT sont visés par des poursuites judiciaires après des actions », Franceinfo, le 6 septembre 2023.

Présentation du livre “A en devenir fou” par Alexandre Macé Dubois/Histoire de la commission juridique du groupe information asiles

Dans cette émission, vous entendrez en première partie la présentation du livre « À en devenir fou. Et si l’hôpital psychiatrique fabriquait plus de malades qu’il n’en soigne ? », par Alexandre Macé Dubois. Ce dernier, journaliste, s’est fait interné dans un service psychiatrique, et vous entendrez ici son témoignage. Puis, en seconde partie, vous pourrez écouter un récit tentant de faire une histoire de la Commission juridique du Groupe information asiles, et par extension une histoire du droit des internés. Ce groupe se fonde sur le constat que les personnes internées en psychiatrie n’ont aucun droit. Ce qui ne sera pas sans rappeler le propos de la première partie, où infiltré dans un hôpital psychiatrique, le journaliste constate bien des entorses et des maltraitances au sein de l’institution psychiatrique.

Après Gaza ? Avec Sylvain Cypel.

Parce que nous ne lâcherons pas Gaza, nous vous diffusons aujourd’hui la conférence de Sylvain Cypel. Cette initiative avait lieu au Lieu dit, organisée par la société Louise Michel et avait pour thème Après Gaza.

Sylvain Cypel est un journaliste qui a travaillé pour le journal Le Monde jusqu’en 2013 et qui maintenant écrit pour Orient 21ᵉ siècle.

Sylvain Cypel a écrit le livre Israël contre les juifs, dont une republication actualisée va bientôt paraître.

Les drames qui s’accélèrent depuis le 7 octobre en Israël et à Gaza nous obligent à comprendre !  Comment tout cela est-il devenu possible ? Que faire pour arrêter l’horreur qui se déroule sous nos yeux, bien que les médias Française affiche un soutien à Israël.

Le gouvernement Netanyahou, et malheureusement sans doute une majorité de la société israélienne, en était venu à croire qu’il n’y avait plus de « question palestinienne ». Affaire réglée ! Du coup, le 7 octobre, le Hamas a fait voler en éclats cette illusion. Celle-ci imposée au prix d’un massacre de la population Palestinienne et de nombreux morts en Cisjordanie… Une descente aux enfers pour la population de Gaza, dont on ne voit pas quand elle finira et qui pourrait l’arrêter.

Au fur et à mesure de la conférence, bien des questions qui font polémique s’éclairent. Terrorisme ? Terroristes ; certainement, les actes du Hamas le sont, mais aussi ceux de l’État israélien, qui vont jusqu’à des actions de portée génocidaire. Comment ce qui se passe à Gaza est vécu par la communauté juive des États-Unis ; La communauté juive américaine est presque aussi importante que celle vivant en Israël et Sylvain Cypel la connaît bien. Elle est traversée de fortes divisions, une part très significative des juifs américains se dissocie de l’État israélien et dénonce la politique de son gouvernement.

Au-delà de l’exigence immédiate d’un cessez-le-feu à Gaza, Sylvain Cypel insiste sur l’idée que l’objectif pour sortir des implacables dynamiques destructrices en cours, et ce, pour toutes les populations concernées, c’est d’imposer la fin de la colonisation.

Quelle solution pour l’après Gaza ? Selon sylvain Cypel, elle ne peut venir que de l’extérieur. Des États-Unis ? Pour le moment, c’est l’Afrique du Sud, forte de son expertise en matière apartheid, qui dépose plainte devant la Cour internationale de justice, pour génocide.

IMPERIALISME ET NEO COLONIALISME

En appel à la mobilisation pour un cessez le feu à Gaza du samedi 13 janvier à 13h30 sur la Place de la République, et pour l’abrogation de la loi asile et immigration à 15h le dimanche 14 janvier sur la même place, nous vous diffusons aujourd’hui un débat qui avait eu lieu le 17 octobre 2023 dernier à Ivry lors de la semaine décoloniale intitulé « Impérialisme et néo-colonialisme. Du renouveau des mouvements révolutionnaires à l’unité des peuples ? » avec Saïd Bouamama.

« En ce jour de commémoration du massacre du 17 octobre 1961, comme chaque année à Ivry nous rendons hommage à ces manifestant.es algérien.ne.s réclamant l’indépendance de leur pays et réprimé.e.s dans le sang, ainsi qu’à toutes celles et ceux qui se sont battu.es et qui se battent encore contre le colonialisme. Et aujourd’hui, aux quatre coins du monde, les peuples se soulèvent et s’organisent pour une indépendance réelle, débarrassée de l’impérialisme et du néocolonialisme, comment construire les solidarités concrètes avec et entre les peuples, là-bas et ici même, au cœur des puissances impérialistes ? Comment répondre aux attaques violentes, réactionnaires et contre-révolutionnaires de tous ces « empires » qui ne veulent pas mourir ?

L’unité des peuples en lutte contre le système colonial et capitaliste apparaît déterminante pour y mettre un terme. Le sociologue et militant Saïd Bouamama présentera la résurgence de ces mouvements révolutionnaires, inscrits dans la continuité des expériences passées, et ayant des répercussions sur les combats de libération et d’émancipation à toutes les échelles, jusque dans nos propres quartiers. »

Journée internationale des migrants contre la loi Darmanin

Après le vote de la loi scélérate connue initialement comme « loi Darmanin », 400 collectifs, associations, syndicats, partis politiques appellent à une journée nationale de manifestations pour le retrait de la loi Darmanin, contre le racisme et la xénophobie, le dimanche 14 janvier. L’ampleur de cette première vague sera déterminante pour la suite. Pour faire plier Macron et Darmanin et ouvrir à un mouvement qui change le climat politique et barre la route à la progression du fascisme. Le RDV est donné Le dimanche 14 janvier à 15 h Place de La République.

En appel à cette date, nous vous diffusons aujourd’hui les reportages que nous avons réalisés lors de la manifestation du 18 décembre 2023 à Paris pour la journée internationale des migrants.

La loi asile immigration reprend de nombreuses idées de l’extrême droite comme la préférence nationale et aura des conséquences terribles sur la vie de centaines de milliers d’habitant.e.s étrangèr.e.s sur le sol français. Il s’agit de la loi la plus régressive depuis 40 ans. Cette loi raciste et xénophobe restreint le droit au séjour, accentue considérablement la répression, s’attaque au droit d’asile, au droit du sol, aux étrangers malades, aux étudiants non européens, au regroupement familial. L’attaque contre l’hébergement d’urgence, le durcissement de l’accès aux prestations sociales dont les allocations familiales et les aides aux logements, vont jeter des familles à la rue ou dans les bras de marchands de sommeil, particulièrement les femmes migrantes.

Cette loi va précariser davantage les travailleuses et travailleurs, les lycéens, les étudiants avec ou sans-papiers. L’arbitraire préfectoral est encore renforcé, refoulement aux frontières, délivrance systématique des OQTF et IRTF et allongement de leur durée, notamment pour les travailleuses et les travailleurs.

Cette loi s’attaque aux libertés publiques, bafoue les droits fondamentaux tels que le droit d’asile, restaure la double peine et fait honte à la France, qui prétend défendre les valeurs d’égalité entre toutes et tous.

Entretien avec Leila Shahid

En appel aux prochains rassemblements en soutien à la lutte du peuple palestinien, nous vous diffusons aujourd’hui le montage d’un entretien réalisé par Blast avec Leila Shahid publié le 09 décembre 2023.

Des nombreux acteurs ayant participé aux guerres et aux négociations plus ou moins secrètes entre Israël et Palestine depuis une quarantaine d’années, Leïla Shahid est sans doute une des premières et une des dernières à pouvoir mettre un peu de lumière dans ce qui apparait de plus en plus obscur, manichéen et indéchiffrable. Ambassadrice dans de nombreux pays, déléguée générale de la Palestine, depuis son arrivée en Irlande en 1989 jusqu’à sa démission de l’Union européenne en 2015, la diplomate née à Beyrouth en 1949 a été de tous les combats aux côtés de Yasser Arafat, le président de l’OLP, puis sans lui après sa mort en 2004.

Elle démissionne en 2015, car elle se sent inutile et désarmée pour amener la paix entre les deux États. Elle préfère alors s’investir sur un terrain plus culturel. Elle prend sa retraite en France du côté des Cévennes, non loin de Nîmes, d’où elle a accordé cet entretien au long cours à Denis Robert. Le signal internet étant fluctuant, nous nous excusons de la piètre qualité de l’image. Mais peu importe au fond, le son est bon et le témoignage de Leïla Shahid, devenu rare, prime et vaut tous les cours d’histoire et de géopolitique.

RDV LE 29 DÉCEMBRE 17 H 30 MÉTRO AVRON PARIS 20EME pour une déambulation en appel au cessez-le-feu à Gaza.

RDV LE 31 DÉCEMBRE 2023 SUR LES CHAMPS ÉLYSÉES À MINUIT MUNIE DE VOS DRAPEAUX PALESTINIEN AVEC LE COLLECTIF URGENCE PALESTINE.

Stop Arming Israël/Manif du 17 Elias Sambar presse et “terrorisme”

Le vendredi 15 décembre à eu lieu une action d’information à la gare Saint Lazare pour demander la fin du soutien de l’État Français aux massacreurs sionistes du peuple Palestinien. Ensuite nous avons été à la manifestation du 17 décembre, vous pourrez entendre quelques morceaux des intervention et des interviews que nous avons pu y réalisés. Puis dans la dernière partie de cette émission nous vous restituons la séquence enregistrée le 30 novembre dernier, lors des états généraux de la presse indépendante qui avait pour thème : La guerre israélo-palestinienne ou la nécessité d’une information indépendante et notamment l’intervention de M. Elias Sanbar (ancien ambassadeur de la Palestine à l’Unesco) sur quelle information en temps de guerre et l’utilisation du terme de terrorisme.

Plus de 30 syndicats palestiniens ont lancé le 16 octobre l’appel « Stop arming Israël ». Dans ce texte, ils appellent les syndicats à l’échelle internationale à :

  • Refuser de fabriquer des armes destinées à Israël
  • Refuser de transporter des armes vers Israël
  • Adopter des motions en ce sens par leurs syndicats
  • Prendre des mesures contre les entreprises complices qui participent à la mise en œuvre du siège brutal et illégal d’Israël, en particulier si elles ont des contrats avec leur institution.

— Faire pression sur les gouvernements pour qu’ils cessent tout commerce militaire avec Israël

Nous voulons mettre nos forces au service du peuple palestinien. Nous voulons que son massacre cesse. Nous souhaitons soutenir en France une campagne internationale lancée par les syndicats palestiniens. Pour ce faire, nous voyons pour le moment trois axes sur lesquels nous pourrions être utiles :

Faire des recherches sur les accords militaires France/Israël

Faire connaître au grand public les actions qui ont lieu à l’étranger et en France

Organiser des actions

Mail : stoparmingisraelfrance@gmail.com

Twitter : @stoparmingist

Instagram : @stoparmingisraelfrance

Telegram : t.me/stoparmingisraelfrance

REUNION TOUS LES DIMANCHES0 20H

http://tinyurl.com/arretonsdarmerisrael

Les syndicats palestiniens lancent un appel aux travailleurs du monde entier : Arrêtez d’armer Israël ! Ne soyez pas complices de ses crimes !

Les syndicats palestiniens lancent un appel mondial urgent à l’action, demandant aux travailleurs du monde entier de mettre un terme à la vente et au financement d’armes à Israël, ainsi qu’à la recherche militaire afférente.

APPEL À L’ACTION

Israël a exigé que 1,1 million de Palestiniens évacuent la moitié nord de Gaza, tout en les soumettant à des bombardements constants. Cette agression militaire sans précédent s’inscrit dans le cadre du plan israélien, qui bénéficie du soutien indéfectible et de l’aide active des États-Unis et de la majorité des États européens. Elle a pour but de nettoyer ethniquement la région, en massacrant impitoyablement les 2,3 millions de Palestiniens de Gaza.

Depuis samedi, Israël a bombardé Gaza de manière aveugle et intensive et a coupé le carburant, l’électricité, l’eau, la nourriture et les fournitures médicales. Israël a tué plus de 2 700 Palestiniens, dont 614 enfants, rasant des quartiers entiers, éliminant des familles entières et blessant plus de 10 000 personnes (le nombre de morts a maintenant dépassé 10 000, ndt). Certains experts en droit international ont commencé à parler de génocide.

Par ailleurs, le gouvernement israélien d’extrême droite a distribué plus de 10 000 fusils à des colons extrémistes en Palestine de 1948 et en Cisjordanie occupée afin de faciliter leurs attaques et les pogroms de plus en plus fréquents contre les Palestiniens.

Les décisions, les massacres et la rhétorique d’Israël montrent qu’il a l’intention de perpétrer la seconde Nakba qu’il promet depuis longtemps, en expulsant autant de Palestiniens que possible et en créant un “nouveau Moyen-Orient” dans lequel les Palestiniens survivants vivront sous un joug perpétuel.

En réponse, les États occidentaux ont manifesté un soutien complet et total à l’État d’Israël, sans même un regard pour le droit international. Cela a amplifié le sentiment d’impunité d’Israël et lui a donné carte blanche pour mener une guerre génocidaire sans limite.

Au-delà du soutien diplomatique, les États occidentaux fournissent de l’armement à Israël et soutiennent les activités des entreprises d’armement israéliennes à l’intérieur de leurs frontières.

Alors qu’Israël intensifie sa campagne militaire, les syndicats palestiniens appellent leurs homologues internationaux et tous ceux qui ont une conscience à mettre fin à toute forme de complicité avec les crimes d’Israël, en cessant de toute urgence le commerce d’armes avec Israël, ainsi que tout financement et toute recherche militaire. C’est maintenant qu’il faut agir – des vies palestiniennes sont en jeu.

la situation est urgente : seule une augmentation massive des manifestations de solidarité mondiale avec le peuple de Palestine pourront arrêter la machine de guerre israélienne et mettre fin au génocide. Nous avons besoin que vous agissiez immédiatement – où que vous soyez dans le monde – pour empêcher l’armement de l’État israélien et empêcher les entreprises de s’impliquer dans l’infrastructure du blocus.

Nous nous inspirons des mobilisations antérieures des syndicats en Italie, en Afrique du Sud et aux États-Unis, ainsi que des mobilisations internationales similaires contre l’invasion italienne de l’Éthiopie dans les années 1930, contre la dictature fasciste au Chili dans les années 1970 et partout où la solidarité mondiale a limité l’ampleur de la brutalité coloniale.

Nous appelons les syndicats des secteurs concernés à :

  • 1. Refuser de fabriquer des armes destinées à Israël.
  • 2. Refuser de transporter des armes vers Israël.
  • 3. Adopter des motions à cet effet au sein de leur syndicat.
  • 4. Prendre des mesures contre les entreprises complices impliquées dans la mise en œuvre du siège brutal et illégal d’Israël, en particulier si elles ont des contrats avec votre institution.
  • 5. Faire pression sur les gouvernements pour qu’ils cessent tout commerce militaire avec Israël et, dans le cas des États-Unis, pour qu’ils cessent de financer l’état hébreu.

Nous lançons cet appel alors que nous voyons se multiplier les efforts pour interdire et limiter l’expression de toute forme de solidarité avec le peuple palestinien. Nous vous demandons de vous exprimer et d’agir pour dénoncer l’injustice, comme les syndicats l’ont toujours fait dans l’histoire.

Nous lançons cet appel car nous sommes convaincus que la lutte pour la justice et la libération de la Palestine n’est pas seulement une lutte régionale et mondiale singulière. C’est un levier pour la libération de tous les peuples dépossédés et exploités du monde.

  • Fédération générale palestinienne des syndicats, Gaza. Syndicat général des travailleurs des services publics et du commerce. Syndicat général des travailleurs municipaux. Syndicat général des travailleurs des jardins d’enfants. Syndicat général des travailleurs de la pétrochimie. Syndicat général des travailleurs agricoles. Union des comités de femmes palestiniennes. Syndicat général des travailleurs des médias et de la presse écrite.. Fédération générale palestinienne des syndicats (PGFTU). Syndicat général des enseignants palestiniens. Union générale des femmes palestiniennes. Union générale des ingénieurs palestiniens. Association des comptables palestiniens.
  • Fédération d’associations professionnelles, y compris. Association dentaire palestinienne – Centre de Jérusalem. Association des pharmaciens palestiniens – Centre de Jérusalem. Association médicale – Centre de Jérusalem. Association des ingénieurs – Centre de Jérusalem. Association des ingénieurs agronomes – Centre de Jérusalem. Syndicat des vétérinaires – Centre de Jérusalem. Syndicat des journalistes palestiniens. Association du barreau palestinien. Association palestinienne des infirmières et des sages-femmes. Syndicat des travailleurs des jardins d’enfants. Syndicat des travailleurs des services postaux palestiniens. Fédération des syndicats des professeurs et employés des universités palestiniennes. Fédération générale des syndicats indépendants de Palestine. La nouvelle fédération des syndicats de Palestine. Union générale des écrivains palestiniens. Syndicat des entrepreneurs palestiniens. Fédération des syndicats de professionnels de la santé. Syndicat palestinien des psychologues et des travailleurs sociaux

loi asile et immigration : la question de la double peine

La loi asile et immigration, après avoir été rejetée par l’Assemblée nationale dès le premier jour de son examen en séance publique, est passée par une commission mixte parlementaire lundi et mardi afin d’être de nouveau présenté à l’Assemblée nationale le soir même. Or, c’est une version semblable à celle du texte retravaillé au Sénat, considérablement durcie et inspirée des propositions du RN, qui est passée au vote.
Dans cette émission, nous reviendrons sur un des volets répressif de cette loi et la réactualisation de la notion de “double peine” autour du dernier numéro de Plein droit, (revue du gisti) intitulé ” étrangers sous écrous”. En effet, nous serons en direct pendant 1 h 30 avec Julien Fischmeister qui a écrit l’article “Méchant avec les méchants » : la démagogie langagière à l’épreuve des faits ; et Juliette Petit, qui elle, a rédigé l’article  “contre la loi Pasqua, la voix des détenus sur les ondes de Parloir Libre”. Une occasion de revenir aussi bien sur la construction d’un discours qui légitime ces nouvelles lois, que sur la mémoire des luttes, afin de nourrir nos imaginaires pour les mobilisations à venir. 

Édito de “Plein droit” numéro d’octobre 2023

À rebours du fantasme bien tenace d’une « sur-délinquance », la surreprésentation des étrangers dans les prisons dévoile une économie de la peine discriminatoire. D’ailleurs, les statistiques officielles l’attestent : de profondes inégalités subsistent, selon que les personnes sont françaises ou étrangères, dans l’application de la loi, et ce, à toutes les étapes de la chaîne pénale. Ainsi ces dernières ne sont-elles pas seulement envoyées davantage en prison, elles le sont aussi pour des durées plus longues et en sortent moins vite. Pourtant, l’arsenal juridique prévoit un certain nombre de dispositifs permettant d’aménager les peines des personnes étrangères détenues, avec ou sans papiers. Mais leur condition carcérale, loin de corriger ces discriminations, en créé de nouvelles.

Surpénalisées, les personnes étrangères incarcérées, qu’elles soient ou non mineures, sont sous-protégées. Et si, derrière les barreaux, rien n’interdit aux sans-papiers détenus de travailler, la réforme du travail pénitentiaire prévoit une nouvelle dégradation de leurs droits : ils ne seront bientôt plus couverts par la législation professionnelle en cas d’accident du travail. En outre, la marge d’appréciation exorbitante dont disposent les administrations préfectorale et pénitentiaire entrave l’accès au séjour et à l’asile, a fortiori vu l’emprise du motif de la « menace à l’ordre public » et la rareté des dispositifs d’accès aux droits en détention.
Comment saisir le tribunal administratif depuis une cellule verrouillée, sans accès à internet, sans téléphone, bref sans possibilité de communiquer avec le monde extérieur, le tout en moins de 48 heures pour contester une obligation de quitter le territoire ? La collaboration entre les administrations préfectorale et pénitentiaire a fait de la prison l’antichambre de l’expulsion des étrangers hors du territoire national. Le continuum entre la détention et la rétention illustre ainsi d’une instrumentalisation de la finalité de l’incarcération, bien éloignée de l’objectif affiché d’une « contribution à l’insertion ». Loin des regards, la machine à expulser tourne à plein régime.

MANIFESTATION CONTRE LA LOI DARMANIN : Saint-Denis se mobilise

Aujourd’hui, une émission en appel a la manifestation de ce jour contre le projet de loi asile et immigration, qui partira de la place de l’opéra à 17 h.

CHANGEMENT DE POINT DE RALLIEMENT : suite à l’interdiction de la manifestation parisienne du 18 décembre entre Opéra et Concorde. Les collectifs de sans-papiers décident d’appeler à se rassembler ce lundi 18 décembre à 17 H place de la République, lieu autorisé par arrêté préfectoral.

Gérald Darmanin l’a dit : sa loi immigration est « la plus ferme avec les moyens les plus durs de ces trente dernières années ». Et devant le Sénat, il a fixé l’enjeu : il s’agit de savoir dans quelle société nous voulons vivre.

C’est effectivement l’enjeu. Voulons-nous vivre dans une société raciste, sécuritaire et anti-sociale ? Où allons-nous nous battre pour défendre nos libertés, l’égalité et la solidarité ?

Les modifications votées au Sénat, dont la suppression de l’aide médicale d’état est devenue l’emblème, durcissent encore le projet initial et étendent le champ des attaques. D’ailleurs, si la semaine dernière, même en votant la motion de rejet du projet de loi, celui-ci revient ce lundi 18 octobre en commission mixte paritaire, c’est-à-dire 14 parlementaires, 7 pour l’Assemblée nationale et 7 pour le sénat.

Le gouvernement espère ainsi, que cette commission s’accordera sur un texte commun qui devra ensuite être voté dans les deux chambres du Parlement. Voilà le niveau de la démocratie représentative en France.

Les associations et collectif de sans-papiers continuent la mobilisation. Et ce fut le cas mardi 12 décembre dernier à Saint-Denis où un rassemblement avait lieu.

Les organisations signataires appelaient à ce rassemblement pour le maintien de l’aide médicale d’état sans restrictions d’accès et contre le durcissement des conditions d’admission au titre de séjour pour étranger·e malade et dire non à la loi asile et immigration.

Dans cette émission, nous entendrons le reportage réaliser ce 12 décembre à Saint-Denis avec les prises de parole des collectifs et des associations et des interviews réalisés avec des habitantes du quartier des Francs-moisin a Saint-Denis.

Bonne écoute !

Être immigré.e en France à l’heure de la loi Darmanin

Du 12 au 17 octobre a eu lieu la semaine décoloniale d’Ivry organisé depuis trois ans par divers collectifs pour lutter contre le racisme, les discriminations, le colonialisme et le système d’exploitation.

Dans cette émission, vous écouterez la table ronde du 15 octobre qui revient sur les conditions du logement et du travail des personnes immigrés.

Bonne écoute

QUEL AVENIR POUR LES LIEUX AUTOGÉRÉS ?

Aujourd’hui, nous vous diffusons l’émission du pain et des parpaings diffusé sur radio pikez a Brest.

Pour notre 10ᵉ épisode et 1ᵉʳ de cette nouvelle saison, on quitte temporairement la campagne pour venir questionner la place qui est aujourd’hui laissée aux formes alternatives d’habiter une ville, un lieu. Depuis quelques années, la gentrification de certains quartiers de Brest comme le port de commerce et Saint-Martin est de plus en plus tangible.

L’expulsion violente en juillet 2023 du squat de l’Avenir, un espace autogéré emblématique et fruit d’une lutte historique d’usager.es pour la sauvegarde de cet espace fait résonner cette question : que reste-t-il de notre droit à la ville, à prendre part aux décisions quant à son aménagement, à faire hors des chemins imposés par les normes et les usages marchands ?

On revient sur la nécessité d’expérimenter des formes communes au sein d’espaces autogérés avec les collectifs Pas d’avenir sans Avenir et Fun Club Rade de Brest pour que continuent de vivre des manières plus autonomes d’habiter la ville, dans ce qui s’y fait et dans ce qu’il s’y passe.

Samidoun : au sujet de la libération des prisonier-e-s palestinien-ne-s

Depuis le vendredi 24 novembre 2023, “une trêve” dans les attaques de la bande de Gaza a été négociée en vue d’un échange entre les otages détenus depuis le 07 octobre en Palestine et des prisonnier-es palestinien-nes. Afin de mieux comprendre les enjeux liés à cette question et le rôle de la prison en tant qu’ outil du colonialisme, nous avons réalisé un entretien avec un membre du réseau international de solidarité avec les prisonier-e-s palestinien-ne-s Samidoun le dimanche 26 novembre dernier, que nous vous diffusons aujourd’hui.

VIOLENCES FAITES AUX FEMMES la prison est-elle la solution?

Violences faites aux femmes, la prison est-elle la solution © Sophie Larouzée-Deschamps

Tout d’abord, avant de commencer cette émission, nous tenons à préciser qu’il n’est pas question pour nous de sous-estimer ou banaliser la question de la violence faite aux femmes. Nous ne prenons pas à la légère son traitement, bien au contraire.

Nous, qui nous interrogeons sur la pertinence de l’existence des prisons, nous souhaitons interroger l’une de ses justifications ; la violence faite aux femmes.
Nous saluons le courage de l’Observatoire international des prisons (OIP) qui s’est saisi du dossier dans son numéro d’avril 2023 et qui va nous permettre de nous confronter à la question ; est-ce que la prison est la solution ?

Nous parlons de courage tant la seule réponse aux crimes et délits inscrits dans la loi semble être de nature sécuritaire, les peines ne sont jamais assez lourdes pour condamner les agresseurs et soigner les victimes. La protection des unes passe-t-elle nécessairement et uniquement par la répression des autres ?

Pour parler de cette question, nous recevons, Prune Missoffe, membre de l’observatoire international des prisons

Environ 30 % des condamnés détenus le sont pour des violences conjugales[1] ou sexuelles. Ils étaient ainsi plus de quinze mille hommes à être emprisonnés pour ces motifs au 31 décembre 2022[2]. C’est presque quatre mille de plus qu’en 2020[3]. L’augmentation du nombre de condamnations à de la prison ferme ces cinq dernières années (voir graphique) reflète d’abord celle du nombre d’affaires enregistrées par la justice (+27% entre 2015 et 2021), dans le sillage du mouvement #MeToo et de la dénonciation croissante des féminicides.

Elle traduit aussi un changement de politique pénale, surtout en matière de violences conjugales, le Grenelle étant passé par là à l’automne 2019.

Ainsi, 63 % des affaires poursuivables ont fait l’objet de poursuites pénales en 2021, contre 55 % en 2015. Dans le même temps, les alternatives aux poursuites, dont les possibilités ont été réduites par le législateur[4], ont baissé de dix points, passant de 41 % en 2015 à 31 % en 2021[5]. En matière de violences sexuelles hors cadre conjugal, l’augmentation des poursuites, comme celles des condamnations, est bien moindre[6], en raison sans doute, des particularités de ce contentieux (lire page 23).

Illustration 1

Evolution du nombre de poursuites et de condamnations en matière de violences conjugales et sexuelles entre 2016 et 2021 © Claire Béjat (OIP)

« À la permanence générale, les violences conjugales, c’est notre plus gros contentieux avec les délits routiers. Le nombre de gardes à vue a explosé, témoigne Anne Laure Le Galloudec, vice-procureure chargée des violences intrafamiliales au tribunal de Lille. Qui dit plus de gardes à vue, dit aussi plus de réponses immédiates : on a près d’un an et demi de délai pour les jugements par convocation. On ne peut pas se le permettre sur ce type d’affaires. »

Alors que 3600 faits de violences conjugales avaient été jugés par comparution immédiate en 2016 au niveau national, ils étaient près de 9500 en 2021. Ce traitement n’est toutefois pas systématique, nuance la magistrate, et est généralement réservé aux personnes ayant des antécédents et aux cas de violences relativement graves[7]. Reste que ce contentieux arrive massivement devant les tribunaux correctionnels.

Si les magistrats prononcent majoritairement des peines de sursis[8], le plus souvent probatoire[9] (celles-ci pouvant donner lieu à révocation et incarcération, en cas de non-respect d’une interdiction de contact par exemple), les peines fermes pleuvent aussi et ont été presque multipliées par deux en cinq ans[10].  

En prison, une prise en charge dispersée et lacunaire

Malgré cet afflux, il n’existe pas, à l’heure actuelle, de politique de prise en charge structurée en milieu fermé s’agissant des auteurs de violences conjugales, de l’aveu même de la Direction de l’administration pénitentiaire (Dap). « On reste sur un nouveau public spécifique pour l’administration pénitentiaire, avec un dispositif dont le pilotage national est relativement récent puisqu’il date de 2020, et qui a été largement mobilisé par le développement du bracelet antirapprochement (lire page 22) et celui du contrôle judiciaire avec placement probatoire (lire l’encadré) », reconnaît Romain Emelina, chef du département Parcours de peine.

« Notre priorité actuellement est d’avoir une analyse plus fine de ce qui se fait sur le terrain, pour identifier les bonnes pratiques et travailler à leur diffusion », complète Laetitia Bercier, référente nationale sur le sujet. Ainsi le choix de proposer ou non des formes de prises en charge spécifiques est-il, jusqu’à aujourd’hui, laissé à l’initiative des services pénitentiaires d’insertion et probation (Spip), sans que la Dap ne soit « en capacité de fiabiliser les données » s’agissant du nombre de personnes qui pourraient avoir été touchées par ce type d’action.

Les résultats partiels d’une étude actuellement menée par le Centre interdisciplinaire de recherche appliquée au champ pénitentiaire (Cirap) permettent néanmoins de se faire une idée : sur les 128 Spip ayant répondu à l’enquête (soit un peu moins de la moitié d’entre eux), seulement 60 % proposeraient des prises en charges collectives sur cette thématique – 47% des répondants intervenant uniquement en milieu ouvert[11].

Leur organisation vient en outre se rajouter à la charge de travail déjà lourde des conseillers pénitentiaires d’insertion et de probation, si bien que leur fréquence, et donc le nombre de personnes touchées, est souvent très faible. Leurs formes et leurs contenus sont par ailleurs très hétérogènes.

Il peut s’agir d’actions de « sensibilisation » ou « responsabilisation » – souvent confiées à des associations extérieures, de groupes de parole ou encore de programmes de prévention de la récidive. « Généralement, l’approche privilégiée est l’approche cognitivo-comportementale. Celle-ci soutient l’idée qu’une modification durable du comportement est possible par l’apprentissage de pensées et de comportements tels que le développement de la maîtrise de soi ou de stratégies d’évitement.

Ces programmes mettent l’accent sur la responsabilité individuelle. Mais ce faisant, les causes psychologiques, subjectives ou inconscientes de ces violences, de même que leurs facteurs sociaux, structurels sont sous-exploitées dans la majorité des programmes », explique Lucie Hernandez, enseignante-chercheuse en psychologie, qui pilote l’étude menée par le Cirap. Toujours dans cette approche cognitivo-comportementale, la Dap expérimente actuellement dans deux établissements pénitentiaires un outil de réalité virtuelle, censé s’insérer dans une prise en charge globale.

Concrètement, il s’agit d’un casque de réalité virtuelle, dans lequel est projeté un film d’une douzaine de minutes, « qui place d’abord le spectateur dans la peau de l’auteur, puis dans celle de la victime, et enfin de l’enfant du couple, ce qui permet à l’auteur de ressentir les émotions des victimes lors des scènes de violences », explique Laetitia Bercier. 

Pour Lucie Hernandez, si ce type de programme et d’outil peuvent permettre de lancer une réflexion et d’amorcer une prise de conscience chez les auteurs, « il faut que des suivis psychologiques prennent le relais » si l’on veut espérer agir réellement et durablement sur les problématiques.

Les psychologues font cependant cruellement défaut en détention, si bien que peu de personnes peuvent bénéficier d’un réel suivi[12]. Le constat est le même s’agissant des addictologues, alors même que de nombreuses situations sont sous-tendues par une addiction à l’alcool ou à d’autres produits stupéfiants[13].

Enfermés dans un univers quasi exclusivement masculin, où les rapports de force et la violence sont quotidiens[14], sans autre forme de prise en charge qu’un suivi criminologique et médico-psychologique erratique – quand il n’est pas inexistant : difficile, dans ces conditions, d’espérer une remise en question des condamnés (lire page 31). « La difficulté c’est qu’en maison d’arrêt, en tous cas au centre pénitentiaire de Fresnes, l’accès aux soins est extrêmement limité notamment du fait de la surpopulation carcérale, donc de fait, les personnes souvent n’évoluent pas ou peu pendant leur détention, rapporte Lorraine Cordary, représentante du Syndicat de la magistrature et juge de l’application des peines à Créteil. Or, pour accorder un aménagement de peine, on leur demande d’évoluer, qu’un vrai travail introspectif soit entrepris. C’est le serpent qui se mord la queue… »

Concilier objectifs de réinsertion et protection

De manière générale, les juges de l’application des peines interrogés estiment être aujourd’hui plus exigeants qu’ils ne l’étaient auparavant avec ces condamnés. Les aménagements de peines sont d’autant moins facilement accordés que de récentes modifications législatives viennent encore en compliquer l’octroi dans ce type de contentieux. Un décret du 24 décembre 2021, adopté à la suite du drame d’Epinay-sur-Seine[15], oblige désormais l’autorité judiciaire à aviser la victime de toute sortie de détention d’un auteur de violences conjugales.

Une prise en compte de la personne victime salutaire, qui a néanmoins des effets pervers. « Cette obligation d’information s’impose à nous à la fois pour les libérations temporaires et pour les sorties aménagées et définitives. Donc quand un condamné fait une demande de permission de sortir, même pour une durée très courte, il faut aviser la victime, ce qui n’est pas toujours simple – et peut en outre être assez anxiogène pour elle (lire page 26), souligne Ludovic Fossey, membre de l’Association nationale des juges de l’application des peines (Anjap). Pour garantir cela, il faut prévoir une quinzaine de jours entre l’examen en commission d’application des peines et la date de la sortie, ce qui peut être compliqué quand ce sont des rendez-vous avec des structures d’accompagnement, avec Pôle emploi, etc. Cela rend aussi presque impossible d’autoriser une sortie en urgence, lorsque survient un décès dans leur famille par exemple. »

Pour ce magistrat, « le risque, c’est de ne plus accorder de permission de sortir aux gens condamnés pour ces faits-là pour ne pas avoir à informer la victime. Et dans ce cas, on se retrouve avec des sorties sèches, pas préparées. Il faut trouver un équilibre entre la protection des victimes et les objectifs de réinsertion », conclut-il.

Les deux ne s’opposent d’ailleurs pas forcément : les études montrent en effet que plus une fin de peine est préparée et accompagnée, moindre est le taux de récidive[16]. Une autre recherche d’ampleur, belge cette fois, dresse un autre constat : en matière de violences conjugales, « au plus la décision judiciaire est lourde, au plus également le taux de récidive est élevé »[17]. Celui-ci est ainsi évalué à 24 % en cas de classement sans suite, à 36 % en cas d’alternative aux poursuites, à 44 % en cas de détention provisoire et à 53 % après une condamnation, « avec dans ce dernier cas des résultats très similaires pour l’amende ou l’emprisonnement ».

S’il est probable que des caractéristiques spécifiques à chacun des groupes considérés puissent expliquer en partie ces résultats, « l’hypothèse selon laquelle la réaction judiciaire mettrait un frein au cycle de la violence conjugale ne trouve en tout cas aucune confirmation statistique, au contraire », souligne la chercheuse, rejoignant les constats d’autres travaux menés à l’étranger[18]. Si l’incarcération peut, dans certaines situations d’urgence, permettre de protéger une victime provisoirement, cette « solution » est donc loin d’être sécurisante sur le long terme.

 Dépasser l’approche répressive

Ces dernières n’en sont parfois que trop conscientes (lire page 26). Telle cette femme dont le compagnon purge actuellement une peine de dix-huit mois de prison pour des violences verbales et dégradations matérielles à son encontre commises sous l’effet de l’alcool. Ce n’était pas la première fois. Elle dresse des précédentes condamnations de son partenaire un bilan amer : « La prison n’empêche pas la récidive. Elle détruit mais ne résout pas les problèmes psys, les addictions… La sortie est “sèche”, pas assez de contrôle, de soutien. » « J’aurais préféré qu’il y ait des soins, un suivi, pas de la prison ferme car ça n’arrange rien du tout », confie une autre femme, dont le conjoint a écopé, en comparution immédiate, d’une peine de dix-huit mois pour des violences à son encontre. 

Une interdiction de contact a aussi été prononcée. « J’en ai souffert, témoigne-t-elle. J’aurais préféré qu’il n’y ait rien de tout ça. Si c’était à refaire, je ferais les choses différemment. Ça été trop vite et trop sévère. »

Si ces témoignages peuvent poser la question de l’emprise, ils n’en sont pas moins à prendre au sérieux pour ce qu’ils disent du traitement encore trop souvent exclusivement répressif de ces situations. Le risque qui se lit en filigrane : que dans le futur, les victimes préfèrent passer sous silence des violences, si celles-ci venaient à se reproduire.

« Parmi les dossiers classés que j’ai pu examiner, il y a des plaignantes qui se désistent de la procédure, notamment dans le cadre conjugal, parce qu’elles ne veulent pas aller jusqu’à envoyer leur conjoint, amant, petit ami devant une cour d’assises et en prison. Parce qu’elles l’aiment, que c’est le père des enfants, qu’elles estiment qu’il a compris, ou qu’il a surtout besoin d’aide, d’être soigné. Peut-être que si le viol était passible d’une moins lourde peine que celle dont il est passible aujourd’hui, il y aurait plus de plaintes ? », s’interroge ainsi la sociologue Véronique Le Goaziou, à l’issue d’un long travail d’enquête sur le traitement des viols par la justice (lire page 23).

Aussi, c’est bien la nécessité impérieuse d’une prise en charge globale qui émerge de tous ces témoignages – ce que tente d’ailleurs bien souvent de faire la justice à travers certaines alternatives aux poursuites ou peines en milieu ouvert. Mais le maillage territorial en matière d’accompagnement psychologique, médicosocial et socioprofessionnel est loin d’être optimal et les structures sont bien souvent saturées.

À ce sujet, le Grenelle contre les violences conjugales a permis une avancée, en impulsant la création de centres de prise en charge des auteurs de violences conjugales un peu partout en France (lire page 28). Ces derniers ont pour ambition de structurer et visibiliser l’offre d’accompagnement sur les territoires. Afin d’amorcer un travail sur toutes les facettes de la problématique, y compris hors du cadre judiciaire.

Sur ces situations comme sur bien d’autres, la justice ne peut pas tout – et fait même parfois plus de dégâts (lire pages 23 et 38). Aussi y a-t-il urgence à inventer d’autres formes d’interventions, soucieuses à la fois des besoins des auteurs et de ceux des victimes. C’est également à un important travail de prévention et de déconstruction des rapports de genre et des masculinités qu’il s’agit de s’atteler (lire page 33). En ce domaine-là, le chemin est encore long.

Par Laure Anelli

Cet article est paru dans la revue DEDANS DEHORS n°118 – avril 2023 : Violences faites aux femmes, la prison est-elle la solution ? 

Lutter contre la Loi Darmanin

Le 17 octobre, des travailleurs sans papiers, soutenus par les syndicats, collectifs, associations de solidarité aux sans-papiers et activistes écologistes, ont occupé le chantier des JO Arena Bouygues pour exiger leur régularisation. Cette action coup de poing, coordonnée depuis des mois, a permis d’obtenir une rencontre avec Bouygues et la ville de Paris et la promesse de régularisations de 630 salarié.es.

Le combat des travailleuses et travailleurs sans papiers relève de la justice sociale et écologique : défense des droits humains, droits du travail, droit à la santé, lutte contre l’exploitation des terres, des femmes et des hommes partout dans le monde.

Les victoires montrent que la mobilisation porte ses fruits. C’est aussi une bonne nouvelle pour le milieu militant dans son ensemble alors que passage de la loi Immigration au Sénat à partir du 6 novembre augure le pire dans un contexte où la droite et l’extrême droite assimilent immigration, délinquance et terrorisme.

Dans ce contexte, se tenait, le 8 novembre dernier, une soirée de soutien aux grèves des sans-papiers, au cirque électrique et dans l’émission de ce jour, nous entendrons les prises de parole des grévistes et leurs soutiens.

Journée internationale de solidarité avec les peuples autochtones des Amériques 2023

Dans cette émission, vous pourrez entendre les interventions ayant eu lieu lors de la journée internationale de solidarité avec les peuples autochtones des Amériques, le 14 octobre dernier, organisée par le Comité de solidarité avec les Indiens des Amériques dans le cadre de l’action globale “LE SUD RÉSISTE !”. Ainsi, en première partie d’émission, vous pourrez entendre lors de la première table-ronde : “Peuples autochtones en défense de la Terre-Mère et de l’eau face aux Mégaprojets”, des militants des peuples maya, cheyenne et yukpa. Puis, en seconde partie d’émission, ce sera une autre lutte amérindienne qui sera à l’honneur. Mais cette fois-ci en France, avec une délégation du peuple des kali’na, venue de Guyane.

Lien vers le site du Comité de solidarité avec les Indiens des Amériques : https://www.csia-nitassinan.org/
Lien vers un article de Reporterre sur la lutte en cours du peuple des kali’na : https://reporterre.net/Des-ados-se-font-gazer-en-Guyane-les-Amerindiens-combattent-une-centrale-electrique

Libertés d’expression et associative

Aujourd’hui nous vous diffusons le montage d’un débat intitulé : Libertés d’expression et associative : l’ordre et la liberté font-ils bon ménage ? Ce débat se déroulait dans le cadre des 8ᵉ rencontre des lanceurs d’alerte qui avait lieu à la plaine st Denis les 10, 11 et 12 novembre 2023.

Dès 2021, nous alertions sur la question des libertés associatives et des tentatives de limitation des actions associatives, notamment en référence au rapport parlementaire visant à « juguler les entraves aux activités légales » qui, au moment où se discutait la protection des lanceurs d’alerte, invitait le gouvernement à criminaliser des actions permettant d’alerter la population.

Cette année 2023, les déclarations criminalisant les actions de préservation de l’environnement, les convocations devant les tribunaux ou par les commissions d’enquêtes parlementaires d’associations cherchant à médiatiser leurs messages, voire encore la dissolution des « soulèvements de la terre » (suspendue par le Conseil d’État), marquent probablement le franchissement d’une étape dans le traitement politique des libertés associatives.

La Ligue des Droits de l’Homme a été particulièrement ciblée, y compris par le ministre de l’Intérieur, pourtant garant des droits de l’Homme comme de la force publique sous son contrôle. La déclaration du Préfet Nuñez considérant que des manifestations d’extrême droite radicale ne sont pas un problème dès lors qu’elles ont lieu dans l’ordre… n’est pas plus rassurante sur la gestion des libertés publiques…

Qu’il faille s’interroger sur la liberté d’expression constitue déjà une alerte dans un pays où des Maires demandent à ceux qui veulent distribuer des tracts de se déclarer pour les y autoriser, alors que la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen et la Charte des droits fondamentaux de l’Union Européenne s’imposent…

Intervenants :
Nathalie TEHIO
Lucie SIMON
Julien PORCHER
Julien TALPIN

MARIAM ABUDACQA

La militante palestinienne Mariam Abudaqa a été interpellée pendant la nuit de mercredi à jeudi à Paris, quelques heures après la validation de son expulsion par le Conseil d’Etat, a appris l’Agence France-Presse (AFP) de sources policières et auprès de son avocate. Le Conseil d’Etat a donné son aval mercredi à l’expulsion de la militante du Front populaire de libération de la Palestine (FPLP), une organisation de gauche radicale qualifiée de « terroriste » par Israël et l’Union européenne. La plus haute juridiction administrative française a ainsi infirmé une décision du tribunal administratif de Paris, qui avait suspendu l’arrêté d’expulsion pris par le ministère de l’intérieur. La militante a été arrêtée dans le 13e arrondissement, puis placée sous le régime de la « retenue administrative », elle sera assignée à résidence ou envoyée en centre de rétention, a précisé son avocate. Elle possède, selon cette dernière, un billet d’avion pour l’Egypte réservé pour le 11 novembre. Mme Abudaqa, qui est âgée de 72 ans, avait obtenu au début d’août à Jérusalem un visa de cinquante jours pour se rendre en France, où elle devait participer à diverses conférences sur le conflit israélo-palestinien. Arrivée en septembre, elle a donné deux conférences malgré leur interdiction et a manifesté pour la libération du militant du FPLP Georges Ibrahim Abdallah, condamné à la perpétuité en 1987 pour l’assassinat de diplomates américain et israélien.

Mariam Abudaqa est une militante palestinienne de longue date. Elle souhaite expliquer son implication obstinée pour la défense des femmes palestiniennes, faisant face sur deux fronts, l’occupation de leur pays et les structures patriarcales de leur société. Gazaouie et femme, elle décrit la situation tragique immédiate dans la bande de Gaza. Elle milite pour les droits des Palestiniennes dans les prisons israéliennes; les droits des femmes rurales, des femmes réfugiées et des étudiantes vivant sous l’occupation et l’encerclement. Elle situe son combat dans les luttes des femmes à l’échelle internationale.

Le mardi 7 novembre 2023 à 11 h, les associations «Association France Palestine Solidarité » (AFPS) et « Union Juive Française pour la Paix » (UJFP) organisait une conférence de presse au Centre international de culture populaire (CICP), 21ter Rue Voltaire, 75011 Paris, dans laquelle elle prenait la parole. Dans cette émission nous vous diffusons cette conférence en intégralité.

PALESTINE : manifestation du 4 novembre 2023

Le 4 novembre 2023, s’est déroulée la première manifestation autorisée en soutien à la résistance palestinienne, depuis le 7 octobre, à l’appel du collectif Urgence Palestine. Le Collectif Urgence Palestine rassemble des citoyen-ne-s, des organisations et mouvements associatifs, syndicaux et politiques mobilisés pour l’auto-détermination du peuple palestinien. Solidaires, nous menons une lutte commune contre l’oppression coloniale et les guerres impérialistes. Mobilisés dans l’urgence, nous organisons, autour des Palestinien-ne-s en tant que premiers et premières concerné-e-s, la lutte pour la constitution d’un front large, populaire, démocratique, défendant les exigences et les mots d’ordre suivants :

  • Pour un cessez-le-feu immédiat et la fin du blocus.
  • Halte au massacre, Halte au siège.
  • Halte à la complicité du gouvernement français avec les crimes israéliens.
  • Non à la répression de la solidarité avec la lutte du peuple palestinien.
  • Ensemble, résistons à l’occupation, au colonialisme et à l’apartheid !

En appel à la prochaine manifestation du 11 novembre prochain, à 15h, au départ de la place de la République, nous diffusons aujourd’hui les enregistrements que nous avons pu réaliser le 4 novembre dernier.

Restructuration chez Casino / Bourse du travail à défendre

Le groupe Casino ou Casino Guichard-Perrachon est une entreprise française de grande distribution, fondée le 2 août 1898 Le groupe Casino ou Casino Guichard-Perrachon est une entreprise française de grande distribution, fondée le 2 août 1898

Outre les magasins Casino, le groupe Casino exploite les magasins : monoprix, Franprix, vival, spar, sherpa,Naturalia, leader price et la plate-forme en ligne Cdiscount. En 1997, le groupe Casino passe sous la direction de Jean-Charles Naouri. Le siège de Casino est situé à Saint-Etienne.

Sous la direction de Jean-Charles Naouri, PDG du groupe Casino, connaît une situation catastrophique liée à une dette très élevée de 6 milliards d’euros. Cet état de fait ne peut être imputé qu’au PDG qui a mis en place la stratégie économique et financière qui a conduit l’entreprise à des résultats déficitaires ces dernières années.

Pour renflouer les caisses afin de diminuer la dette, deux principaux et potentiels repreneurs, le milliardaire Daniel Kretinsky et 3F (composé du trio Xavier Niel, Matthieu Pigasse et Alexandre Zouari qui est l’actuel dirigeant du groupe TERACT) ont fait des propositions. La proposition de 3 F de 450 millions d’euros en montant converti en fonds propres n’apporte pas plus de garanties.

Pour parler de la situation dans le groupe Casino, nous recevons dans l’émission de ce jour en direct : Dominique, Adama et Alain, tous les trois salarié-e-s et syndicalistes à Monoprix.

En fin d’émission, nous serons avec un syndicaliste, qui nous parle du projet de la mairie d’Aubervilliers qui annonce vouloir fermer la Bourse du travail et des mobilisations à venir. Les organisations syndicales invitent tou-tes celles et ceux qui souhaitent contribuer à la mobilisation pour défendre la Bourse du travail : mardi 7 novembre 2023 à 18 h, lancement du comité de défense de la Bourse du travail d’Aubervilliers, 1 rue des 21 Appelés 93300 Aubervilliers.

Jeudi 9 novembre 2023 à 18 h, rassemblement Place de la Mairie d’Aubervilliers à l’occasion du Conseil municipal

GAZA : un enjeu pour la liberté des peuples

Depuis le 7 octobre 2023, la lutte palestienne est remise sur le devant de la scène médiatique. L’ensemble des puissances internationales s’emparent de la question de sorte à négocier de futurs accords entre les unes et les autres, et le gouvernement français y voit une occasion d’accélérer sa politique intérieure sécuritaire. Rien ou très peu de choses sur le contexte politique au global, aussi bien en Israël qu’en Palestine. Encore moins sur les responsabilités occidentales d’une genèse coloniale qui s’applique aujourd’hui en Palestine.

Dans cette émission, nous vous diffusons donc un ensemble de témoignage, prise de parole et interviews qui nous semblent nécessaires pour dessiner les contours d’un mouvement international de solidarité. Tout d’abord vous pourrez entendre le témoignage d’une rescapée du kibboutz de Beeri. Ensuite, nous diffusons l’interview de Pierre Stanbul, représentant de l’Union des Juifs Français pour la Paix. Puis, vous entendrez une prise de parole réalisée au Vigan lors d’un rassemblement de solidarité avec le peuple palestinien interdit. Enfin, nous terminerons avec l’interview de Guy Dardel, membre du Mouvement Immigration et des Banlieues, qui reviend sur l’histoire des mobilisations de solidarité avec la Palestine depuis les années 90.

LUTTE PALESTINIENNE ET SOUTIEN AUX PRISONNIERS POLITIQUES

Le 7 octobre dernier, le Hamas a lancé une offensive d’envergure contre Israël, la plus importante depuis plusieurs années. Cette offensive cause plus de 800 morts et 2 400 blessés, ainsi que la prise d’une centaine de personnes comme otages. En réponse, le gouvernement israelien à lancé une offensive faisant plus de 5 000 morts à Gaza ces deux dernières semaines.

Dans le même temps, les interdictions de toute expression de solidarité avec la Palestine se multiplient en France.

Cette année, la manifestation pour la libération de Georges Abdallah devait réunir à Lannemezan plusieurs milliers de personnes venues de toute la France et d’autre pays, en solidarité avec la Palestine. Initialement interdite par la préfecture de Haute-Pyrénées, celle-ci a pu se tenir ce samedi 21 octobre, suite à la suspension de l’interdiction à la dernière minute par le Tribunal Administratif de Pau, grâce au recours porté par le Collectif 65 pour la libération de Georges Abdallah.

Dans ce contexte, nous vous proposons une émission qui revient la question des interdictions des manifestations de solidarité avec la Palestine. Le meeting du 18 octobre 2023, a la bourse du travail de Paris a été interdite. En réaction, les organisateurs, ont tenu une conférence de presse. Ils reviennent sur le fait que la manifestation de soutien à Georges Ibrahim Abdallah, avait dans un premier temps été interdite. Ensuite, nous vous rediffusons, un reportage du 18 juin 2023 à Paris lors de la journée de soutien aux prisonniers politiques et à Georges Ibrahim Abdallah.

Surveillance et répression d’État à l’ère numérique

Cette émission du mercredi 18 octobre 2023 sera toute entière consacrée au contrôle, à la répression et à la surveillance d’état. A la surveillance d’État numérique, technologique dirons-nous. Dans ce cadre-là, vous pourrez entendre des interventions choisies ayant pris place dans une réunion publique organisée par la Quadrature du net et traitant de la criminalisation du chiffrement à l’œuvre dans l’affaire du « 8 décembre ». Laquelle y “transforme les pratiques numériques des inculpé·es en « preuves » d’une « clandestinité »”, qui trahirait selon les renseignements l’existence d’un projet terroriste. Puis en seconde partie d’émission, c’est de plateformes, d’opérateurs et de navigateurs internet dont il sera question, l’État français cherchant à contrôler et à censurer la toile. Nous terminerons enfin par deux brèves d’actualité se focalisant là aussi sur les moyens de surveillance de l’État français, à travers l’enquête des Predator files¹ d’une part, et à travers l’espionnage de manifestants pendant et après le mouvement des gilets jaunes² d’autre part.

¹ Lien vers des articles d’Amnesty international accès libre) et de Médiapart (sur abonnement) concernant l’enquête Predator files. L’enquête a été réalisée par le réseau d’investigation journalistique European Investigative Collaborations, en collaboration avec les experts du Security Lab d’Amnesty International.
² Interview de Vincent Nouzille, auteur du livre “Le côté obscur de la force – Enquête sur les dérives du ministère de l’Intérieur et de sa police”, par Ariane Gressiel, en date du 9 octobre, sur France inter.

Lien vers l’article de la Quadrature du net sur le droit au chiffrement et à la vie privée, en cause lors du procès du « 8 décembre ». Ledit procès se tiendra du 3 au 27 octobre 2023.

L’affaire du 8 décembre :
“L’affaire du 8 décembre 2020 est une opération antiterroriste commanditée par le Ministère de l’Intérieur contre des militant·es désigné·es par ce dernier comme des « activistes d’ultragauche » et mis·es en examen pour « association de malfaiteurs terroristes ».
La DGSI, accompagnée d’unités de polices militarisées (GAO, RAID), a procédé à l’arrestation de neufs personnes – que nous réunissons sous la bannière « libertaires » – dont les engagements politiques étaient divers et dans des régions différentes: soutien aux familles réfugié·es, projets d’autonomie et de lieux collectifs à la campagne, soutien aux victimes de meurtres d’État, squat d’activités politiques et contre-culturelles, écologie et défense de la cause animale, implication dans des Zones A Défendre, activisme dans la scène punk, féminisme, etc.
Ces neuf personnes ne se connaissent pas toutes. Certaines ne s’étaient côtoyées qu’une fois dans leur vie (pendant le confinement). Mais toutes avaient comme point commun une personne, Libre-Flot, ciblée par la DGSI depuis son retour du Rojava en 2018 où il avait participé à la lutte contre DAESH. […]” Lire la suite sur le blog des comités du 8/12

Darmanin ne fera pas sa loi

De février à août 1996, à Paris, des centaines d’étranger·e·s « clandestins » sortent en pleine lumière, occupent des églises, des gymnases, un entrepôt de la SNCF pour obtenir leurs papiers. Ils et elles seront expulsé·e·s violemment de l’église St Bernard par la police le 23 août 1996 mais celles et ceux qui se sont renommé·e·s « Sans-papiers » sont sortis de l’ombre sur tout le territoire soutenus par des centaines de milliers de personnes. Depuis 27 ans, les Sans-papiers organisés en collectifs, continuent de lutter, se retrouvant chaque année devant l’église St Bernard.

Cette année, la manifestation qui se déroulait le samedi 26 aout 2023 en direction de St Bernard s’intitulait “DARMANIN NE FERA PAS SA LOI – Contre le racisme et contre le fascisme – Et en souvenir de St Bernard !”. En effet, depuis bientôt un an, le gouvernement met en avant un projet de “loi asile et immigration” pour “contrôler l’immigration et améliorer l’intégration”, qui accélère les procédures d’expulsions et en précarise avec la régularisation par le travail avec la notion de “métier en tension”. Contre ce projet aux contours flous, l’ UCIJ (uni-e-s contre l’immigration jetable), qui réunie collectifs de sans papiers associations et syndicat, et qui s’était formée contre la réforme du droit d’asile CESEDA, s’est reformée et organise la mobilisation. Cette date de mobilisation était donc une occasion de remettre en avant l’histoire de la lutte de st Bernard, et de faire le lien avec la mobilisation actuelle.

Dans cette émission, nous vous diffusons donc un montage contenant plusieurs extraits de reportage réalisés lors de cette manifestation; et, un interview de Bchira, militante au CSP75 et à la marche des solidarités, qui revient sur les différents aspects de ce projets et ses conséquences.

Fin de la Francafrique ?

Le mardi 19 septembre 2023, avait lieu un “Apéro Critique” à la Maison ouverte, 17 rue Hoche à Montreuil, intitulé ” Avenir de L’Afrique : fin de la Francafrique?”. Lors de ce débat autour des coups d’état militaire au Sahel. A cette occasion, nous avons pu écouter Allasane Dicko membres d’ Afrique Europe Interact, David Mauge, membre de Survie et contributeur de l ouvrage Une histoire de la Francafrique : l’empire qui ne veut pas mourir, et Bruno Jaffre membre de Survie et auteur d’un blog sur le Burkina. Dans cette émission, nous vous diffusons une partie des prises de paroles réalisées à cette occasion.

Procés de Redouane Faïd : le droit à l’évasion

A l’occasion du procès de Rédoine Faïd et de onze accusés soupçonnés d’être impliqués dans son évasion de la prison de Réau, en juillet 2018, qui s’est ouvert en septembre et dont le verdict sera rendue le 25 octobre 2023, nous avons décidé de réaliser une émission autour des conditions de vie en quartier d’isolement et du droit à l’évasion. Pour cela nous sommes en direct avec Yazid Kherfi, qui rend visite à Redoïne Faïd depuis plusieurs années et qui suit le procès; et Kyu, ancien détenu et animateur de L’Envolée ( émission de radio et magazine anti carcérale).

Jusqu’ en 2003, en France, les évasions « simples » ou « dépouillées », c’est-à-dire accomplies sans violence, ni effraction, ni corruption, étaient alors impunies. Il était en quelque sorte admis qu’existait un droit naturel à recouvrer la liberté. Cette clémence était justifiée par l’instinct de liberté qui domine tout être vivant. « Il existe chez l’Homme une aspiration naturelle à la liberté d’aller et venir parfaitement inaliénable, et qui ne peut être détruite par une décision judiciaire de privation de cette liberté. en 2009, 21 évasions. Cependant, l’évadé « simple » n’échappe pas à toute répression. Il est déjà l’objet de sanctions disciplinaires pénitentiaires et encoure notamment jusqu’à 45 jours de cellule disciplinaire, voire de
sanctions quasi disciplinaires (notamment isolement administratif et/ou transfèrement imposé). De plus, il fait généralement l’objet de sanctions d’application des peines (retrait de crédits de réduction de peine, rejet, du moins pour un temps, de toute demande d’aménagement de peine…).


Aujourd’hui, un tel droit n’existe plus ; la loi dite Perben II a en effet mis un terme à la tolérance vis-à-vis de l’évasion simple». Ainsi, l’article 434-27 du Code pénal, modifié par la loi du 9 mars 2004, indique que « constitue une évasion punissable le fait, par un détenu, de se soustraire à la garde à laquelle il est soumis. » Les anciens éléments constitutifs du délit sont désormais des circonstances aggravantes ; la loi
Perben II augmente la durée de la peine encourue dès lors que l’évasion a été commise « avec violence, effraction ou corruption ». Pour l’évasion simple, la peine encourue est de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende 7
(Code pénal, article 434-27, alinéa 2). Elle est aggravée par l’usage de la violence, de l’effraction ou de la corruption. La peine encourue est en effet alors portée à cinq ans d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende (Code pénal, article 434-27, alinéa 3). Mais le législateur a encore prévu deux autres seuils d’aggravation à l’article 434-30 du Code pénal ; la peine passe à sept ans d’emprisonnement et 100 000 euros d’amende, lorsque l’infraction est commise « sous la menace d’une arme ou d’une substance explosive, incendiaire ou toxique ». De plus, la peine est portée à dix ans d’emprisonnement et 150 000 euros d’amende lorsqu’il « a été fait usage d’une arme ou d’une substance explosive, incendiaire ou toxique », ou encore lorsque les faits ont été commis « en bande organisée, que les membres de la bande aient été ou non détenus ». La sévérité de la répression de l’évasion ne se manifeste toutefois pas seulement par les peines qui peuvent être prononcées. Il faut préciser que ces peines dérogent au droit commun du non-cumul des peines ; en effet, l’article 434-31 du Code pénal précise que « les peines prononcées pour le délit d’évasion se
cumulent, sans possibilité de confusion, avec celles que l’évadé subissait ». Lorsque l’évadé est repris, il doit subir d’abord sa peine, et, ensuite la peine qu’il purgeait précédemment, laquelle est reprise là où elle avait été laissée. Ajoutons, enfin, que ces sanctions pénales ne sont pas les seules à venir punir l’évadé repris. En effet, l’évasion constitue une faute disciplinaire de premier degré, laquelle fait encourir un maximum de 45 jours de cellule disciplinaire. Des sanctions quasi-disciplinaires peuvent s’y rajouter : « transfèrement » vers un autre établissement, souvent à régime de sécurité plus élevé, placement à l’isolement, destiné à briser la résistance du détenu et à rendre plus difficile la commission d’une nouvelle tentative d’évasion ; réticence du juge à accorder des aménagements de peine, retrait des crédits de réduction de peine précédemment accordés…


L’évasion est toujours une victoire, une prouesse technique, la marque de courage ; mettant sa vie en jeu pour recouvrir sa liberté . Celui qui s’évade est déjà une énigme, le seul fait d’avoir traversé des murs le présente comme un homme à part, un être insaisissable, fuyant, tout-puissant, défient l’autorité. Il a connu la mort et en a réchappé, il appartient au monde de l’ombre et ose agir en pleine lumière. Souvent repris mais toujours libre. Il y a deux éléments fondateurs dans la gestion des prisons : 1) la prévention de l’évasion ; 2) le maintien de l’ordre au sein de la prison. Ça ne change pas. L’autre mission, qui, par contre, a perdu du terrain, c’est
la resocialisation, la réinsertion, la vie (suicide, morts suspectes). Selon la règle pénitentiaire européenne n° 51.4, « chaque détenu est (…) soumis à un régime de sécurité correspondant au niveau de risque identifié ». En France, l’administration pénitentiaire dispose d’un ensemble de moyens préventifs ou répressifs dont le régime de sécurité varie en fonction de la mesure employée. Elles sont au nombre de cinq : la mise à l’isolement, le placement en quartier de haute
sécurité (remplacé par l’isolement renforcé), le confinement, la mise en cellule disciplinaire et les rotations de sécurité. La mise à l’isolement Souvent proche du quartier disciplinaire, un quartier d’isolement est prévu dans chaque prison. Il permet au chef d’établissement d’écarter à titre préventif du reste de la détention, pour une durée de trois mois pouvant être prolongée jusqu’à deux ans, des détenus
gênants, suspects ou meneurs. Il permet aussi de protéger des détenus qui pourraient subir les agressions de leurs codétenus ou provoquer un certain désordre par leur présence (délinquants sexuels, policiers, détenus célèbres, etc.).


Cette mesure concerne environ 3 000 personnes incarcérées chaque année. Bien que l’isolement « ne saurait (…) s’assimiler à un mode normal d’exécution de peine », les personnes réputées dangereuses effectuent la quasi-totalité de leur peine sous ce régime contraignant. En atteste d’ailleurs l’observation formulée par l’Inspection générale de l’administration pénitentiaire et l’Inspection générale des services
judiciaires dans leur rapport conjoint d’avril 1993 : « conçue comme une mesure temporaire destinée à faire face, plus ou moins ponctuellement, à une menace identifiée, l’isolement tend à devenir un mode durable de gestion de la détention d’un certain nombre de détenus jugés particulièrement dangereux par
l’administration ». La personne placée à l’isolement se voit privée de tout contact avec le reste de la détention, ses déplacements au sein de l’établissement se font toujours accompagnés d’un ou plusieurs surveillants et demeurent limités. Elle ne peut également participer à aucune activité collective (travail, formation,
enseignement, office religieux, etc.) et ses « occupations » se résument souvent à la promenade quotidienne d’une ou deux heures, seule, au milieu d’une petite cour couverte de grilles et de rouleaux de barbelés empêchant de voir le ciel et atténuant la lumière du jour. Ainsi, même si celon les textes « la mise à l’isolement ne constitue pas une mesure disciplinaire » au sens de l’article D283- 1-2 alinéa 1 du Code de procédure pénale (CPP), elle est vécue par ceux qui la subissent comme une véritable sanction, « une torture blanche », dont les effets physiques et psychologiques à long terme ne font qu’exacerber la dangerosité des détenus.


Les effets sur la santé mentale des détenus : idées de persécution, de préjudice, un sentiment de menace , idées délirantes ou par des réalités hallucinatoires . apathie chronique, instabilité émotionnelle, difficulté de concentration et diminution des facultés mentales . L’isolement a des conséquences sur l’état physique des personnes détenues : troubles oculaires à long terme du fait de l’espace réduit de la cellule et de l’éclairage souvent insuffisant et artificiel ; perte de facultés olfactives et gustatives due à la monotonie des odeurs ; atrophie musculaire du fait du manque
d’activité. C’est également une mesure qui exclut le détenu de tout dispositif d’aménagements de peine « dans la mesure où il est privé de toute activité, de travail, de formation et ne peut acceder au dispositifs qui permettent d’y avoir droit.
En définitive, l’isolement consiste à placer les détenus sous un régime dont l’objet est « tout à la fois de réduire tout ressort rebelle en brisant [leurs] résistance[s] et de rendre plus difficile la commission d’une nouvelle tentative d’évasion, ou à résister par des mutineries». La mise à l’isolement Cette mesure peut être prononcée selon quatre motifs (par mesure de protection, de sécurité, à la demande du détenu ou d’office). Elle est prise, dans un premier temps, par le directeur de l’établissement pouvant décider d’un isolement pour une durée maximum de trois mois renouvelable une fois. Au-delà, c’est au directeur interrégional des services pénitentiaires (DISP) de décider, sur rapport du chef de l’établissement, de la prolongation de la mesure. Sa décision est également renouvelable une fois.
Au terme d’un an d’isolement, c’est au ministre de la Justice d’en apprécier le maintien pour une durée de quatre mois renouvelable une fois. L’article D. 283-1-7 du CPP prévoit que l’isolement ne peut être prolongé au-delà de deux ans ; néanmoins il peut être fait dérogation à cette règle « si le placement à l’isolement constitue l’unique moyen d’assurer la sécurité des personnes ou de l’établissement ».


Laurent jacqua s est evadé Le 9 octobre, c’est la date anniversaire de l’abolition de la peine de mort, c’est donc une date symbolique. J’ai choisi cette date pour dire : « Vous me condamnez à mort en me mettant des années et des années de prison, moi je m’évade ce jour-là pour souhaiter un bon anniversaire à l’abolition de la peine de mort ». Je me suis donc évadé le 9 octobre 1994 en souvenir de l’abolition de la
peine de mort, et ça m’a porté chance puisque j’ai réussi. Michel Vaujour : accepter la peine ? La question ne se posait même pas. En fait, pour moi,l’administration pénitentiaire et cie n’avaient aucune légitimité ; le mot « légitimité » n’avait aucune
résonance en moi. Je n’ai jamais pensé qu’il y avait une justice ou autre chose comme ça. Je ne voyais pas pourquoi ces gens-là se permettaient de prendre ma vie. Point barre. J’étais en colère, parce que c’était ma vie. Je croyais que l’expression du pouvoir, c’était ce qu’il y avait autour de moi. Et ce qui m’entourait, franchement, ce n’était pas vraiment une référence morale. Le quartier de haute surveillance, c’est une ignominie.

Paradoxalement, le renforcement de l’arsenal sécuritaire dans les prisons françaises, puisqu’il est néfaste pour les conditions de vie des détenus, va dans le sens d’un recours accru à l’évasion. Là encore, on assiste au perpétuel affrontement entre les deux fonctions de l’administration pénitentiaire, la sécurité et la réinsertion, l’une faisant obstacle à l’autre. Éviter à tout prix les évasions a un coût. Miradors,
dispositifs de surveillance électronique des murs d’enceinte, grilles, filins antihélicoptères, brouilleurs de téléphones portables… Ces investissements dans la sécurité se font bien souvent au détriment des politiques de réintégration. Pour prévenir le phénomène rarissime qu’est l’évasion, l’administration pénitentiaire contribue malgré elle, à force de fouilles, de contrôles, à augmenter l’insupportable quotidien au sein de la détention, « incitant » les personnes détenues à faire le choix de l’évasion pour échapper à l’intolérable. Il faut ajouter à cela la politique pénitentiaire qui ne cesse d’augmenter la durée moyenne des peines de
privation de liberté. La durée des périodes de sûreté (pendant lesquelles il n’est pas possible d’obtenir une remise de peine) donnent le vertige ; la création de la rétention de sûreté en 2008, qui permet le maintien en détention de certains détenus après la fin de leur peine, bouche un peu plus l’espoir de sortie des longues peines. Quelles sont les issues possibles pour un détenu qui a comme perspective de passer vingt, voire trente ans en prison ? Parmi celles-ci, l’évasion est sans aucun doute envisagée, même si elle n’est parfois jamais mise à exécution. Ceux qui sont passés à l’acte sont presque toujours repris et subissent des sanctions d’une exceptionnelle dureté qui ne les encouragent, en définitive, qu’à renouveler encore leurs
tentatives.


A l’heure actuelle, en Belgique un détenu ne peut pas être condamné pour s’être évadé, sauf dans le cas où il commettrait d’autres méfaits pour arriver à ses fins (violence, menace, vol, destruction de matériel, prise d’otage…). Dans notre pays, l’évasion est même considérée comme un “droit” : celui d’aspirer à la liberté. Cette législation belge s’explique par l’idée inspirée du XIXe siècle, en pleine vague de romantisme et d’expression post-révolutionnaire, qu’on ne peut demander à un homme de renoncer à sa liberté. “L’idée de l’enfermement est de base contre-nature, développe l’avocat Pierre Chomé. Et on ne peut pas en vouloir à un être humain
de vouloir retrouver cette liberté, pour autant qu’il ne fasse de mal à personne et ne commette aucun délit.” Ainsi, de nombreux cas d’évasion “par ruse” n’engendrent aucune condamnation comme profiter d’une porte ouverte, de la distraction d’un gardien ou escalader les murs d’enceinte de l’établissement pénitentiaire. En Suisse, s’évader n’est pas une infraction. Si toutes les infractions commises lors de l’évasion sont punissables (dommages à la propriété, vol, prise d’otage, lésions corporelles, etc.), la simple fuite ne l’est pas. Elle renvoie à une passionnante question philosophique : peut-on reprocher à un homme enfermé son goût pour la
liberté ?

Ecole de la souffrance : quelles résistances?

Hanane Ameqrane, documentaliste au lycée Angela Davis est convoquée le 5 octobre 2023 au rectorat de Créteil pour : “avoir manifesté ostensiblement vos opinions notamment votre intention de vote pour les élections professionnelles ; ainsi que vos opinions politiques“ et “avoir tenu des propos portant atteinte aux valeurs de la République”.

Face à cette répression anti-syndicale un comité de soutien s’est constitué et à organiser le 27 septembre, à la Fléche d’or, une réunion publique intitulée “École de la souffrance, quelles résistances ?” avec Hanane Ameqrane, (sud éduc 93, “sois prof et tais-toi”), Fatou Dieng (réseau d’entraide Vérité et justice), Amanda, (vérité et justice pour Safyatou, Salif et Ilan), Pierrette Pyram ( Diivines LgbtqiA+), le collectif d’action judiciaire, la marche féministe Antiraciste, le collectif “touche pas à mon abaya”, la FIDL et des personnels et élèves mobilisé.e.s

Dans l’émission de ce jour nous vous diffusons le montage d’une partie des prises de paroles réalisées lors de cet événement.

MAYOTTE / ARCHIPEL DES COMORES : Généalogie d’une politique du pire

Dans l’émission de ce jour, nous entendrons intervention de l’auteur de l’article Mayotte / Comores : Généalogie d’une politique du pire paru dans le numéro de Courant Alternative. Il a répondu aux remarques, demandes de précision et interrogations sur la situation à Mayotte et aux Comores. Cette présentation se tenait dans le cadre des rencontres libertaires du Quercy qui se déroulait du 18 au 23 juillet 2023 . Elle s’appuyait sur un article publié dans Courant Alternatif du 11 juin 2023 que nous vous diffusons :

“L’opération militaro-policière Wuambushu menée actuellement par l’État français dans la colonie départementalisée de Mayotte, sous les prétextes officiels d’une destruction de l’habitat précaire et d’une lutte contre la délinquance, amalgamée à la présence jugée illégale de « Comoriens » issus des trois autres îles de l’archipel, s’inscrit dans un contexte régional tout à fait particulier dont cet article se propose d’esquisser sommairement les coordonnées historiques, politiques et sociales.

Perspective historique
Outre un substrat linguistique commun, des échanges commerciaux, alliances matrimoniales ou réseaux confrériques (d’obédience sunnite) établissent des rapports multiséculaires de réciprocité entre les quatre îles de l’archipel des Comores (1). Le Protectorat français que devient Mayotte à partir de 1841 prélude à la domination coloniale que la France exerce sur l’archipel de 1886 à 1974 (2). À la décision prise en 1958 par l’État français de transférer la capitale administrative du Territoire, de Dzaoudzi (Mayotte) à Moroni (Grande Comore), suscitant la méfiance à l’égard des élites grand-comoriennes et anjouanaises, soupçonnées de favoriser leurs îles au détriment de celle de Mayotte, répond en novembre de la même année un Congrès des notables qui initie à Tsoundzou le mouvement procolonial en faveur de « Mayotte française », amplifié et structuré à partir de 1963 par le Mouvement Populaire Mahorais (MPM), matrice historique du départementalisme dont la classe politique mahoraise contemporaine est en quelque sorte l’héritière, du député LR Mansour Kamardine (adepte de la théorie du grand remplacement dans sa version mahoraise (3)) à la députée LIOT Estelle Youssouffa (aux arguties racistes délibérément criminogènes (4)), en passant par le 1er vice-président du Conseil départemental, Salime Mdéré (apprenti-provocateur de la rhétorique génocidaire (5)).

En plus d’un lobbying tenace auprès des autorités françaises, appuyé notamment par l’Action Française (sans oublier les réseaux françafricains de Jacques Foccart), l’activisme du MPM se déploie durant les années 1960-1970 à travers des milices populaires (les soroda, pour soldats), notamment féminines (les « chatouilleuses »(6)), que la perspective rapprochée de l’indépendance incite à la persécution systématique de tous ressortissants des trois autres îles (mais également de Mahorais), jugés favorables à l’unité politique de l’archipel (les serrelamen, ceux qui se tiennent la main). Dans le contexte du référendum d’autodétermination de décembre 1974 (63% des Mahorais s’y opposent) et de l’indépendance unilatéralement proclamée des Comores en juillet 1975, plus d’un millier de « Comoriens » sont expulsés ou fuient avec l’assentiment complice de l’État français, lequel promulgue une loi qui entérine le principe d’un décompte différencié des votes, séparant de fait Mayotte du reste de l’archipel (7) en contradiction avec le principe d’intangibilité des frontières coloniales, appliqué partout ailleurs au moment des indépendances, notamment africaines (depuis, la France a été maintes fois condamnée par l’Assemblée générale des Nations-Unies, sans effet…). Dans la foulée, un coup d’état fomenté par les Services français renverse dès le mois d’août 1975 le président comorien Abdallah : où le mercenaire Bob Denard inaugure vingt années de politique françafricaine aux Comores (dont l’assassinat de deux présidents, en 1978 et 1989).


« Comoriens » et « clandestins »
Depuis lors, une dissociation intime travaille la géographie humaine et mentale de l’archipel. De même que l’État comorien, sous l’influence de Paris, n’exploite le sentiment d’inachèvement territorial de la nation qu’à des fins démagogiques en matière de politique intérieure, de même un spectre hante la conscience mahoraise, dans son rapport contrarié à l’État français (entre angoisse de l’abandon et affirmation du Département) : celui de cette altérité « comorienne » qu’elle s’acharne à refouler d’elle-même. Dans ce cadre, l’histoire du « clandestin » est celle de sa fabrique procoloniale, entre fiction administrative et politique schizophrène de l’identité. À cet égard, l’instauration en janvier 1995 d’un visa préalable d’entrée à Mayotte (Visa Balladur) pour les ressortissants des trois autres îles de l’archipel, officialise l’alliance objective de l’État français avec les discours du MPM et de l’extrême-droite dans leur criminalisation commune du « Comorien » (8) : « Voleurs d’emplois, de terrains, d’époux et d’épouses, de convictions et même d’identité… Dès la fin des années 80, les Comoriens des autres îles étaient accusés de tous les maux à Maore [Mayotte]. Une manière de dissimuler les véritables enjeux auxquels était confrontée l’île. ‘Non à l’envahissement des travailleurs étrangers dans nos entreprises’, ‘Non au commerce ambulant étranger et illégal’, ‘Non au développement des bidonvilles étrangers’, ‘À bas les maris étrangers’… Brandies il y a près de vingt ans – le 16 novembre 1988 – par environ 300 manifestants dont une majorité de femmes, ces banderoles illustrent toute la diversité des tares dont se trouvaient déjà accusés les ressortissants des îles voisines. » (9)

Par ailleurs, ce Visa Balladur inflige aux « Comoriens » une condition migratoire de plus en plus difficile, quand elle n’est pas tragique : lourdeur dissuasive des process administratifs (85% des demandes d’asile rejetées) ; entre 300 et 500 euros pour franchir dans un kwassa (pirogue à moteur) souvent surchargé les 70 kms qui séparent Mayotte d’Anjouan ; plus de 20.000 naufragés morts en mer durant les 25 dernières années. Conjointement aux moyens mis en œuvre par l’État français contre l’entrée et le séjour de Comoriens devenus « illégaux » dans une île de leur archipel (radars, patrouilles nautiques, surveillance aérienne, rafles, rétention) (10), de véritables raids villageois sont menés à l’encontre d’habitations précaires abritant des « Anjouanais » ; le maire d’une commune peut ordonner à ses agents d’incendier des habitations de « sans-papiers » (Hamouro, octobre 2003), sans évoquer les émeutes anti-comoriennes de mars 2008. Macron déclare en 2017 : « Le kwassa-kwassa pêche peu, il amène du Comorien » – calembour de négrier.
{{L’Opération, paradigme politico-militaire de la Métropole
En 2019, l’opération Shikandra (11) constitue le banc d’essai de Wuambushu, avec une pratique déjà systématique du « décasage » dont l’euphémisme d’inspiration coloniale recouvre près de 1.800 habitations détruites, concernant plus de 8.500 personnes, pour les seules années 2020-2022.L’amplitude sémantique du verbe uwambushu (12) offre quelques nuances instructives : défaire pour refaire (si possible en mieux) ; le terme peut également désigner le fait d’initier une action incertaine, sans en mesurer vraiment les risques. À propos d’un tiers, il a valeur de reproche ; en référence à soi, il suggère les difficultés rencontrées dans l’action que l’on a engagée. Si Libération évoque « une opération ni faite ni à faire », il n’en demeure pas moins que l’État français et ses fidèles prétendent réagir par la brutalité aux effets mortifères du leurre procolonial qu’ils ont eux-mêmes produit :


• la cible : déporter en deux mois 10.000 personnes en situation « irrégulière » vers l’île comorienne d’Anjouan et démolir les bidonvilles. Le 21 avril, Darmanin déclare dans Le Figaro : « Nous allons détruire l’écosystème de ces bandes criminelles ».
• les troupes : envoi de 510 [sic] membres des forces de l’ordre, ajoutés aux 750 policiers et 600 gendarmes déjà sur place : CRS8, GIGN, RAID. Dès le 23 avril, à Tsoundzou, le ton est donné : 650 grenades lacrymogènes, 85 grenades de désencerclement, 60 tirs de LBD, des tirs à balles réelles au pistolet automatique de la part des sinistres de la CRS8…
• l’agenda, validé par Macron en Conseil de défense : « Il n’y a pas un moment où on la commence et un moment où on la termine » (Darmanin à propos de l’opération, Le Figaro, 20 avril) – caricature sordide de l’Opération Justice Infinie lancée par le Pentagone suite aux attentats du 11 septembre 2001.
Plutôt indifférent aux manifestations (en métropole, à La Réunion (13)) d’une opposition sporadique à Wuambushu, en dehors de tribunes et autres appels à l’initiative d’associations de défense des droits humains, de syndicats et mouvements politiques français ainsi que d’organisations ou collectifs comoriens, le gouvernement doit néanmoins négocier certaines entraves et dissonances d’ordre éthique, juridique ou diplomatique qui ont pour effet, sinon d’enrayer le récit officiel de sa bataille de Mayotte, du moins d’en différer le double volet opérationnel (démolitions et expulsions) ; la droite et l’extrême-droite l’accusant de ne pas se donner les moyens d’un objectif qu’ils partagent par ailleurs, les élu.e.s et collectifs mahorais le pressant d’entreprendre la déportation de masse qu’ils réclament.


Contre la LDH / Contre la magistrature
Les propos pernicieux que Borne, Darmanin et consorts ont tenu à propos de la Ligue des Droits de l’Homme, après que l’association a dénoncé la violence diluvienne de l’État ainsi que son entrave faite à l’intervention des secours lors de la manifestation du 25 mars à Sainte-Soline, ne sont pas sans lien avec les condamnations multiples par lesquelles la LDH et la CNCDH s’opposent à la politique migratoire de l’État français à Mayotte comme à l’indignité du traitement réservé aux habitants des quartiers pauvres (« Comoriens » ou pas), sous couvert de lutte contre l’insalubrité. Et c’est sans surprise que le député Mansour Kamardine ou le maire de Mamoudzou Ambdilwahedou Soumaïla, reprennent la rhétorique vindicative du régime à l’égard des « associations droitdelhommistes »…

Par ailleurs, dès les 24 et 25 avril, le Tribunal judiciaire de Mamoudzou suspend l’évacuation et la destruction d’habitations précaires en raison d’une absence de relogement (14). Le Préfet de Mayotte fait appel (15). Un affrontement juridique et politico-médiatique s’annonce, qui oppose en quelque sorte le droit de l’État à l’État de droit. Dans ce cadre, la présidente du Tribunal, Catherine Vannier, passe pour avoir outrageusement suspendu l’opération ; et la presse d’évoquer à charge l’ancienne vice-présidente du Syndicat de la Magistrature, « plutôt à gauche » (Europe 1, 27 avril) (16). En comparaison, le chef de la police de Mayotte bénéficie d’une mansuétude complice : Laurent Simonin fut en effet condamné dans l’affaire Benalla pour avoir transmis au barbouze la vidéo de la Contrescarpe : « violation du secret professionnel » et « détournement d’images issues d’un système de vidéoprotection »… Quant à Mansour Kamardine, il fantasme un « harcèlement judiciaire contre l’État à Mayotte » et délire sur le « caractère raciste et anti-français des associations d’aide aux immigrés clandestins », animées par des « humanistes hémiplégiques » (lefigaro.fr, 28 avril). Finalement, le 17 mai, la chambre d’appel de Mayotte autorise la destruction du quartier Talus 2 (Majicavo), démarrée avec fracas dès le 22 mai, dans l’incertitude d’un relogement pérenne pour les habitants.À noter toutefois que le 19 mai, un groupement d’associations, dont le Conseil Représentatif des Associations Noires (CRAN) et le Collectif comorien Stop Uwambushu à Mayotte (CSUM), formule une requête auprès de la Cour Pénale Internationale pour « crime contre l’humanité » commis par l’État français à l’encontre de Comoriens dans le cadre de l’opération Wuambushu. Il réclame conjointement l’émission d’un mandat d’arrêt international visant la députée Estelle Youssouffa ainsi que le 1er vice-président du Conseil départemental, Salime Mdéré, pour leurs propos d’inspiration génocidaire. La bataille juridique n’est pas close…


Contre (tout contre) l’État comorien…
Depuis le début de l’opération, l’État comorien pratique un jeu délicat d’ouverture et de fermeture à l’égard de Wuambushu. Si le régime du colonel Azali annonce dès le 24 avril la fermeture des ports comoriens, celui de Mutsamudu (Anjouan) réouvre officiellement le 26 avril, augurant d’une reprise des expulsions. Mais le 27, c’est le gouverneur même d’Anjouan, Anissi Chamsidine, qui conditionne l’entrée des expulsés en provenance de Mayotte à la présentation d’une pièce d’identité (17) ainsi qu’à l’attestation d’une adresse de résidence dans l’île comorienne. Pour autant, la position de l’État comorien à l’égard de Paris n’en est pas moins ambiguë, comme en atteste l’accord-cadre signé en 2019 : le financement à hauteur de 150 millions d’euros par la France d’une aide au développement engage les Comores à accueillir les expulsés en provenance de Mayotte (18)… Cette ambivalence à l’égard de l’ancienne et si présente puissance coloniale (19) apparait dans l’entretien que le président Azali, promu depuis février à la tête de l’Union Africaine (20), accorde au Monde le 8 mai dans le cadre d’une visite officielle en France : « [Wuambushu] aurait pu être plus discret et efficace [sic]. Il y a un vol et un bateau entre Mayotte et Anjouan tous les jours » et, en même temps, « Je demande la levée du visa entre les Comores et Mayotte », tout en plaçant la France devant sa responsabilité historique à l’égard du département qu’elle a elle-même institué, avant que la langue de bois diplomatique ne reprenne le dessus dès le 9 mai dans un communiqué conjoint des gouvernements français et comoriens, manifestant leur volonté de « lutter contre les trafics et contre les passeurs » et de « coordonner leurs efforts communs pour la sauvegarde des vies humaines en mer »… Cynisme morbide.On comprend pourquoi le Comité Maore (dont le but est d’« œuvrer à la libération de l’île comorienne de Mayotte ») fut interdit de défiler à Moroni contre Wuambushu ; idem pour un rassemblement prévu le 14 mai devant le Palais du Peuple de la capitale comorienne, sans évoquer l’empêchement fait au gouverneur d’Anjouan de pénétrer dans l’enceinte du port de Mutsamudu, suite à sa création d’un Comité de vigilance « habilité à prendre toutes initiatives et entreprendre des actions non violentes pour éviter que la population d’Anjouan soit menacée dans sa sécurité et dans sa quiétude en raison du déplacement massif de la population par la France » (Mayotte la 1ère, 12 mai).Le 15 mai, le gouvernement comorien se déclare prêt à accueillir les expulsés volontaires (?), à l’exclusion des personnes ayant fait l’objet d’une condamnation. Dès le 17, une vingtaine de « Comoriens en situation irrégulière » (dont 4 « départs volontaires ») embarque à bord du Maria Galanta, sous la supervision menaçante de membres du Collectif des Citoyens de Mayotte dont Safina Soula déplore qu’ils ne soient « qu’une vingtaine à bord » (nouvelobs.com, 17 mai). Le soir même, le porte-parole du gouvernement comorien assure du débarquement effectif des expulsés dans le port anjouanais de Mutsamudu : « Il n’y a eu que des départs volontaires [sic] » (europe1.fr, 17 mai). Le 19, le Citadelle prend la mer à destination d’Anjouan avec 48 expulsé.e.s (de force) à son bord, tandis que les autorités comoriennes prétendent n’autoriser aucun accostage au-delà de 16h30… Encore et toujours, l’État comorien assume de jouer le jeu de Paris : un jeu de dupes, certes – et de massacre ?

Contre les « barbares »
Outre un double processus de dépendance et de dépossession, qui révèle plus largement la colonialité des rapports qu’entretient l’État français avec les quatre îles de l’archipel, l’assimilation xénophobe de la délinquance juvénile à l’immigration « clandestine » (quand les mineurs en question, isolés ou non (21), sont souvent natifs de Mayotte et de nationalité française (22)), occulte les mutations sociales et culturelles que le département induit au sein de la jeunesse ; une jeunesse à la recherche d’elle-même entre les inerties d’une structure familiale traditionnelle en voie d’éclatement et la paupérisation d’une existence pliée aux lois iniques de la marchandise et de l’argent, soumise à la violence accrue d’un rapport social capitaliste dont les milliers d’enfants et adolescents (« comoriens » et « mahorais » confondus) actuellement non (ou peu) scolarisés à Mayotte, éprouvent la terreur et la désespérance, exposés qu’ils sont à la mendicité, à la chimik (mélange de cannabis et d’alcool), aux rafles policières, etc…À cet égard, la haine que le député LR Mansour Kamardine voue à la figure expiatoire du jeune « barbare » comorien (lefigaro.fr, 28 avril) ne fait que trahir l’ampleur d’un point aveugle : celui de « Mayotte française », de son impasse et de son échec (23). Quant aux opérations de blocage devant les établissements de soins supposés favoriser les « Comorien.ne.s » (24), ils n’apaiseront pas un refoulé aussi ravageur. La surcharge des infrastructures sanitaires, dispensaires et maternités, serait due aux « Anjouanaises » venues accoucher à Mayotte, avant de repartir sans leur progéniture, promise au droit du sol… L’accusation, au relent de préférence biologique, recoupe la théorie du grand remplacement dont le député LR Mansour Kamardine (25) est l’un des plus fervents adeptes : « La politique du grand remplacement doit cesser » (Mayottehebdo.com, 24 avril) ; tandis qu’Estelle Youssouffa (26) (LIOT) évoque un « enfer migratoire à Mayotte » sur Radio Courtoisie (24 avril). De toute évidence, le Rassemblement National (à Mayotte, 59% au second tour des présidentielles de 2022) dicte le vocabulaire du champ politique mahorais. En vérité, Mayotte dispose d’un système de soins lacunaire dont 170 membres du personnel de santé hospitalier et libéraux de l’île dressent le constat alarmant dans la lettre qu’ils envoient le 3 avril aux autorités afin d’exprimer leur inquiétude quant à la catastrophe sanitaire que l’opération Wuambushu ne manquerait pas de produire.Qu’importe ! Le 2 mai, le sénateur de Mayotte Thani Mohamed Soilihi appelle à un « Wuambushu de l’éducation, de la santé et du logement » – un programme de discriminations sanitaire et scolaire, assorti de pogroms, comme y incitent ces dernières semaines plusieurs tracts (sans parler des réseaux sociaux) appelant par exemple à chasser les « étrangers » de leurs habitations, ou commandant à ces derniers de quitter Mayotte : « N’oubliez pas d’emmener vos enfants avec vous. Ils font partie de vos bagages » (Bouéni, 13 mai). À Moinatrindri, dans la nuit du 14 au 15 mai, un commando encagoulé digne des soroda enlève un propriétaire (mahorais) dont il saccage le domicile, au motif qu’il louerait à des « Comoriens » jugés illégaux. Relais d’un récit officiel qui construit et impose la figure du jeune-délinquant-comorien-en-situation-irrégulière comme la cause unique de tous les malheurs mahorais, Mayotte la 1ère recouvre le silence complice qui règne dans le village d’un « nuit de violences » suffisamment vague pour maintenir par amalgame un imaginaire favorable à Wuambushu.« Clandestins », « voyous », « bandes criminelles », « jeunes armés de machettes » ? Du point de vue de l’appareil procolonial, de sa police, de sa Justice (27) et de ses médias, l’équation semble donc évidente : « On a d’abord vu un Comorien déguisé en femme enceinte », dixit un flic à propos d’affrontements à Doujani. En réalité, ce que dissimulent les combinaisons blanches de chantier portées par certains émeutiers (comme à Tsoundzou), ce sont toutes les misères françaises d’une île qui n’en sont pas moins les mieux partagées au monde ; ce monde hostile dans lequel ils vivent, s’y montrant hostiles à tout le monde, pour paraphraser Alèssi dell’Umbria. Néanmoins, le repli tactique qu’opèrent certains « délinquants » dans les collines n’est pas sans rappeler l’histoire marronne du m’toro fugitif, en rupture avec l’impôt colonial ou l’asservissement. Dans ce cadre, l’intervention menée le 12 mai par quelques jeunes en cagoules, blouses blanches et machettes (selon Mayotte la 1ère) contre le blocage du Centre médical de Dzoumogné, témoigne d’un acte de résistance face à la manifestation xénophobe d’un ordre social inique. De même, si le caillassage d’un bus de soignants du Centre Hospitalier de Mamoudzou (Mayotte la 1ère, 17 mai) relève assez du régime de l’agression, trop souvent propice à la confusion anomique des cibles, il n’en exprime pas moins un sentiment de révolte à l’égard d’une institution de soins identifiée (à tort ou à raison) au Collectif mahorais qui en occupe depuis des jours le parvis d’entrée, incarnant de fait la perspective infâme d’un apartheid sanitaire (28).

Épilogue provisoire
À l’heure où démolitions et expulsions vers les Comores reprennent, après les revers essuyés par Darmanin ces dernières semaines, l’île aux parfums s’abîme dans les marécages nauséabonds de sa fiction identitaire, et suicidaire (29) – tandis qu’elle s’apprête à connaître les restrictions d’eau les plus importantes de son histoire. Au cours de sa prise de parole, à l’occasion du rassemblement tenu Place de la République à Paris le 15 avril dernier à l’appel du Collectif Stop Uwambushu à Mayotte (CSUM), l’écrivain et artiste comorien Soeuf Elbadawi déclare : « Je comprends que Darmanin ait envie d’expérimenter à Mayotte ce qu’il essaiera de faire plus tard, sur l’ensemble du territoire français, avec son projet de loi de l’immigration. Permettre à ce que des déplacements de population, pour ne pas dire des déportations de masse, aient lieu, est une limite que l’État français se doit de ne pas franchir (30)… Aujourd’hui, nous savons que ce sont les États qui s’allient contre les intérêts des habitants de cet espace… [Mais] la vérité, j’ai envie de dire, jamais ne se noie ».


Gamal Oya,

24 mai 2023″


Notes
(1) Grande Comore (Ngazidja), Mohéli (Mwali), Anjouan (Ndzuani) et Mayotte (Maore).
(2) Unité administrative qui prend le nom de « Mayotte et dépendances » en 1892, avant d’être rattachée à la colonie française de Madagascar en 1912 et de constituer un Territoire d’Outre-Mer à part entière en 1946.
(3) Ce vétéran du sarkozysme souhaite que « tout ressortissant comorien sollicitant un visa ou un titre de séjour pour la France reconnaisse, par écrit, l’appartenance de Mayotte à la France »… (Mayotte la 1ère, 29 avril).
(4) « 80 % des élèves de Mayotte sont des Comoriens totalement illettrés, des bébés barbus [sic], des élèves inscrits au CP en pleine adolescence » ; « Il faut exterminer toutes ces vermines » (CNews, 24 avril). 
(5) « … ces délinquants, ces voyous, ces terroristes… à un moment donné, il faut peut-être en tuer, je pèse mes mots. Il faut peut-être en tuer » (JT de Mayotte la 1ère, 24 avril). Salime Mdéré se présentait pour LREM aux élections départementales de 2021 dans le canton de Bouéni.
(6) La place des femmes est prépondérante dans le soutien public à Wuambushu. Parmi bien d’autres, Safina Soula, fondatrice du Collectif des Citoyens de Mayotte, est l’incarnation caricaturale de la chatouilleuse en quelque sorte radicalisée (à l’instar de la députée Estelle Youssouffa) : « Avec 80% de naissances d’enfants qui ne sont pas Français, Mayotte dans quinze ou vingt ans sera une île comorienne… Ce n’est rien du tout 1.000 cases. J’aurais préféré un plan global, raser toutes les cases en tôle existantes » (mayottehebdo.com, 24 avril).
(7) Lors du nouveau référendum que la France organise à Mayotte en février 1976, 99% des voix s’expriment en faveur de « Mayotte française », laquelle obtient le statut de Collectivité territoriale. Le Conseil général demeurera sous la tutelle du préfet, qui fait office de gouverneur colonial, jusqu’à juillet 2001, date à laquelle Mayotte devient une Collectivité départementale, création hybride sur la voie de la départementalisation (mars 2011).
(8) Mayotte est aussi la destination de personnes issues de l’Afrique des Grands Lacs, de Madagascar, voire du Sri Lanka.
(9) Cité in L. Giachino & R. Carayol, « ‘Étrangers’ à Maore : le fantasme de la cinquième colonne », Kashkazi, n°73, 2008.
(10) Une mise au point : les naufragés ne périssent pas en raison de la précarité qui les inciterait à rejoindre le mirage mahorais « au péril de leur vie » mais bien parce que la PAF française accule les embarcations qu’elle traque à emprunter des voies de navigation dangereuses : les eaux peu agitées des passes balisées (reliant le lagon au large) sont ainsi délaissées au profit des lames tourmentées au-dessus de la barrière de corail. De telles conditions demeurent étrangères aux mêmes embarcations qui circulent normalement entre les trois autres îles « comoriennes » de l’archipel.
(11) Le terme emprunté à la langue comorienne (et retourné contre ses locuteurs) désigne un poisson redouté du lagon, habitué à défendre son territoire en mordant les baigneurs : les Comoriens, à la mer ? Une vidéo montre deux femmes mahoraises, participant à la manifestation du 29 avril en soutien à Wuambushu, intimer à une « Anjouanaise » de se « jeter à la mer »…
(12) En effet, wuambushu procède d’une déformation morphologique du verbe uwambushu.
(13) Presque impossibles à Mayotte, où les quelques syndicats (CGT, FSU, Solidaires) et associations (caritatives, humanitaires) qui tentent d’exprimer publiquement leur opposition à Wuambushu sont l’objet d’invectives, voire de menaces, de la part des collectifs comme de la plupart des élu.e.s mahorais en faveur de l’opération.
(14) Il s’agit du quartier Talus 2 à Majicavo, sur la commune de Koungou, où vivent des familles (de nationalité française ou pas) engagées pour certaines depuis des années dans une procédure de titrisation des parcelles sur lesquelles elles se sont initialement installées avec l’aval des autorités. En fait de relogement, des lieux tels que la MJC de M’tsapéré sont réquisitionnés en guise de Locaux de Rétention Administrative, en complément du CRA (136 places) déjà saturé et sous tension (26000 retenu.e.s en 2022, triste record national). Quant à la prison de Mayotte, elle est à plus de 300% de sa capacité ! À quand les stades ?…
(15) En poste à Mayotte depuis 2021, auparavant Préfet délégué pour la défense et la sécurité (Auvergne-Rhône-Alpes), Thierry Suquet est né en 1960 à Constantine (Algérie).
(16) La même n’en préside pas moins les audiences en rapport avec des comparutions immédiates qui participent de la répression pénale en cours dans le cadre de Wuambushu.
(17) Se débarrasser de ses papiers peut éviter le renvoi vers son pays d’origine.
(18) Comble de l’ignominie, cet accord-cadre (se) raconte que « la jeunesse [comorienne] cherche un salut dans des contextes qui semblent plus accueillants et plus propices à [son] épanouissement comme Mayotte » ! Par ailleurs, le cynisme de ce « partenariat migratoire » rappelle l’accord que le Royaume-Uni a conclu avec le Rwanda, qui accepte en échange de 140 millions de livres sterling de recevoir les migrants que Londres serait dans l’incapacité d’expulser vers leur pays d’origine.
(19) Ne parle-t-on pas de pétrole, quelque part entre le Mozambique et les Comores ?
(20) Une présidence qui permettrait à Azali de réactiver le Comité Ad Hoc 7 de l’UA en rapport avec l’île comorienne de Mayotte, un comité en sommeil depuis les années 1990. Le fera-t-il ?
(21) Le sociologue Nicolas Roinsard contextualise ainsi le phénomène des « bandes » à Mayotte : « Certains ont quitté le domicile familial à la suite d’un conflit ou de l’expulsion d’un parent, d’autres pour soulager leur mère isolée et paupérisée… » (lejdd.fr, 16 mai).
(22) Certains sont nés de l’union « mixte » d’un Mahorais avec une Comorienne, mais restent perçus comme des « étrangers ».
(23) À Mayotte, près de la moitié des 18-30 ans subit le chantage systémique au salariat depuis la condition reléguée du chômage, dans une île d’environ 280 000 habitants dont un sur deux a moins de 20 ans, quand 70 % de la population vit sous le seuil national de pauvreté (moins de 30€ par jour).
(24) Depuis le 4 mai, avec le blocage puis la fermeture (sur décision du Centre Hospitalier de Mamoudzou, dont le directeur dépose plainte contre X) du Centre de consultation et de soins de Jacaranda, à l’appel du Collectif des citoyens de Mayotte, le mouvement se poursuit par l’entrave des accès au CHM ainsi qu’à la plupart des autres établissements de santé dans l’île, empêchant ainsi les « clandestins » d’accéder aux soins, dans le cadre d’une protestation coordonnée contre la suspension (levée depuis le 17 mai) des expulsions initialement prévues vers l’île comorienne d’Anjouan.
(25) Outre une propriété en Grande Comore, il possède de la famille à Anjouan, où il a célébré son grand-mariage coutumier.
(26) D’une mère d’origine belge et d’ascendance grand-comorienne du côté paternel.
(27) Comparutions immédiates, convocations de mineurs, procès sommaires, condamnations à plusieurs années de prison ferme… Darmanin brandit ses trophées de guerre : « À Mayotte, la fermeté paie. Merci aux policiers et gendarmes qui ont mené plusieurs interpellations très importantes ces derniers jours, notamment des chefs de bandes » (un tweet).
(28) Si les personnels de santé semblent désapprouver (plus ou moins ouvertement) l’entrave faite aux soins de la part des Collectifs mahorais, la Préfecture relativise les blocages qu’elle attribue à des « femmes inoffensives », complaisance manifestée le 19 mai au cours d’une audience du tribunal administratif de Mamoudzou, dans le cadre d’une requête formulée à l’encontre du préfet de Mayotte par une patiente s’étant vue refuser l’accès à l’hôpital malgré sa pathologie lourde.
(29) Ironie tragique : le 22 mai, un ouvrier mahorais de l’entreprise Tetrama, engagée dans la destruction de Talus 2 (Majicavo), est victime d’un AVC devant son propre domicile promis à la démolition…
(30) Une limite que le député LR Mansour Kamardine incite à franchir lorsqu’il propose de « réfléchir aux voies et moyens législatifs pour couper les pompes aspirantes que sont le droit du sol, l’accès au système de soins gratuits et illimités pour les étrangers… et l’obligation pour les collectivités de scolariser des enfants jetés par leurs parents sur nos plages » (lefigaro.fr, 28 avril). Le même déclare encore sur le site de Valeurs Actuelles, dont l’éditorial oblique du 5 mai s’intitule « Mayotte, laboratoire de catastrophe générale » : « L’opération de restauration de l’État de droit Wuambushu est une urgente nécessité pour Mayotte, dont il conviendra de tirer les leçons pour la métropole ».

L’affaire du 8 décembre 2020

Le 8 décembre 2020, la DGSI arrêtait neuf personnes, désignées par le Ministère de l’Intérieur comme « membres de la mouvance ultragauche ».
Sept d’entre elles sont mises en examen, dont cinq placées en détention.
Elles sont accusées d’« association de malfaiteurs terroristes », ce qu’elles nient catégoriquement. Après l’extrême violence de leurs arrestations (interventions du RAID, fourgons banalisés, sacs sur la tête, camisoles, GAV antiterroriste, fusils d’assaut chargés, humiliations…), après la violence des incarcérations (isolement carcéral, grève de la faim, statut DPS, fouilles à nu…), c’est aujourd’hui la violence de la Justice qui attend les inculpé·es, avec un procès qui se tiendra du 3 au 27 octobre 2023.

Afin que leur parole soit entendue, parce qu’ils et elle ont besoin de soutien, mais aussi pour se mobiliser contre l’extension sans précédent de l’arsenal antiterroriste. Dans l’émission de ce jour, nous revenons sur cette affaire. Nous débuterons avec l’entretien réalisé en compagnie d’une personne proche des inculpé.es.

Et en seconde partie d’émission, nous vous diffuserons un montage dans lequel alterneront les prises de parole de libre flot (orales ou écrites) avec les prises de parole du rassemblement organisé à Ménilmontant le 29 mars 2022

Cette affaire sera jugée du 3 au 27 octobre 2023.

L’AFFAIRE DU 8 DÉCEMBRE :
C’EST QUOI ?

L’affaire du 8 décembre 2020 est une opération antiterroriste commanditée par le Ministère de l’Intérieur contre des militant·es désigné·es par ce dernier comme des « activistes d’ultragauche » et mis·es en examen pour « association de malfaiteurs terroristes ».

La DGSI, accompagnée d’unités de polices militarisées (GAO¹, RAID), a procédé à l’arrestation de neufs personnes – que nous réunissons sous la bannière « libertaires » – dont les engagements politiques étaient divers et dans des régions différentes: soutien aux familles réfugié·es, projets d’autonomie et de lieux collectifs à la campagne, soutien aux victimes de meurtres d’État, squat d’activités politiques et contre-culturelles, écologie et défense de la cause animale, implication dans des Zones A Défendre, activisme dans la scène punk, féminisme, etc.

Ces neuf personnes ne se connaissent pas toutes. Certaines ne s’étaient côtoyées qu’une fois dans leur vie (pendant le confinement). Mais toutes avaient comme point commun une personne, ciblée par la DGSI depuis son retour du Rojava en 2018 où il avait participé à la lutte contre DAECH.

FAITS REPROCHÉS

A l’heure de leur arrestation chacun·e menait sa vie dans des régions différentes, bien que la DGSI affirme avoir déjoué un « vague projet de s’en prendre à des forces de l’ordre » et que la médiatisation se fit l’écho sans nuance de ces suspicions pendant quelques jours.

Pourtant, les inculpé·es, leurs proches et leurs avocat·es démentent ces accusations, qui sont fondées sur des « extrapolations délirantes ».

Il est reproché aux inculpé·es plusieurs « éléments matériels » qui s’étalent sur à peine deux mois et concernent des personnes différentes : la détention d’armes, la confection d’explosifs, la pratique de l’AirSoft et l’usage d’outils de communication sécurisés.

Ces faits sont soit parfaitement légaux, soit des délits qui relèvent du droit commun, et les inculpé·es sont prêt·es à en assumer les conséquences. Mais la DGSI et la Justice tentent par tout les moyens de faire entrer cela dans un cadre « terroriste ».

Pour ce faire, tout le reste de leurs activités (projets professionnels, militants ou familiaux) qui démentent les accusations est mis sous le tapis pour ne retenir que des éléments « à charge » que les techniques d’intrusion dans leur vie ont pu extraire. D’après le témoignage d’une mise en examen, « le dossier repose sur un ensemble d’éléments disparates qui n’ont globalement rien à voir les uns avec les autres mais qui, décontextualisés et racolés, permettent de construire un décors ».

La détention d’armes.

Quelques armes ont été saisies dans cette enquête. Des armes de collection inutilisables et quelques carabines de chasse appartenant à quatre inculpé·es (ou à leur famille). Rien de comparable aux arsenaux de guerre saisis en juin 2022 en Alsace ou dans l’Eure en novembre 2021 chez des néo-nazis et militaires ; sans que le PNAT ne s’y intéresse.

Deux inculpés étaient inscrits dans un club de tir et avaient un permis de chasse dans une optique d’autosuffisance. Leur participation à ce sport n’était nullement cachée, ils en parlaient régulièrement au téléphone et le gérant du club était abasourdi quand il a appris ces arrestations. Les armes dont ils disposaient, mis à part un fusil de chasse, étaient réservées au club de tir car elle ne sont pas suffisamment létales pour la chasse. Un autre inculpé avait des carabines quasi inutilisées qui servaient de temps en temps à tourner des clips.

Quatre armes illégales étaient détenues (ce qui relève d’un délit de droit commun) : un fusil à canon scié et trois carabine. Le premier était stocké dans l’habitat de Libre Flot. Il l’avait acheté sur un vide grenier il y a des années pour s’entraîner au tir avant de partir au Rojava.

Les carabines, appartenant à un autre inculpé, avaient été récupérées il y a plusieurs années dans le but de chasser ou faire peur aux nuisibles sur un terrain. Et pour l’une d’entre elle, pour son esthétique « années 30 » pour le tournage d’un clip. Dans les deux cas, ils ne possédaient pas ou peu de munitions.

La confection d’explosifs.

Au cours de l’enquête, il y a eu deux moments de confection d’explosif. L’un s’est déroulé entre deux inculpés lors d’un week-end de retrouvailles après de nombreuses années. L’un d’eux étant artificier spécialisé dans les effets spéciaux. Une quantité infime a été réalisée et aucun stock n’a été gardé.

Le second moment est arrivé quelques semaines plus tard lorsqu’au hasard du confinement, plusieurs inculpé·es se sont retrouvé·es à cohabiter dans un grand lieu collectif à la campagne pendant trois semaines. Pour tuer le temps (et pas des gens!), un après-midi a été consacrée à tenter de fabriquer du TATP² avec une recette trouvée sur internet. Une quantité infime est finalement réalisée (c’était pas gagné!) et le pétard est allumé dans les bois. Pour la plupart des inculpé·es, c’était la première expérience avec une explosion et ça ne leur a pas spécialement plu. La curiosité passée, aucun autre essai du genre n’aura lieu jusqu’aux arrestations (8 mois plus tard!).

La détention, confection et transport de matières dangereuses est un délit condamnable dans le droit commun. Encore une fois, c’est le procès d’intention et d’opinion qui permet à la Justice de transformer cela en « terrorisme ».

La pratique de l’AirSoft.

Trois inculpé·es sur les sept pratiquaient occasionnellement de l’AirSoft, une pratique sportive de simulation de tir avec des « répliques », c’est à dire des pistolets à billes. C’est une pratique parfaitement légale, pourtant deux parties d’AirSoft sont reprochées aux inculpé·es et la DGSI les considère comme des entraînements paramilitaires. Là encore, la DGSI affirme que Libre Flot se servirait de ce jeu pour former à la guérilla ses ami·es. Cela pose la question : quelles pratiques légales deviennent illégales si vous avez une expérience de guerre ?

Les outils de communication sécurisés.

La Quadrature du Net a récemment démontré – provoquant un tollé international dans le monde de l’informatique libre – comment la DGSI transformait des pratiques banales d’autodéfense numérique en un « comportement clandestin » et une « culture du secret » qui démontreraient les intentions terroristes supposées des inculpé·es. C’est le même type d’extrapolations paranoïaques que l’on retrouve à tous les niveaux du dossier, atteignant des niveaux vertigineux dans la présomption de culpabilité.

L’usage de WhatsApp, Signal, Tails, Tor, eOS, Jitsi, Telegram, (etc.) sont assimilés à des comportements pré-terroristes. Trois inculpé·es sont également poursuivi·es pour « refus de communiquer ses conventions de déchiffrement », un nouveau délit instauré par la loi du 3 juin 2016 « renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement ». Ce délit vient fragiliser le droit fondamental de ne pas s’auto-incriminer (le droit au silence).

DÉTENTION PRÉVENTIVE (ET TORTURE BLANCHE)

Ces arrestations préventives on conduit à cinq incarcérations préventives dans des conditions extrêmes. Les détentions sont allées de 4 mois et demi de détention sous régime DPS (détenu particulièrement signalé) à 16 mois d’isolement carcéral (se terminant grâce à une grève de la faim éprouvante).

Plusieurs mesures « antiterroristes » ont été illégalement administrées contre les inculpé·es, notamment un placement à l’isolement pendant 15 mois pour Libre Flot, et d’incessantes fouilles à nu pour Camille. L’État a récemment été condamné (timidement) pour une partie de ces violences aux effets dévastateurs.

Les comités de soutien, les proches et les avocat·es n’ont cessé de dénoncer l’usage de l’isolement carcéral à des fins de « torture blanche ». Pendant tout le temps de son incarcération, Libre Flot a pris soin d’alerter sur les effets de l’isolement sur sa santé. Alors qu’il témoignait de pertes graves de mémoire, d’incapacités à se concentrer, de migraines chroniques (etc.), le Juge d’Instruction continuait (en toute connaissance de cause) à mener des interrogatoires, exploitant sadiquement la situation. En avril 2022, il daignera le libérer (sous bracelet électronique) « pour raisons médicales », après 36 jours de grève de la faim, une journée internationale de mobilisation et une Tribune réclamant sa libérationUn an après l’isolement, le préjudice reste bien présent.

INSTRUCTION A CHARGE

Les juges d’instruction désignés ont fait de cette affaire une affaire personnelle dès le début. Dès leur première interaction avec les inculpé.es, leur haine est palpable. Elle s’illustre dans leur ton excédé, leurs commentaires méprisants, leur mépris de classe, témoignant d’autant de bas instincts et de leur subjectivité.

De la même façon que la DGSI lors des auditions de témoins, de nombreux propos abjects tenus par Jean-Marc Herbaut sont complètement passés sous silence et protégés par le sacro-saint Secret du Palais. Cette vieille loi du Secret est une pratique d’omerta qui est exercée au sein de l’appareil judiciaire: « ce qui se dit en off reste en off ». Les avocat·es se risquant à ne pas le respecter perdraient un certain nombre d’avantages au sein du Palais (perte de confiance des magistrats, rétention d’information, etc.). Les témoignages de Libre Flot sont importants en ce sens, lorsqu’il s’indigne que le juge l’assimile aux combattants de DAECH (« tes petits amis de daech ») alors qu’il a lui même combattu le djihadisme au Rojava.

La première obstruction à la Défense des inculpé·es a été (outre les placements en détention) le refus de leur donner accès à leur propre dossier. La première inculpé·e libérée a dû aller en Cour d’Appel pour enfin avoir le droit d’y accéder.

Cette première obstruction avait pour but d’empêcher que la Défense (qui a besoin du regard éclairé des inculpé·es) puisse poser des requêtes en nullités (c’est à dire, faire annuler des éléments si des irrégularités sont constatées). Les délais légaux pour poser ce type de requêtes sont : six mois après les arrestations. La première inculpée n’a eu que trois semaines avant la fin de ce délai pour aider les avocat·es à éplucher le dossier et contester la légalité de plusieurs éléments. Les requêtes seront finalement toutes rejetées en bloc par la Chambre d’Instruction.

Début septembre 2021, les juges d’instruction ont été interpellé·es par des « familles et ami·es et des inculpé·es » au travers d’une Lettre Ouverte dénonçant les pratiques de la DGSI et demandant la libération des derniers inculpés, en vain.

Libre Flot a également témoigné plusieurs fois du comportement outrancier de Jean-Marc Herbaut dans son bureau : accès de colère, insultes, etc. Il dénonce dans son communiqué de grève de la faim : « les mêmes techniques tortueuses que la DGSI : la manipulation, la décontextualisation, l’omission et l’invention de propos et de faits afin de tenter d’influencer les réponses. »

Malgré cet effort pour démontrer l’indémontrable, l’instruction a été forcée d’admettre à minima que « aucun passage à l’acte imminent ne semble avoir été envisagé ». Le soit disant projet de s’en prendre aux forces de l’ordre ou à des militaires initialement « vague », s’est finalement échoué sur des sables mouvants de l’accusation politique. L’affaire ouverte en « criminel » se dégonfle donc en « correctionnelle ». Il n’y a pas de projet ! Mais se refusant à couler définitivement, l’accusation s’accroche à la bouée des jurisprudences islamophobes de ces dernières années.

Sans une once de honte, Jean-Marc Herbaut écrit dans son ordonnance de renvoi :

« Est punissable la seule participation au groupement ou à l’entente, sans qu’il soit nécessaire de démontrer une participation aux crimes ou à leur préparation. De même, il est inutile de démontrer la connaissance précise et concrète du projet fomenté par le groupe. »

Pour résumer : pas de groupe constitué, pas de préparation à des actions (ni crime, ni sabotage), pas d’entente politique, pas de préparation à la clandestinité, mais quand même coupables ?! L’idéologie de certain·es magistrat·es a définitivement fait chavirer le Droit dans des eaux bien troubles…

Au même titre que la DGSI et le PNAT, qui n’hésitent pas à verser dans le conspirationnisme le plus malhonnête pour combler la vacuité de leur dossier (on vous garde les pépites pour plus tard!). Il faut dire que le tout jeune Parquet National Anti-Terroriste tient sa première affaire d’ultragauche et il n’entend pas en démordre. Il a d’ailleurs régulièrement fait fuiter des éléments totalement faux dans la presse de droite radicale et d’extrême-droite.

Un article dans le Figaro mélangeait Libre Flot avec autre militant internationaliste, il a été modifié sous peine de plainte. Puis, suite à la publication d’un dossier d’enquête par la Quadrature du Net sur l’assimilation du chiffrement à un comportement terroriste, des représentants du PNAT affirmaient dans un colloque sur le numérique : « il y aura une riposte médiatique ». La réponse est venues quelques semaines plus tard, avec un article sur France Info qui s’acharnait encore une fois sur Libre Flot, en lui ajoutant des armes et explosifs dans son camion qui n’ont jamais existé.

RETOUR EN DÉCEMBRE 2020

Encore aujourd’hui, les inculpé·es, leurs avocat.es et leurs soutiens se questionnent sur les raisons pour lesquelles les arrestations ont été déclenchées ce fameux 8 décembre. Les inculpé·es vivaient dans des régions différentes et menaient leurs projets de vie et engagements militants distincts. Huit mois après les gestes qu’on leur reproche, l’évidence était qu’il n’y avait aucun groupe et aucune organisation en vue de réaliser un quelconque projet d’action violente.

Alors pourquoi le déclenchement de cette affaire ?

Frapper la contestation contre les violences policières

Au travers de la communication politique et médiatique qui eût lieu après leurs arrestations, on peut comprendre l’opportunité qu’à saisie Darmanin (car la DGSI est sous les ordres du Ministère de l’Intérieur, il était donc au courant depuis de longs mois de cette affaire qui se montait). Nos camarades on servi d’avatars médiatiques au service d’un projet idéologique, nommons-le : la progression du fascisme.

En Juin 2020, à la sortie du confinement, le mouvement BlackLivesMatter était à son apogée en France, avec une mobilisation historique devant le Tribunal de Paris. La question des meurtres policiers et du racisme d’État était dans toutes les bouches. La Justice condamnait l’État pour « fautes lourdes » pour des affaires de violences policières, le Conseil de l’Europe épinglait la France suite aux violences policières envers les journalistes. La vidéo du lynchage raciste de Michel Zecler passait sur tous les écrans, deux semaines avant les arrestations du 8 décembre. Les Teknivals se faisaient violemment écraser par des interventions policières et la gestion sécuritaire de la crise sanitaire faisait sérieusement grincer des dents.

Le gouvernement répondait dans l’empressement par une surenchère sécuritaire en faisant passer deux lois particulièrement graves: la loi séparatisme et la loi sécurité globale. Et en réponse à la grogne qui montait à mesure que le gouvernement répétait « il n’y a pas de violences policières », « nous allons casser du casseur » ; il fallait trouver une sortie médiatique.

Quoi de mieux pour détourner l’attention que cette vieille fable, étayée par aucun fait, des manifestant·es qui pourraient tuer du flic et plus généralement de la police en danger de mort constant ? Quoi de mieux pour étouffer les critiques ?

Le pouvoir lançait donc cette arrestation que personne n’attendait. « Vague projet d’action violente » qui viserait des « policiers ou des militaires », des « activistes violents d’ultragauche préparaient un attentat », etc. De Darmanin, à Laurent Nunez, en passant par Eric Ciotti, la droite radicalisée applaudissait les arrestations du 8/12 en promouvant les équipes de police militarisées y ayant participé.

En illustration à ces fables anxiogènes, les médias mainstream diffusaient des images de « casseurs », alors même qu’aucun fait de manifestation n’était reproché aux inculpé·es. Et le PNAT (ou la DGSI) s’empressait de faire fuiter des éléments du dossier dans Le Point, avec les photos de trois des inculpé·es.

Lois liberticides et reconquête sécuritaire

L’affaire du 8 décembre 2020 prend place dans un contexte de criminalisation des luttes, d’usage de l’association de malfaiteurs comme outil de répression politique et de montée de l’extrême droite dans une ambiance préfasciste. Depuis 2015, et plus encore ces deux dernières années, les virages sécuritaires des gouvernements successifs ont été particulièrement inquiétants.

Plus la répression devient violente, plus la « violence » des opposant·es politiques est amplifiée et diabolisée, permettant de justifier les vagues répressives et lois sécuritaires suivantes. C’est un processus parfaitement observable qui, in fine, permet de justifier les futurs meurtres policiers. Les même mécanismes s’observent pour toutes les violences d’État (pénitentiaires, judiciaires, policières), dans ce que le théoricien du post-colonialisme Achille Mbembe appelle la nécropolitique.

Cela a commencé par la criminalisation des musulman·es et des étranger·ères, qui a conduit à la mise sous tutelle et à la répression tous azimuts de toute une communauté (avec des fermetures de mosquées et d’écoles, la dissolution du CCIF et de Baraka City, des milliers de perquisitions antiterroristes dans le vide, etc.), avant de s’étendre aujourd’hui à l’ensemble des mouvements de contestation sociale, organisations militantes et antifascistes.

On assiste en quelques mois à la dissolution de la GALE, du Bloc Lorrain, du Collectif Palestine Vaincra, Comité Action Palestine, les Soulèvements de la Terre ; et la tentative de dissolution de Nantes Révoltée et de la Defcol.

Les outils de répression administratifs (relevant de la sécurité intérieure, et donc directement du ministère) se déploient également sur des activistes. Des ITF et des placements en CRA, de la surveillance poussée, des assignations.

On observe aujourd’hui comment l’institution judiciaire (même dite « de droit commun ») s’est militarisée, fonctionnant aujourd’hui main dans la main avec l’intervention d’unité de polices antiterroristes pour écraser aveuglément des supposés émeutiers.

Retour sur les derniers outils législatifs mis en œuvre pour réprimer toute contestation de l’ordre établi.

Loi SILT (30 octobre 2017)

La loi renforçant la Sécurité Intérieure et la Lutte contre le Terrorisme (SILT) est votée dans le prolongement de l’État d’urgence décrété par Hollande au lendemain des attentats du Bataclan. Entrée en vigueur le 1er novembre 2017, elle a pour objet de faire entrer dans le droit commun un ensemble de mesures de police administrative, au nom de la « lutte contre le terrorisme ».

Les pouvoirs de l’État d’urgence deviennent permanents :

  • périmètres de protection dans l’espace public
  • fermetures administrative de lieux de culte
  • mesures individuelles de contrôle administratif et de surveillance dites « MICAS³ », facilitant les assignations à résidence et les interdictions de paraître et de déplacement.
  • les perquisitions administratives, dites « visites domiciliaires » (pas de mandat, police antiterroriste, saisies arbitraires, etc.)

Cette loi fait sauter un grand nombre de freins au pouvoir gouvernemental qui existaient pour justement protéger la population. Elle confère de façon durable au pouvoir administratif des prérogatives étendues et particulièrement liberticides, sans contrôle de l’autorité judiciaire. Un État policier.

Elle légalise la mise en œuvre de mesures de contrainte sans fondement autres que des présomptions policières, et permet le retour massif de l’usage des « notes blanches ». Une répression qui n’a plus besoin d’élément prouvant la participation effective à la commission d’une infraction pénale, ni de détailler les motifs invoqués.

La loi renforce également les pouvoirs des services de renseignement : banalisation de la surveillance de masse et nouveaux pouvoirs de contrôle aux frontières.

Loi du 30 juillet 2021

La loi « relative à la prévention d’actes de terrorisme et au renseignement » présentée par le gouvernement Castex pendant que les Français·es sont à la plage, prolonge à nouveau un ensemble de mesures sécuritaires temporaires prévues par la loi SILT.

Ni leur nécessité, ni leur efficacité et ni leur proportionnalité n’ont été démontrées. Mais l’entretien permanent de la « menace terroriste » dans les médias et les discours politiques fonctionne toujours.

Décrets Darmanin (4 décembre 2020)

Ces trois décrets du ministère de l’Intérieur visent à élargir les possibilités de fichage dans le cadre d’enquêtes menées par la police, la gendarmerie ou encore l’administration.

Initialement, les fichiers Prévention des Atteintes à la Sécurité Publique (PASP) et GIPASP visaient « les personnes susceptibles de prendre part à des activités terroristes ou d’être impliquées dans des actions de violences collectives ».

Cette définition déjà large permettait d’y intégrer, outre des individus présentant une « radicalisation du comportement », des personnes ayant pris part à « des manifestations illégales » ou à des « actes de violence ou de vandalisme lors de manifestations sportives ».

Suite à la parution de ces décrets, les catégories de données et les catégories de destinataires de ces fichiers sont considérablement élargies, puisqu’ils permettent désormais d’enregistrer des informations concernant des personnes morales ou des groupements, comme des associations, des collectifs militants ou des syndicats.

Ces décrets permettent également aux services de police et de renseignement de pouvoir recueillir « les opinions politiques, les convictions philosophiques, religieuses, l’appartenance syndicale, ainsi que des données de santé révélant une dangerosité particulière », ouvrant encore plus la voie à la purge politique en cours.

Ces décrets élargissent la surveillance aux atteintes « à la sûreté de l’État » et « à l’intégrité du territoire ou des institutions de la République ». Outre l’usage d’un terme totalement flou : « atteintes », ce n’est plus uniquement la prévention de crimes qui peut être la cible d’intrusions des services secrets, mais ce qui irait à l’encontre du respect des institutions.

On voit donc à l’œuvre un glissement sémantique qui permet au pouvoir administratif, donc à l’exécutif, d’élargir considérablement le champ d’application de ses mesures de fichage et de surveillance, dans le but de criminaliser et de neutraliser, toute opposition politique. En plus d’être une dérive autoritaire dangereuse, ces décrets permettent ainsi un redéploiement des services de renseignement sur des pans émergents de la contestation sociale.

Loi Sécurité Globale (avril 2021)

L’Assemblée Nationale examine précipitamment la proposition de la loi « Sécurité Globale » (LSG) dès novembre 2020. Déposée le 20 octobre 2020, elle passe de la Commission des Lois à un vote en première lecture en à peine un mois, alors que l’agenda parlementaire était déjà surchargé. Cette loi étend les possibilités d’une surveillance généralisée et indiscriminée de l’ensemble des personnes vivant en France.

Elle redéfinit aussi le maintien de l’ordre selon la conception militariste du « continuum de sécurité » : une manière d’englober tous les acteurs répressifs ou réactionnaires (de l’armée au voisins vigilants) dans une dynamique commune.

Ses principales dispositions prévoient :

  • Le transfert des compétences de police judiciaire à la police municipale (sous l’autorité du maire et pas de l’autorité judiciaire).
  • L’élargissement de la vidéosurveillance aux policiers municipaux, aux agents municipaux chargés d’un service de police, et à certains agents de la préfecture.
  • La transmission des images des caméras-piéton des policiers et gendarmes en flux continu vers le centre de commandement, avec usage potentiel de la reconnaissance faciale.
  • L’autorisation de la captation d’images par drones avec usage potentiel de la reconnaissance faciale.
  • L’article 24 sur l’interdiction de diffuser des images de policiers ou gendarmes en intervention. Article qui a suscité la plus grande levée de boucliers et a été retoquée par le Conseil Constitutionnel avant d’être rétabli partiellement dans la loi Séparatisme votée quelques semaines plus tard.
  • La suppression des réductions de peine pour les détenu·es condamné·es pour violence envers des personnes dépositaires de l’ordre public.
  • L’autorisation du port d’arme dans les lieux publics pour les personnes dépositaires de l’ordre public.
  • Un élargissement des pouvoirs des sociétés de surveillance et de sécurité privées.

De nombreuses manifestations ont eu lieu lors de l’examen de la loi, et de nombreuses condamnations de ce texte ont été émises, notamment par la CNCDH, le Conseil des droits de l’Homme de l’ONU, du Haut-Commissariat des Nations-Unies aux Droits de l’Homme, du Conseil de l’Europe, de la Défenseure des Droits, de la Commission Européenne, du Conseil des Barreaux, etc.

Seul l’article 24 sera supprimé. Il a d’ailleurs été réintroduit sous une forme légèrement modifiée par l’article 18 dans la loi Séparatisme quelques semaines plus tard.

Loi Séparatisme (août 2021)

Les grandes lignes de la loi Séparatisme confortant le respect des principes de la République ont commencé à être dévoilées début octobre 2020, à la même période que la LSG. Elle est présentée en Conseil des Ministres le 09 décembre 2020. Le gouvernement a engagé une procédure accélérée pour l’examen du texte à l’assemblée nationale.

C’est une loi raciste et islamophobe qui prévoit :

  • L’extension du fichage antiterroriste.
  • Le contrôle politique des associations via le contrat d’engagement républicain.
  • L’article 18 sur le délit de « mise en danger de la vie d’autrui par diffusion d’informations relatives à la vie privée, familiale ou professionnelle », instrumentalisant le meurtre de Samuel Paty pour permettre de criminaliser la diffusion d’images de violences policières et le CopWatching.
  • Le contrôle plus strict de l’instruction en famille, des écoles privées hors contrat et des fédérations sportives.
  • Le contrôle renforcé des lieux de culte.
  • L’extension du champ d’application du Fichier Judiciaire Automatisé des auteurs d’Infractions Terroristes (FIJAIT).

Depuis sa promulgation, ce texte à été utilisé d’abord pour dissoudre des organisations musulmanes, puis pour réprimer des organisations militant·es antifascistes, antiracistes et écologistes.

C’est notamment cette loi qui a justifié les dissolutions de la GALE, du Bloc Lorrain, du Collectif Palestine Vaincra, Comité Action Palestine, ainsi que la tentative de dissolution du media Nantes Révoltée.

ÉLÉMENTS DE CONTEXTE SUR LE ROJAVA

Pour comprendre l’opération antiterroriste du 8 décembre 2020, il faut remonter en janvier 2014 lorsque l’autonomie du Rojava est proclamée. Partie syrienne du kurdistan, le Rojava est un territoire revendiqué par le peuple apatride le plus grand du monde: les kurdes.

Le PYD (Parti de l’Union Démocratique) proche du PKK (Parti des Travailleurs du Kurdistan) prend le contrôle de la zone et annonce le 9 janvier 2014 l’instauration d’une administration autonome s’inspirant du socialisme libertaire et du confédéralisme démocratiqueLa constitution du Rojava est adoptée le 29 janvier 2014.

En 2015, la révolution du Rojava bénéficie d’une médiatisation sans pareille dans les pays occidentaux. De nombreuses tribunes internationales (signées par les personnalités de gauche les plus reconnues) appelaient à soutenir de tous leurs vœux cette utopie naissante. Une trentaine de français·es répondront à l’appel du Rojava pour « protéger la paix en participant à la guerre de légitime défense contre DAESH et l’armée turque », ce qui n’est pas du goût de l’État français qui entretient des liens étroits avec le dictateur turc Erdogan, notamment via l’OTAN.

L’importance du Rojava s’est très vite démontrée en France lorsque les attentats sont venus frapper Charlie en 2015. Les kurdes ont été en première ligne de la lutte contre DAESH, puisqu’ils étaient sur le terrain. La Coalition Internationale (et les médias occidentaux) les ont encensés pour leurs exploits.

Leur modèle démocratique rend caducs les tentatives autoritaires de DAESH. Leur modèle pluri-ethnique (kurdes, arabes, assyriens, etc.) déjoue les divisions et tentations identitaires violentes. Leur modèle écologiste basé sur la reforestation et l’autonomie alimentaire tend à réduire la précarité alimentaire et la dépendance au climat et aux marchés mondiaux. Leur héritage féministe et paritaire contrecarre les effets nauséabonds du patriarcat. En bref, étant aux premières loges du développement de DAESH, mais aussi d’autres régimes autoritaires et militaristes surfant sur l’islam (Iran, Turquie) leur modèle s’est construit en opposition radicale et ils se sont montrés d’une efficacité inégalée dans la lutte contre le terrorisme.

Malgré un contexte très très hostile (désertification planifiée par la Turquie, pauvreté, tremblements de terre, séquelles de la guerre, agressions armées constantes, terrorisme, etc.), ce modèle a représenté une source d’espoir et d’inspiration à des millions de communistes, socialistes, anarchistes, féministes et écologistes dans le monde entier.

LA CRIMINALISATION DES VOLONTAIRES INTERNATIONALISTES

C’est dans ce contexte que des centaines de personnes ont rejoint le Rojava, dont une trentaine de français·es. Certain·es, clairement d’extrême-droite, y sont allé·es pour « buter du musulman ». D’autres, anciens militaires notamment, se disaient apolitiques et uniquement intéressés par la lutte armée contre le terrorisme. Et enfin, des camarades de gauche y allaient également avec la fierté de participer une telle révolution sociale. Libre Flot fait partie d’elleux. Il a passé quelques mois là bas, et a eu une petite expérience sur le front : la libération de Raqqa.

Le Collectif des Combattant·es Francophones du Rojava (CCFR) explique:

« Notre camarade était en Syrie pour combattre Daech. Il a pris part en 2017 à la libération de Raqqa, la capitale du groupe jihadiste. Raqqa est aussi la ville où les attentats de Paris ont été planifiés et où la plupart de ses auteurs ont été entraînés. Si la France n’a pas connu d’attentats de grande ampleur depuis des années, c’est grâce à la libération de Raqqa à laquelle notre camarade a participé au péril de sa vie. En combattant en Syrie ce dernier a donc directement contribué à la sécurité des Français, ce que le tribunal médiatique s’est bien gardé de mentionner. Comment en effet faire rentrer dans leur narration à charge que l’accusé ait donné bien plus à la lutte contre le terrorisme que les policiers, procureurs et journalistes qui l’accusent aujourd’hui d’être un « terroriste d’ultragauche » ? »

Libre Flot n’est pas le seul volontaire internationaliste a avoir été ciblé à son retour en Europe. Malgré leur apport à la lutte antiterroriste, la DGSI a immédiatement considéré comme des menaces les volontaires de gauche, là où elle en a ignoré d’autres. Là encore le CCFR explique que :

« La DGSI a immédiatement établi un tri entre les « mauvais » volontaires, se réclamant d’une idéologie révolutionnaire, et les « bons » volontaires, anciens militaires ou apolitiques, qui pour certains ne furent même pas auditionnés à leur retour en France. Ceux qui étaient identifiés comme de potentiels membres de « l’ultragauche » se retrouvèrent systématiquement « fichés S » et firent l’objet d’une surveillance active, tout en étant coupables de rien d’autre que d’un délit d’opinion. Arrestations à l’aéroport, menaces sous forme de conseils paternalistes, pressions sur nos familles, nous sommes nombreux à avoir fait l’objet de tentatives d’intimidation plus ou moins voilées de la part des services de sécurité. »

On observe partout en Europe une politique répressive envers l’internationalisme pro-kurde. En décembre 2021, Maria, militante espagnole, a été expulsée d’Allemagne et interdite de séjour pendant 20 ans au motif qu’elle utiliserait « sa présence en Allemagne pour la seule raison de pouvoir participer à des activités politiques liées au mouvement internationale de libération kurde » ; et que ses compétences (en technologies de la communication et en langue kurde) lui permettrait de « construire un réseau et donc à servir de lien entre la gauche radicale en Allemagne et le mouvement de libération kurde » d’après un communiqué du collectif Solidarité avec Maria !

Le 14 avril 2023 à Sion (Suisse) s’est tenu le procès d’un militant internationaliste accusé « d’atteinte à la puissance défensive du pays » et de « service militaire à l’étranger » pour avoir rejoint le Rojava. Le réseau Secours Rouge témoignait :

« À plusieurs reprises dans son dossier, les services de renseignement de la confédération mentionnent son appartenance à l’extrême gauche ainsi que son engagement politique. La bourgeoisie souhaite ainsi intimider et contraindre au silence les militant·es révolutionnaires. »

En Angleterre, des camarades se sont vu retirer leur passeport et ont reçu des interdictions d’entrer dans l’espace Schengen. En Italie, plusieurs militant·es sont passé·es par de longues procédures judiciaires à cause de leur voyage dans la région.

En 2016, alors qu’André Hébert se préparait à retourner au Rojava, il s’est vu retirer arbitrairement son passeport et sa carte d’identité par la DGSI, au motif qu’il pourrait être à l’origine « de graves troubles à l’ordre public » et était susceptible d’utiliser son expérience militaire « dans des attaques contre les intérêts français, en lien avec l’ultragauche révolutionnaire ». Cette diffamation et ce harcèlement est soutenu par certains médias de gauche, comme Médiapart.

Encore une fois le CCFR témoigne :

« Ces accusations complètement fantaisistes furent balayées par le tribunal administratif de Paris quelques mois plus tard. Le ministère de l’Intérieur fut ensuite contraint de lui rendre ses documents d’identité et de lui verser des dommages et intérêts. En dépit de cette victoire judiciaire, nous savions que la DGSI nous garderait dans son collimateur et était prête à tout, y compris à des accusations sans preuves, pour nous faire rentrer dans le moule qu’elle avait créée : celui de dangereux vétérans d’ultragauche cherchant à importer la violence du conflit syrien de retour chez eux. »

RÉPRESSION DE LA DIASPORA KURDE

La France a une très longue histoire de répression envers ce peuple. La diaspora kurde a été la cible incessante des lois antiterroristes depuis, notamment la fondation du PKK en 1978. Dissolutions d’associations culturelles kurdes, coups de filets de 200 personnes finissant en relaxe générale, complicité avec les services secrets turcs dans l’assassinat de kurdes à Paris (2013 et 2022), etc.

En 2013, deux officiers du renseignement turc ont assassiné à Paris trois militantes kurdes : Sakine Cansiz, Fidan Dogan et Leyla Saylemez. En mars 2020 en Grèce, sous couvert de « lutte antiterroriste », le Comité de solidarité pour les prisonniers politiques en Turquie et au Kurdistan et le Front anti-impérialiste avaient été la cible d’un raid policier: entre 26 et 35 personnes furent arrêtées.

Le 23 mars 2021 en France, il y a eu le plus grand coup de filet dans les réseaux militants kurdes de ces 10 dernières années : 13 personnes ont été interpellées par la DGSI, leurs domiciles ont été violemment perquisitionnés, ainsi que le siège de l’association kurde à Marseille. Au final, c’est plus de 800 membres de la communauté kurde qui seront interrogées par la DGSI, du jamais vu. Ce sont au final 11 membres présumés du Parti des Travailleurs du Kurdistan (PKK) qui seront lourdement condamnés, vendredi 14 avril 2023.

D’après le communiqué de camarades internationalistes de Marseille, Macron et Erdogan s’étaient entretenus quelques jours auparavant, et une rencontre avait eu lieu entre les deux ministres des affaires étrangères à l’occasion du Conseil Européen sur la géopolitique internationale.

Cette répression est permise par un rapport de force géopolitique entre la Turquie et l’Union Européenne qui considère la principale organisation d’autodéfense du peuple kurde (le PKK) comme une organisation terroriste. Malgré une campagne internationale « Justice For Kurds », qui demandait que le PKK soit supprimé de la liste des organisations terroristes, la Cour de Justice de l’Union Européenne a déclaré que le peuple kurde ne pouvait pas se défendre à l’aide d’armes, une décision on ne peut plus insupportable pour un peuple qui est encore aujourd’hui en première ligne contre les islamistes et qui n’a d’autre choix que les armes pour survivre à la colonisation perpétuelle de son territoire ancestral.

Cette décision converge dans le sens également de l’adhésion de la Finlande et de la Suède à l’OTAN, qui ont accepté la déportation de réfugié·s politiques kurdes comme condition imposée par Erdogan.

LE RÉGIME FASCISTE EN TURQUIE

La Turquie fait partie de l’OTAN. Elle en est un partenaire puissant, privilégié et indispensable. La Turquie est un État animé par une idéologie génocidaire en lien avec l’islam. La Turquie apporte un soutien avéré aux islamistes, en organisant leur évasion des prisons kurdes par exemple, qui se font ensuite le relai de la répression contre les kurdes.

Son projet politique est de purifier son territoire sur des critères religieux et ethniques. Elle a procédé au génocide des arméniens et à de nombreux massacres de masses contre les kurdes et les yézidis. Le peuple kurde a été forcé de prendre les armes pour survivre.

Depuis, la législation antiterroriste turque a minutieusement étendu ses pouvoirs : d’abord contre les guérillas kurdes, puis contre le peuples kurde en général, et enfin contre tout parti d’opposition de gauche. Elle a effectué des purges politiques massives et arbitraires, jusqu’à interdire le principal parti de gauche du pays et d’emprisonner des milliers de ses membres (le HDP). La réponse de la gauche européenne a été très en deçà de ce qu’on aurait pu attendre.

C’est également un pays qui considère officiellement les personnes LGBTQI+ comme des « dégénérés », qui reçoit des milliards d’euros de l’Union Européenne pour « lutter contre l’immigration » (investissements qui se traduisent en achats de matériel militaire et non humanitaire).

Les exemples de terreur d’État en Turquie sont abondamment documentés mais trop nombreux pour être relatés ici. L’Occident est parfaitement complice dans le génocide kurde, principalement permis par l’instauration du Traité de Lausanne il y a 100 ans et la collaboration militaire au travers de l’OTAN.

POURQUOI ÇA VOUS CONCERNE AUSSI ?

« Plus les gouvernements seront discrédités, plus l’adhésion à la politique menée s’effondrera – et elle ne cesse de s’effriter d’année en année -, plus les gouvernements auront recours à l’état d’urgence et à la soi-disant « lutte contre le terrorisme » pour maintenir l’ordre et étouffer dans l’œuf des révoltes toujours plus logiques. »

Ce que tout révolutionnaire devrait savoir sur l’antiterrorisme
– Les inculpé·es de Tarnac –

  • Avec l’affaire du 8 décembre 2020, un cap a été franchi dans la militarisation de la répression. Des personnes ont été emprisonnées pour leurs affiliations – supposées – à une idéologie dite « d’ultragauche » ou de mouvances internationales. L’absence d’une solidarité d’ampleur a laissé les mains libres à Darmanin pour continuer sur cette voie de l’assimilation des opposant·es politiques à du terrorisme. Les expérimentations liberticides se font toujours sur le dos de minorités ou de figures du coupable. La perfection des outils répressifs sur les un·es, permet toujours la répression des autres. La loi de 1936 sur la dissolution des ligues d’extrême droite en est l’exemple le plus clair aujourd’hui. Cette loi créée pour lutter contre le fascisme a été retournée en quelques années contre les mouvements décoloniaux. Autre exemple: le développement du fichage ADN a utilisé l’argument de la lutte contre la pédocriminalité pour l’élargir ensuite à l’ensemble des manifestant.es. Le même argument est aujourd’hui brandi pour surveiller les téléphones des citoyen·nes européen·nes.
  • En matière d’antiterrorisme, la séquence post-2015 a permis un recul des libertés fondamentales inouïe, d’une rapidité sans précédent. Les jurisprudences en matière d’ « association de malfaiteurs terroristes » ont été délirantes. Elles permettent tout et n’importe quoi et sont décriées depuis des années par les défenseur·euses de l’État de Droit. Inversement de la charge de la preuve (ce n’est plus à l’accusation de prouver ce qu’on vous reproche, mais à vous de prouver que c’est faux), répression préventive (arrêté·s avant d’avoir commis quoi que ce soit), présomption de culpabilité (vous êtes puni·es avant même d’avoir été jugé·es), etc.
  • Personne n’a intérêt, à gauche, à laisser ancrer dans le Droit et l’opinion publique que des militant·es partenaires des mouvements sociaux et des luttes écologistes sont des terroristes. Les opinions politiques des camarades inculpé·es sont criminalisées dans le but bien précis d’assimiler à une menace terroriste l’idée même de Révolution. Les inculpé·es de Tarnac analysaient déjà à leur époque que la définition légale du terrorisme étant très vague, elle permet d’y faire entrer ce qui constitue inévitablement… une révolution.
  • La stratégie sécuritaire tend à criminaliser le militantisme. Celleux qui transgressent les lois sont traités comme des criminels afin de dépolitiser leurs actes. C’est un phénomène récent, alors que les délits politiques étaient considérés comme tels il y a quelques décennies encore. L’antiterrorisme est l’étape supérieure à cette dynamique, elle fait rentrer l’activisme radical dans le panel des « menaces à la sécurité intérieure » qui tendrait au terrorisme si rien ne l’arrête.Cela permet le déploiement de moyens militaires contre de simples sabotages matériels (comme on vient de le voir avec les Soulèvements de la Terre, mais la SDAT avait déjà mené des opérations contre d’autres camarades : Ivan, Inculpé.es du 15 juin Limousin, etc.).
  • Le développement de la répression administrative (dont politique et expéditive) est très dangereux. On assiste à un usage sans précédent de mesures administratives : interdictions de territoire, assignations à résidence, OQTF, MICAS, etc. Des militants de pays voisins ont été jetés en CRA ces derniers mois. Ces mesures permettent de réprimer des activistes sur de simples « notes » du Ministère de l’Intérieur.
  • Il y a quelques années encore, réprimer des militants parce qu’ils auraient peut-être envisagé de s’organiser un jour pour mener des actions était de l’ordre de la dystopie. Même les actions violentes étaient traitées de manière moins virulente dans les médias il y a 40 ans. Baser des accusations sur les simples notes des services de renseignement est très grave. Ces services sont protégés par le Secret-Défense, ils peuvent allègrement mentir, ça a toujours fait partie des techniques utilisées par les services secrets. Que la Justice ne prenne aucun recul ni précaution envers des accusations secrètes ; alors que les inculpé·es dénoncent avec force et minutie les mensonges, manipulations et inventions pures de la DGSI ; est très inquiétant pour l’avenir des luttes sociales en France.
  • Une idée fausse existe au sein des milieux militants aujourd’hui, qui consiste à penser que les mesures d’exception telles que l’antiterrorisme ne viseraient que des personnes réellement dangereuses. Cette idée témoigne d’une incompréhension de la dynamique à l’œuvre : la militarisation de l’État. La mise au pas de la population est indispensable au bon fonctionnement d’un régime militaire. Dans ce régime, il n’y a pas de place à l’opposition (qu’elle soit politique ou religieuse). Le moindre grain de sable dans les rouages devient une menace.
  • Les cibles de la DGSI sont aussi des journalistes ou des syndicalistes. Des membres de la CGT EDF ont été arrêtés par la DGSI et traités en criminels. Dans le cadre d’un mouvement de grève ils ont été mis en examen pour cybercriminalité. La DGSI cible également des journalistes, lorsque des révélations sont faites sur des enjeux géopolitiques par exemple. En 2018, les révélations sur l’usage des armes vendues par la France dans le guerre au Yémen avait mené à des intimidations dénoncées par de nombreux journalistes commes des « atteintes à la liberté d’informer ».

Aujourd’hui, en brandissant la menace de complots imaginaires, procédé tristement connu, la France s’enfonce davantage dans le camp des régimes illibéraux.

Plus que jamais nous devons faire front, pour lutter contre la judiciarisation des idées politiques d’émancipation et la criminalisation de l’action politique.

Ils veulent nous terroriser, on se laissera pas antiterroriser !

Solidarité avec toutes les cibles de la répression !

CHRONOLOGIE DE L’AFFAIRE

 ESPIONNAGE DE LIBRE FLOT PAR LA DGSI
2018 – 2020

Une surveillance a été mise en place contre notre ami Libre Flot dès son retour du Rojava, comme pour beaucoup de volontaires internationalistes. « Un camarade parti en vacances en Amérique du Sud se retrouvait accusé d’avoir essayé de nouer des contacts avec une guérilla colombienne, un autre fréquentant la ZAD aurait prétendument tiré une fusée éclairante sur un hélicoptère de la gendarmerie, des dégradations d’antennes téléphoniques, de bornes Vélib ou de fourgons de police nous étaient également associées. Ces fables anxiogènes, parfaitement déconnectées de toute réalité, venaient confirmer ce que nous savions déjà : jusqu’à ce qu’il ait trouvé le coupable idéal, le ministère de l’Intérieur ne renoncerait pas à l’entreprise de diabolisation dont nous faisions l’objet. »

Il y a de fortes raisons de penser que Libre Flot était déjà sous le coup de plusieurs techniques de renseignement : à minima la géolocalisation et sonorisation de son véhicule d’habitation.

ENQUÊTE PRÉLIMINAIRE
7 février – 20 avril 2020

Le 7 février 2020, la DGSI déballe sa mélasse d’accusations « secret défense » dans un « rapport de judiciarisation » qu’elle transmet au PNAT. Ce dernier, qui adore les notes blanches, saute à pied-joint dedans. Le jour même, Benjamin CHAMBRE (1er vice procureur) se saisit de l’affaire et requière auprès d’un JLD l’usage des moyens de surveillance les plus intrusifs. Ils seront accordés immédiatement par la JLD Anne-Clémence COSTA.

Des micros dans un camion habité, des interceptions téléphoniques, géolocalisations en temps réel, IMSI catching, filatures, etc.

Ces deux mois permettent à la DGSI d’obtenir suffisamment d’éléments pour qu’une information judiciaire soit ouverte.

INFORMATION JUDICIAIRE
avril – décembre 2020

Il se passe pas grand-chose, des techniques sont mises en œuvre mais les inculpé·es font leur vie chacun·e de leur côté.

ARRESTATIONS & INCARCÉRATION
8 décembre 2020 – 7 avril 2022

8 décembre 2020

À 6h du matin, différentes unités d’élite sous la houlette de la DGSI (GAO, RAID) interpellent simultanément neuf personnes aux quatre coins de la France : Toulouse, Rennes, Vitry-sur-Seine, Cubjac (Dordogne), Plestin-les-grèves (Finistère). Les portes sont enfoncées, des dizaines de robocops sur-armés et cagoulés s’engouffrent dans chaque domicile. Les démineurs et la brigade canine sont aussi présents.

Des perquisitions ont lieu toute la journée, jusqu’à 12 heures d’affilée pour certaine.s inculpé.es. Humiliations, violences, les perquisitions s’étendent aux familles des personnes arrêtées.

Les neuf personnes interpellées sont emmenées dans les cellules de la DGSI à Levallois-Perret de différentes manières : entravé·es dans une camisole et cagoule sur la tête, embarqué.es en voiture pour certain.es ; menottée et masque de ski opaque sur les yeux, transportée en train pour l’une ; menottés avec trajet en avion pour d’autres. Tous les moyens sont déployés dans cette opération d’envergure.

S’en suivent alors 4 jours de garde à vue avec de nombreuses auditions. Menaces, insinuations, manipulations, privation de sommeil, de nourriture, transformation et omission dans les procès-verbaux des déclarations des auditionné·es de tout ce qui décrédibilisait le scénario de la DGSI. Des mensonges sont proférés en « off » pour certain·es, afin d’influencer leurs réponses et donner matière à l’accusation.

Deux personnes sont libéré·es sans charge à l’issue de la garde à vue, les sept autres sont inculpé·es et déferré·es devant un juge d’instruction antiterroriste, Jean-Marc Herbaut.

Le contrôle judiciaire est prononcé pour deux d’entre elleux et les cinq autres sont incarcéré·es le 11 décembre 2020 dans cinq prisons différentes d’Île-de-France, sous le statut DPS (détenu·e particulièrement signalé). L’un d’entre-elleux est placé en isolement total.

8 février 2021

Nouvelles interpellations à 6h du matin chez deux personnes à Ustaritz (Euskal Herri) et Festalemps (Dordogne) par le RAID, sur ordre de la DGSI. Pour l’une d’entre-elles, la porte de son studio est pulvérisée. Elle est braquée par des flingues, menottée dans son lit puis emmenée pour 3 jours de GAV. A l’issue de leur garde à vue, elles seront toutes deux libérées sans charges retenues contre elles.

Mars 2021

Le placement à l’isolement de Libre Flot est reconduit pour 3 mois.

Le juge d’instruction, Jean-Marc Herbaut, ordonne une dérogation qui donne à la DGSI carte blanche pour auditionner tout l’entourage des inculpé.es (famille, amie.s, collègues…). Cette dérogation ne prendra fin qu’en novembre 2022, au moment de la clôture de l’instruction.

23 avril 2021

Après un nouveau passage devant le juge d’instruction, la demande de mise en liberté (DML) est acceptée pour deux inculpé·es, alors emprisonné.es à la maison d’arrêt des femmes de Fleury-Mérogis et à la maison d’arrêt d’Osny.

Iels sont libéré.es sous contrôle judiciaire strict. Iels auront passés plus de 4 mois derrière les barreaux, sous le statut DPS, avec une période d’isolement total (pas de contact avec d’autres détenues) pendant plusieurs semaines pour l’une d’entre elleux.

Les demandes de liberté des autres inculpés toujours incarcérés sont refusées. L’appel auprès de la cour d’appel de Paris est refusé éga lement. Ils sont encore trois en prison.

Juin 2021

Le placement à l’isolement de Libre Flot est reconduit pour 3 mois, malgré les séquelles psychiques et physiques qui ne font que s’accentuer.

Septembre 2021

Le placement à l’isolement de Libre Flot est de nouveau reconduit pour 3 mois.

Une nouvelle arrestation a lieu, une personne est interpellée à son arrivée sur le territoire français après plusieurs mois passés à l’étranger. Bien qu’elle ai attesté plusieurs fois sa volonté d’être auditionnée auprès de la DGSI et du juge d’instruction, elle sera arrêtée à l’aéroport dès son arrivée et passera 2 jours en garde à vue à la DGSI, puis sera relâchée sans charges.

15 octobre 2021

La DML d’un inculpé encore derrière les barreaux est acceptée. Il est libéré sous contrôle judiciaire strict (obligation de travailler, limité

à un seul département pour se déplacer, pointage deux fois par semaine au commissariat). Plus que deux au trou !

Décembre 2021

Eric Dupont-Moretti, ministre de la Justice, reconduit la mise à l’isolement du dernier inculpé (Libre Flot) derrière les barreaux. Après 12 mois d’isolement, il revient au ministre de la Justice de prendre la décision de reconduction. La situation de Libre Flot est de plus en plus critique.

Retour du dossier des nullités déposé par les avocat.es quelques mois plus tôt. Toutes les nullités (reposant sur la non-proportionnalité dans l’emploi des techniques de surveillance, sur des erreurs de procès verbaux et autres magouilles) sont catégoriquement refusées.

27 octobre 2021

Le parquet national anti-terroriste (PNAT) a fait appel de la décision du juge pour la libération de l’inculpé sorti de prison 5 jours plus tôt. Rendez-vous est fixé au 27 octobre 2021, devant la Cour d’Appel de Paris, pour savoir si la libération est maintenue ou si il devra retourner en taule. La Cour d’Appel confirme la décision du juge des libertés, il reste « libre » !

05 novembre 2021

L’inculpé emprisonné à Fleury-Mérogis est libéré sous contrôle judiciaire strict (pointage une fois par semaine, rdv SPIP et psy obligatoires une fois par mois, limite de déplacements à trois départements de la région parisienne). Le PNAT ne fait pas appel, ce coup-ci…

27 février 2022

La DML de Libre Flot est refusée, malgré un dossier de faisabilité de bracelet électronique validé par les SPIP (services pénitentiaires d’insertion et de probation) dans deux départements différents.

Il entame une grève de la faim et explique ses revendications qu’il publie dans un texte. Il envoie quotidiennement des demandes de remises en liberté.

Mars 2022

Dupont-Moretti reconduit l‘isolement alors que Libre Flot est en grève de la faim.

24 mars 2022

Après 25 jours de grève de la faim, Libre Flot est hospitalisé et transféré à l’hôpital pénitentiaire de Fresnes. Il attendait cette hospitalisation médicale pour avoir accès directement à des médecins et aux soins nécessaires.

Ses avocats apprendront quelques jours plus tard que la levée de son régime d’isolement s’est faite le jour du transfert à l’hôpital. Néanmoins malgré la levée de son isolement il n’a pas le droit d’aller à la promenade car il est trop faible. Il obtient également le droit de communiquer avec l’une de ses coaccusé·es.

Cela ne met pas fin à sa grève de la faim puisque son unique revendication est bel et bien la fin de son incarcération. Son état de santé devient critique : il a perdu 16 kilos et est désormais sous perfusion.

04 avril 2022

Une journée internationale de soutien à Libre Flot est organisée : de nombreux rassemblements ont lieu en France (Lille, Albi, Paris, Toulouse, Limoges, Strasbourg, Rennes et d’autres villes encore), mais aussi dans de nombreux pays d’Europe (Grèce, Suisse, Allemagne, Angleterre, Ukraine, Portugal, Danemark, Finlande…) et au Rojava.

Il décide ce même jour à 18h de stopper sa grève de la faim.

07 avril 2022

C’est avec un grand soulagement que les proches et soutiens apprennent le transfert de Libre Flot dans un hôpital civil de la région parisienne, car il risquait sa vie à tout instant.

Ses médecins s’inquiétant de ne pouvoir assurer son suivi médical ont demandé son transfert dans un autre hôpital. Pour cela il fallait négocier avec la justice pour lui permettre de quitter les services pénitentiaires. Le juge d’instruction accepte après négociation avec les avocat.es sa libération pour raison médicale.

Il est libéré sous bracelet électronique avec une période de réadaptation dans un hôpital spécialisé dans la nutrition.

CLÔTURE INSTRUCTION
août – novembre 2022

26 août 2022

Jean Marc Herbaut, juge d’instruction, met fin à l’information judiciaire du dossier 8 décembre 2020. Cela met fin à la commission rogatoire qui permettait à la DGSI d’user « de tous les moyens à leur disposition » pour harceler les inculpé·es et leurs proches.

Cela signifie aussi que le dossier se clôt, laissant un délai de 3 mois aux inculpé·es et à leur Défense d’apporter les derniers éléments (demande d’actes, etc.). Passé ce délai, ce sera au PNAT de faire ses réquisitions.

28 septembre 2022

Le juge accepte le retrait du bracelet électronique pour Libre Flot. Il reste néanmoins en contrôle judiciaire strict, comme les autres inculpé.es (obligation de travail, limité dans ses déplacements à un département, pointage une fois par semaine).

Novembre 2022

De nombreux allègements de CJ ont été faits, surtout en ce qui concerne l’élargissement des zones de déplacement. Une nouvelle demande de communiquer entre deux inculpés a été accepté.

Le PNAT requiert le tribunal correctionnel et non les assisses pour le procès.

PRÉPARATION DU PROCÈS
jusqu’à octobre 2023

04 avril 2023

Pendant son incarcération, Libre Flot a fait de nombreux recours contre son isolement carcéral. L’audience devant le tribunal administratif de Versailles se déroule le 4 avril. L’isolement est reconnu illégal et l’État condamné à 3000€ de dommages et intérêts.

En espérant que cela fasse jurisprudence, bien qu’on doute de l’impact réel sur l’administration pénitentiaire quand on voit la volonté à faire traîner ce genre de procédure.

04 juillet 2023

Audience de fixation. C’est la première fois depuis presque trois ans que les inculpé·es se voient. C’est aussi la première fois qu’iels rencontrent le PNAT et la Juge qui présidera le procès. Iels demandent que l’interdiction de communiquer soit levée et que les CJ soient élargis. Tout est refusé en bloc par la Juge.

Vérité et justice pour Safyatou, Salif et Ilan

En appel à la mobilisation contre les violences policières, le racisme systématique et les libertés publiques qui se déroulera le samedi 23 septembre 2023 au départ de gare du nord a 14h, nous décidons aujourd’hui de vous diffuser une partie des prises de paroles que nous avons enregistré lors de la soirée du 13 septembre 2023, à la Flèche d’or, organisé par le comité Vérité et justice pour Safyatou, Salif et Ilan.


Dans la nuit du 13 avril, le scooter de ces enfants du 20ème arrondissement de Paris a été percuté volontairement par une voiture de police, provoquant leur chute. Dès le départ, les policiers ont menti et tenté de camoufler cet acte délibéré en accident de la route, contredit pourtant par plusieurs témoins qu’ils ont essayés de faire taire par la menace et l’intimidation. Après révélation des faits et publication des témoignages dans la presse, le conducteur du véhicule a été mis en examen pour « violences avec arme par personne dépositaire de l’autorité publique » et « faux en écriture publique » par un juge d’instruction. Il a alors été placé sous contrôle judiciaire avec l’interdiction d’exercer son métier, ainsi que d’entrer en contact avec les victimes et les témoins. Mais quid des trois autres membres de l’équipage ? L’acte criminel des policiers a des conséquences gravissimes sur les enfants, sur leur santé physique et morale, leurs possibilité d’étudier, de faire du sport, etc.
Un comité de soutien s’est organisé pour aider Safyatou, Salif et Ilan, leurs familles et leur entourage à obtenir vérité et justice. Cela passe par une solidarité active au quotidien et aussi par une cagnotte afin de faire face à des dépenses (frais avocats et justice, dépenses santé, psychologues…). Mais aussi, pour mener des campagnes de communication pour obtenir vérité et justice.

LES COMPARUTIONS IMMÉDIATES

Le 27 juin 2023, Nahel 17 ans, est tué par la police au cours d’un contrôle routier. Le soir même, les quartiers populaires de plusieurs villes de France se soulèvent. Plus de 40 000 membres des forces de l’ordre sont déployés, dont des unités d’élite (BRI, RAID, GIGN). Le rouleau compresseur de la justice de classe s’abat contre la jeunesse des quartiers populaire.

Dans cette émission, nous allons revenir sur ses questions. En fin d’émission, nous serons avec Jamel, habitant de longue date de Nanterre, qui a suivi les comparutions immédiates suite aux révoltes après la mort de Nahel.

En seconde partie d’émission, nous entendrons l’entretien réalisé avec deux membres du blog la Sellette et qui ont suivi des audiences de comparution immédiates.

Et nous débutons avec la conférence de presse, donné le mardi 5 septembre 2023 par le collectif justice pour adama, suite au non-lieu prononcé pour les trois gendarmes impliqués dans l’interpellation mortelle d’Adama Traoré en juillet 2016

Marche unitaire contre les violences policières, le racisme systémique et pour les libertés publiques aura lieu le samedi 23 septembre 2023 à Paris 14 h 30 départ Gare du Nord Place Napoléon III

JUSTICE D’ABATTAGE POUR LES RÉVOLTÉ⋅ES

LA SELLETTE : CHRONIQUE DE LA VIOLENCE JUDICIAIRE

Pour réprimer les mouvements sociaux, le gouvernement dispose d’un outil judiciaire particulièrement efficace : la comparution immédiate (CI). Cette procédure rapide permet aux procureur⋅es de faire juger une personne tout de suite après sa garde à vue. D’abord prévue pour être utilisée exceptionnellement parce qu’elle porte gravement atteinte aux droits de la défense, elle se généralise à la fin du XXe siècle (sur cette généralisation, lire notre histoire des comparutions immédiates, partie 1 et partie 2). La justice y recourt habituellement pour les prévenu⋅es qu’elle juge inquiétants, celles et ceux qui ont un casier judiciaire, ou bien qui, selon elle, risquent de partir en cavale faute d’être retenu⋅es par un travail, une famille ou un logement fixe (c’est-à-dire faute de « garanties de représentation », selon l’expression de l’institution). Mais dans les contextes de mouvements sociaux, la CI peut être utilisée bien plus largement. À cet égard, la répression judiciaire des soulèvements de 2005 constitue un précédent important.

Le 27 octobre 2005, Zyed Benna et Bouna Traoré trouvent la mort à Clichy-sous-Bois en voulant échapper à la police. C’est le début d’un véritable soulèvement des quartiers populaires en France. S’ensuivent vingt-deux jours de révolte, qui font l’objet d’une surenchère politique et médiatique célébrant la réactivité de l’appareil répressif. Le ministre de la Justice Pascal Clément communique tous les jours sur le traitement judiciaire des émeutiers. Le 9 novembre, en visite au tribunal d’Évry, il demande aux magistrat⋅es de recourir à la comparution immédiate, mais surtout d’avoir une « politique de communication dynamique » :« Je souhaite que les décisions les plus emblématiques, soit parce qu’elles sont sévères, soit parce qu’elles concernent des faits qui ont marqué nos concitoyens, soient systématiquement portées à la connaissance des médias et des élus. »

Le 14 novembre, il se vante dans une conférence de presse : 622 personnes ont été jugées en comparution immédiate ou le seront prochainement. En quinze jours, le tribunal de Bobigny en juge 115 à lui seul. Contrairement à ce qui est assené par le gouvernement depuis le début du mouvement, la plupart des prévenu.es n’ont aucun antécédent judiciaire, ils disposent d’un logement, parfois d’un travail, ils ont une famille — autant d’éléments censés normalement leur épargner la comparution immédiate, et à plus forte raison l’incarcération. Pourtant, le 23 novembre, sur l’ensemble du territoire, 422 personnes ont été condamnées à des peines de prison ferme, généralement entre six mois et un an.

En novembre 2005, la procédure de comparution immédiate démontre ainsi sa capacité à réprimer massivement, en temps réel, un mouvement social, tout en permettant au gouvernement de communiquer sur sa fermeté. Et une fois cette capacité bien établie, il s’agira par la suite de la mettre en œuvre dans de nouveaux contextes : luttes contre le « contrat première embauche » (CPE) dès l’année suivante, contre la « loi travail » en 2016, mouvement d’occupation des places Nuit debout la même année, à chaque mouvement social, le ministre transmet des consignes aux procureur⋅es, qui sont ses subordonné⋅es. Par le biais de circulaires, il leur demande d’utiliser la comparution immédiate pour une répression ferme. Le traitement judiciaire du mouvement des « gilets jaunes », entre novembre 2018 et fin 2019, en est un exemple marquant. Selon le bilan de la chancellerie, 3 100 « gilets jaunes » ont été condamné⋅es, dont un millier à des peines de quelques mois à trois ans de prison ferme. La procédure de comparution immédiate y a pris une bonne part.

En 2023, deux importants mouvements sociaux ont agité le pays : la lutte contre la réforme des retraites et les soulèvements des quartiers populaires après la mort de Nahel Merzouk. Si, dans les deux cas, la procédure de comparution immédiate a été mobilisée, le nombre de personnes à y avoir été envoyées et le taux d’incarcération sont très différents.

Le 16 mars, après deux mois d’importantes mobilisations contre le report de l’âge légal de départ à la retraite, le gouvernement décide de le faire passer en force en activant l’article 49.3 de la Constitution. Deux jours plus tard, le ministre de la Justice adresse une dépêche à ses procureur⋅es, les appelant à la fermeté. En un mois, plus d’une centaine de manifestant⋅es sont poursuivi⋅es devant les chambres de comparution immédiate. Si le recours à cette procédure expéditive est en soi une violence judiciaire, la plupart de ces manifestant⋅es échappent à l’incarcération. Certain⋅es magistrat⋅es ont tenu à s’en expliquer : à Toulouse par exemple, après le procès de cinq manifestant⋅es, la présidente a justifié les peines avec sursis par « le très bon profil » des prévenu⋅es : logement, insertion professionnelle ou études… (Lire Les manifestant⋅es contre la réforme des retraites en comparution immédiate, sur LaSellette.org.)

Le 27 juin 2023, Nahel Merzouk, 17 ans, est tué par la police au cours d’un contrôle routier. Le soir même, les quartiers populaires de plusieurs villes de France se soulèvent. Plus de 40 000 membres des forces de l’ordre sont déployés, dont des unités d’élite (BRI, RAID, GIGN).

Trois jours plus tard, Éric Dupond-Moretti, ministre de la Justice, diffuse une circulaire aux services du parquet demandant classiquement une réponse pénale rapide, ferme et systématique à l’encontre des révolté.es. Comme en 2005, il demande aux procureur⋅es de communiquer sur la répression : « Il est en effet important que soit connue la réponse de la Justice à des faits que nos concitoyens considèrent comme des atteintes graves à leur sécurité et qui leur causent parfois des dommages très lourds dans leur cadre de vie quotidien. » Plusieurs procureur⋅es vantent donc l’efficacité de leurs services sur les réseaux sociaux et l’ensemble de la presse diffuse tous les jours les chiffres d’arrestations et d’incarcérations fournis par les ministères de l’Intérieur et de la Justice.

La circulaire demande aussi aux tribunaux d’ouvrir de nouvelles salles d’audience pour pouvoir juger — y compris le week-end — les très nombreuses personnes arrêtées depuis la mort du jeune homme. Le message est passé. À Grenoble, par exemple, deux audiences de comparutions immédiates sont ouvertes le dimanche 2 juillet pour juger une trentaine de personnes jusqu’après minuit.

Quelques jours après l’envoi de cette circulaire, Dupond-Moretti se félicite devant l’Assemblée nationale de l’obéissance des procureur⋅es : « Je dois dire que l’encre de la circulaire était à peine sèche que déjà les procureurs la mettaient en œuvre et je veux ici de manière solennelle leur rendre hommage parce qu’ils ont été au rendez-vous de la justice. »

Il tient aussi à féliciter les juges, qui, pourtant, ne sont pas sous son autorité hiérarchique, contrairement aux procureur.es : « De la même façon, je veux rendre hommage aux magistrats du siège et aux greffiers qui pendant des heures et des heures ont répondu à ces exactions insupportables. […] Bien naturellement, la justice a été au rendez-vous de la fermeté que j’appelais de mes vœux. »

De fait, le 5 juillet, le ministère de la Justice annonçait avoir fait incarcérer 448 personnes sur les 585 passées en CI.

Pourtant — comme en 2005 —, la plupart des personnes jugées avaient un casier vierge et des garanties de représentation, ainsi que l’ont rapporté de nombreux témoins de ces audiences (par exemple Salle 5, à Grenoble, Rafik Chekkat, à Marseille, dans ce fil Twitter, ou Mediapart).

Autrement dit, leur profil judiciaire n’est pas si éloigné de celui des manifestant⋅es contre la réforme des retraites. Mais la distance sociale qui les sépare des gens de justice est bien plus grande :

Yamadou a un casier judiciaire vierge et il travaille. Il a arrêté ses études en seconde. « C’est dur de s’en sortir de là d’où je viens », tente-t-il d’expliquer. Une juge le coupe sèchement : « La première des choses, quand on veut s’insérer, c’est d’avoir des diplômes ! » Rarement planètes ont paru aussi éloignées. (Aux comparutions immédiates : « Bêtement, j’ai pris le mortier. Je voulais l’allumer, comme je l’avais jamais fait », Mediapart.)

Au-delà des propos tenus à l’audience, l’ignorance et le mépris des magistrat⋅es se mesure à la sévérité des peines prononcées, également influencées par la volonté de faire des exemples dans un contexte perçu comme critique :

Le procureur réclame une peine de huit mois de prison, avec mandat de dépôt, « au vu du contexte », « de la gravité des faits » et « pour dissuader les autres ». (Aux comparutions immédiates : « Bêtement, j’ai pris le mortier. Je voulais l’allumer, comme je l’avais jamais fait », Mediapart.)

La brutalité de de la répression judiciaire est au diapason de la réprobation quasi unanime que suscite ce soulèvement. Une large part de la classe politique a exprimé son dégoût, et bien souvent son racisme en parlant des « émeutiers ». Le président des Républicains, Éric Ciotti, demande une « réponse pénale implacable » : « Il faut des incarcérations quasi systématiques, des comparutions immédiates, que ces barbares soient mis hors d’état de nuire. » (Éric Ciotti estime qu’un « cap a été passé » dans un climat de « guérilla urbaine », Les Échos). Très à l’aise dans cette ambiance, le président du groupe LR au Sénat, Bruno Retailleau, déclare sur France info le 5 juillet : « Certes, ce sont des Français, mais ce sont des Français par leur identité. Malheureusement, pour la deuxième, la troisième génération, il y a comme une sorte de régression vers les origines ethniques. » (Après les émeutes urbaines, l’inquiétante dérive de la droite républicaine, Le Monde)

La pression policière sur l’institution judiciaire a elle aussi été considérable : Alliance Police nationale, syndicat majoritaire, produit une série de tracts exigeant le respect de la présomption d’innocence pour le meurtrier de Nahel Merzouk et une « réponse pénale à la hauteur de la situation insurrectionnelle » pour les « nuisibles » et les « hordes sauvages ». La rhétorique martiale est assumée : « Aujourd’hui, les policiers sont au combat, car nous sommes en guerre. »

Le personnel judiciaire a enchaîné les heures supplémentaires pour faire face « à cette charge temporairement accrue d’activité » — pour reprendre l’expression pudique du garde des Sceaux. Certain⋅es se sont d’ailleurs félicité⋅es dans la presse de cette grande souplesse, à l’instar du procureur de Créteil : « Tout le monde s’est très vite porté volontaire, on a mis en place un système de brigades. En une heure, treize magistrats, soit un tiers du parquet, répondaient présent » (Face aux émeutes, la justice a dû s’adapter dans l’urgence pour répondre à l’afflux des dossiers à traiter, Le Monde).

D’autres sont allés encore plus loin : adhérant à l’idée d’une république en péril, FO Justice a proposé de suspendre la grève des greffiers « dans le but de faire respecter le droit et la démocratie » :

Le pays a besoin aujourd’hui d’apaisement et d’un retour à l’ordre républicain qui ne peut se faire sans la mobilisation de l’ensemble des personnels du ministère de la Justice sur le terrain. (Communiqué Contexte actuel et responsabilité.)

Une fois de plus, la comparution immédiate a montré sa capacité à juger et incarcérer des centaines de personnes en quelques jours lorsque le gouvernement l’estime nécessaire. Les magistrats se tournent déjà vers l’avenir. Le procureur de Bobigny voit cet épisode comme un galop d’essai réussi : « Ces jours de violences ont, en tout cas, été une sorte de test grandeur nature à un an des Jeux olympiques qui auront lieu à Paris à l’été 2024. »

Contre-rendu des comparutions immédiates suite aux révoltes après la mort de Nahel

⚫️ chef d’accusation : Vol par effraction

Circonstance aggravante : en association

Peine maximale encourue : 7 ans d’emprisonnement.

🟡 Les faits : pas évoqués en détails, les prévenus demandent un délai, l’audience est renvoyée.

🕑 Renvoi du jugement au :

8 août 2023, 14h

5ème chambre

Tribunal judiciaire de Versailles

Tous maintenus en détention provisoire à la Maison d’arrêt de Bois d’Arcy

📍 Affaire Darty de Vélizy-Villacoublay, révolte du 1/7/2023

👤 5 prévenus

H, ?, en apprentissage 

H, 19 ans, en intérim 

H, 19 ans, à la mission locale

H, 19 ans, en recherche d’emploi, inscrit à la mission locale 

H, 21 ans, brancardier 

🔘 chef d’accusation : vol par effraction 

Circonstance aggravante : ?

Peine maximale encourue 10 ans d’emprisonnement 

🟡 Les faits : pas évoqués en détails, les prévenus demandent un délai, l’audience est renvoyée.

🕑 Renvoi du jugement au :

10 août 2023, 14h

5ème chambre

Tribunal judiciaire de Versailles

Tous maintenus en détention provisoire à la Maison d’arrêt de Bois d’Arcy

RENVOIS 

Versailles

08/08 – 14h Chambre 5

10 août – 14:00

Bobigny

03/04 – 13 h 30  ? 

04/08 – 13h30 ?

Paris

19/07 – 13h ?

04/08 – 13h ?

10 août 2023 a 13h30 23e chambre section 2

Créteil

Évry

19/07 – 13h30

11/01/24 (pour dommages et intérêts)

Pontoise

Audience relai 26/07/2023 

Renvoi 08/01/2024

Déjà 350 personnes en taule (chiffre du gouvernement)

Audiences Pontoise 4/07

CI salle 2 ou 3 à partir de 13h30

9 personnes jugées pour des affaires liées aux émeutes (dont 7 dans la même affaire)

Sept personnes jugées pour vol aggravé en réunion et dégradation (+2 mineurs). Carrefour et opticien de Deuil la Barre (les procédures pour le carrefour et l’opticien sont rejointes pour certains). 6 en Détention Provisoire et 1 en contrôle judiciaire

Interpellations dans le magasin et exploitation des vidéos du magasin et des téléphones (messages snap) 

1) aucune mention au casier, dossier vide (on ne le reconnait pas sur les vidéos.) Il reconnait être sur place mais pas le vol

Réquisition : 18 mois fermes dont 4 mois en sursis probatoire avec obligation de travail et interdiction de la place du carrefour

Rendu : 12 mois avec bracelet, obligation de travail et interdiction de la place du carrefour

2) accusé de vol aggravé et dégradation.  

 : 18 mois fermes dont 4 mois en sursis probatoire

Rendu: 12 mois avec bracelet, obligation de travail et interdiction de la place du carrefour

3)  accusé d’avoir dégradé la vitrine pour rentrer et vol

Réquisition : 2 ans fermes

Rendu : 12 mois ferme

4)accusé de vol mais pas dégradation. Il a 15 mentions au casier dont vol aggravé

Requis: 30 mois fermes

Rendu: 18 mois fermes dont 8 avec sursis probatoire

5)le plus âgé, 27 mentions au casier et une obligation de soin 

Réquisition : 24 mois fermes

Rendu: 12 mois fermes

6) réquisition : 10 mois fermes

Rendu: 12 mois avec bracelet, obligation de travail et interdiction de la place de la nation 

7) il a 18 ans et un mois, le seul sous contrôle judiciaire. Pas de mention au casier

Réquisition : 6 mois avec bracelet

Rendu : 6 mois avec bracelet

CR DE DEUX COMPAS D’HIER APRÈM

 (mardi 4 juillet) À BOBIGNY, salle 4

🛑 1e comparution, vers 16 h : jeune homme. Casier vierge. 

➡️ Ce qui lui est reproché : dégradation en réunion par moyens dangereux.

➡️ Contexte : Dégradation, incendie, invasion du commissariat de Villepinte. 

Vidéo où on voit la personne interpellée en train de dégrader une poubelle.

Juge humiliante, méprisante. Répète tout le temps que la personne a des “problèmes intellectuels”, l’humilie sur son travail (en ESAT), fait une leçon de morale à la salle sur ce qu’est un métier utile à la société (médecin, policier ou magistrat par exemple, la salle rit), sur le fait que ses parents (présents) doivent avoir honte, sur le fait qu’il habite encore chez ses parents.

Question à la personne : pourquoi vous avez fait ça ? Par rapport à Nahel ?

-Sa réponse : oui

-c’est quoi le rapport ? 

-le venger

-je comprends pas en quoi ça le venge

-Ce qu’il s’est passé, c’est une injustice. Le seul moyen de se faire entendre, c’est la violence. 

➡️ Réquisition de la procureure : 12 mois : six mois ferme et six mois sursis simple. Interdiction de détenir et de porter une arme pendant trois ans.

Nouvelles leçons de morales avec phrases du genre, je cite : ces révoltes “ça touche les bases fondamentales de l’état”, les décisions de la justice dans ce contexte se doivent de “faire régner l’ordre dans la société”.

Dit que la personne ne comprend pas “ce que pourrait comprendre un élève de 6e” 

➡️ Son avocate, commise d’office, ne sert à rien. Elle l’enfonce juste (“mon client a des problèmes intellectuels”, on comprend vaguement qu’il a peut-être des problèmes psy) et survole la question de la raison politique de l’action de la personne. Regarde son tel pendant les réquisitions de la procureure. Demande un sursis probatoire, un suivi psychiatrique (“vu la manière dont il exprime sa colère”) et un stage de citoyenneté “parce que tout le monde n’a pas le même parcours”.

➡️ Décision de la juge : 6 mois de ferme avec mandat de dépôt et interdiction de port/détention d’arme pendant 3 ans (elle dit “vu votre faiblesse intellectuelle, je vous donne une peine claire, facile à comprendre”)

Peu de keufs à l’audience, groupe de 4/5 qui passe de temps en temps

🛑2ᵉ comparution, vers 17 h : 2 jeunes hommes

➡️ Ce qu’on leur reproche : 

1e : violences sur PDAP (2 keufs) avec usage d’arme (en l’occurrence mortier) en réunion. À un casier

2e : participation a un attroupement en vue de. Pas de casier

➡️ Violence qu’ils ont subi de la part des keufs :

1e : a reçu un tir de LBD

2e : 2 dents cassées 

➡️ Contexte : manif à Pierrefitte sur Seine, 20 personnes. Tirs de mortiers contre les keufs pendant leur patrouille. 

➡️ Réquisition procureur : 

1e : 10 mois ferme + interdiction de port et détention d’arme pendant trois ans. Interdiction du 93 pendant 2 ans (habite dans un département limitrophe) 

➡️ Avocat des keufs demande 500€ + 588€ par keuf (donc x2). Dit juste que les mortiers c dangereux

➡️ Avocat très ironique, dans la représentation. Démonte en règle le dossier : plein de vices de procédure (2 PV d’interpellation dont 1 rédigé après l’interpellation, avec bcp plus de détails sur la description physique des personnes ou la couleur du briquet prétendument utilisé, alors que la description des personnes dans le 1e PV c’est juste “des individus cagoulés vêtus de sombre”, pas de mention du briquet. Pas de PV de fouille alors qu’on dit qu’un briquet rouge a été utilisé pour allumer le mortier. Aucune trace du mortier). 

Le récit ne tient pas non plus : au moment où ils sont interpellés, ils étaient prétendument en train d’allumer un mortier avec un briquet rouge. Mais il faisait nuit,il y avait plein de gens qui couraient dans tous les sens, les keufs qui les ont interpellés étaient en voiture, de loin : comment ont-ils pu voir que c’étaient eux deux parmi les 20 qui ont allumé le mortier, comment ils peuvent savoir que c’était avec un briquet rouge ?

L’avocat insiste sur le côté absurde de ce qui leur est reproché : oh la la, ils ont une cagoule, oh la la, ils ont des gants, oh la la, ils avaient des vidéos des émeutes sur leur tel (sur les réseaux sociaux, mais ils n’envoient aucun msg pendant les faits) mais lui l’avocat, il habite dans le 17ᵉ, et personne ne lui reprocherait des violences parce qu’il a des gants de scooter / une tenue trop chaude pour l’été / qu’il regarde Twitter où il y a des vidéos d’émeutes. Dit comme ça fait un peu con, mais il le tourne de manière efficace. Aussi, on leur reproche de courir alors que ça tire au LBD. Bref, à part ces éléments qui ne sont pas probants, rien d’autre ne leur est reproché. Rien ne prouve que ce sont eux qui ont allumé le mortier, ils ont été arrêtés au pif dans la mêlée alors qu’ils passaient par là. 

➡️ Décision de la juge : 

1e (avec casier) : 10 mois ferme avec mandat de dépôt. Maison d’arrêt de Meaux. 500€ + 300€ par keuf (donc x2 pour les 2 sommes). 

 Interdiction de port et détention d’arme pendant trois ans. Interdiction du 93 durant 2 ans

2e (casier vierge) : relaxé au bénéfice du doute

LA LIBERTÉ NE SE MENDIE PAS

Aujourd’hui, dans cette émission, nous vous proposons l’écoute de la présentation du livre de Nadia Menenger : La liberté ne se mendie pas. Cette présentation se tenait en juin 2022 à Paris. Nous entendrons également l’intervention de Abdelhamid Hakkar, présent lors de cette rencontre.

Préface de « La liberté ne se mendie pas »

Ce livre est un hommage à Olivier Cueto, cofondateur du journal anticarcéral L’Envolée. Il compile principalement ses articles écrits entre 2001 et 2008 et quelques textes rédigés par des prisonniers qui participaient à la rédaction du journal. Ce livre est un moyen, dans une société numérique qui redécouvre en permanence l’instant, de revisiter la naissance de ce nouveau siècle qui s’est faite sous le signe du tout-sécuritaire dans un consensus largement partagé.

À l’annonce de la mort d’Olivier j’ai relu un à un les premiers numéros de L’Envolée, cherchant en moi-même les réminiscences de moments passés, submergée par le souvenir d’instants hors du commun. Vingt ans déjà, et pourtant j’y ai trouvé des textes d’une actualité criante, des analyses qui parlent à notre époque et qui permettent de mieux la saisir. J’ai pu y mesurer la banalisation d’une répression qui colonise toujours plus notre quotidien et nos pensées. Tout relire fiévreusement. Relire tous les Envolées, les éditos qu’Olivier rédigeait le plus souvent seul. Relire les dossiers, les témoignages, les articles de fond que nous écrivions tous les deux pour chaque numéro du journal. Me remémorer les heures à échanger, les jours à lire, à se documenter avant de se mettre à l’ouvrage. L’urgence de laisser une trace. Parler de lui, de sa force, de sa pensée. Nourrir la mémoire contemporaine des luttes contre les prisons par ceux et celles qui les ont menées. Revenir sur la filiation de L’Envolée avec le GIP, groupe d’information sur les prison et le CAP, comité d’action des prisonniers : son lien direct avec les prisonniers en lutte, ce va-et-vient intellectuel et pratique incontournable pour comprendre, analyser, combattre les institutions mortifères de l’État. Faire connaître la parole des enfermé-e-s. Chercher les raisons de la colère. Interroger les évidences. Soutenir les insurgés.

En partant des expériences passées, nous voulions poursuivre la critique de la prison et de la société qui la produit. Elle implique un travail d’enquête avec ceux et celles qui dénoncent leurs conditions d’enfermement et qui ont pour objectif de les transformer. Cette approche tranche avec les écrits universitaires ; la radicalité s’élabore rarement dans les salons ou les bibliothèques ; il faut éprouver, vivre, partager les lieux, les situations, les luttes. S’il existe des ouvrages de sociologues tout à fait passionnants sur le constat et la description théorique des phénomènes carcéraux, ceux-ci semblent incapables d’aborder leurs dépassements. La langue y est souvent empreinte d’un mélange entre un verbiage universitaire incompréhensible et des concepts qui restent hermétiques au plus grand nombre. Quant aux propositions, quand il y en a, elles sont souvent cantonnées au domaine de l’aménagement et se cramponnent au giron de l’État.

Les quatre personnes qui ont créé L’Envolée ont traversé les décennies sans renier leurs engagements, chacun à sa manière. Notre rencontre nous a donné la force et l’envie de continuer d’agir sur un sujet aussi peu consensuel que la suppression de la prison. J’ai quitté L’Envolée aux alentours de 2008, mais l’émission comme le journal continuent avec d’autres ; une belle longévité pour un journal fonctionnant sans aucune subvention, publiant des textes de prisonniers et de prisonnières, traitant de sujets qui remettent en question aussi radicalement les fondements moraux, économiques et politiques de nos sociétés.

Ce livre retrace les sept premières années d’existence de L’Envolée à travers un choix de textes forcément subjectif. J’espère qu’ils permettront aux lecteurs de s’approprier le travail que nous avons entrepris et de comprendre que, si nous voulons détruire ce monde qui ressemble de plus en plus à une prison, il faut impérativement inscrire au programme de la révolution la fin des lieux d’enfermement. Un monde sans prison semble impensable, un objectif inatteignable. La fin des années 1970 a sonné la défaite des courants révolutionnaires à travers le monde. Le capitalisme a triomphé. En France, la gauche au pouvoir en 1981 et la chute du mur de Berlin en 1989 sonnent la fin de l’histoire, l’avènement du meilleur des mondes possible, désormais indépassable et uniquement aménageable à la marge. Pour s’en sortir, il ne reste plus que la course à la réussite individuelle et que le plus pourri gagne !

Dès la fin des années 1990, les États pour construire et consolider le libéralisme mondialisé ont imposé sur l’ensemble de la planète son ordre destructeur des biens communs, le pillage des richesses planétaires et, parallèlement, ont mis en place des outils répressifs pour maintenir et développer une exploitation maximale et gérer une misère grandissante qui va s’abattre sur des franges de plus en plus importantes des populations.

Ceux et celles qui ne voulaient pas se résigner ont tenté de poursuivre leur combat mais de manière éclatée ; ici le logement, là les prisonniers, là encore les sans-papiers, les salariés, les précaires, les féministes… Mais rien pour les relier, rien pour trouver les points communs à toutes ces tentatives de résistance, pour construire ensemble… Il en va de la lutte comme des sciences et de toutes productions ; tout morceler, émietter, décomposer aboutit à ce que plus personne n’ait la compréhension du tout, qu’aucun projet politique n’émerge. Chacun, s’il détient désormais une part de la question – et donc du problème –, ne peut à lui seul le résoudre et se trouve renvoyé à son formidable isolement, à son impuissance. En lieu et place de la lutte des classes se déclinent alors les groupes infinitaires, les comités de soutien, les collectifs informels, les communautés… Ne voulant ou ne pouvant plus changer les structures, chacun essaie de changer (un peu) son quotidien. Dans un monde qui s’uniformise et s’individualise l’identité, les modes de vie deviennent centraux. Les attentats du 11 septembre 2001 avaient déjà servi de prétexte au renforcement d’une offensive tous azimuts contre tout ce qui pourrait mettre en danger un système d’exploitation qui se veut toujours plus totalitaire et performant. Nous sommes tous des ennemis potentiels du nouvel ordre économique mondial.

À partir des années 2000, l’État s’est ingénié à greffer dans le cerveau de chaque citoyen, les textes de loi comme un univers indépassable, et ce, dès le plus jeune âge. Il lui a fallu piétiner les principes constitutionnels, inverser le sens des valeurs, détruire le langage, séparer les êtres, effacer l’histoire de la lutte des classes, détruire un à un les conquis sociaux. Se plonger à nouveau dans les textes publiés dans L’Envolée permet de retracer ce virage sécuritaire. Comprendre comment, petit à petit, le discours dominant repris par les esprits simplistes a assimilé la « délinquance » à une maladie qu’il convient de dépister et de traiter : évaluation, punition, rémission. La délinquance est devenu un problème individuel ou familial qui n’a plus rien de politique, qui n’a pas à interroger la société tout entière et son fonctionnement profondément inégalitaire. Inutile de se pencher sur les causes sociales, économiques, politiques, morales pour les résoudre. Les responsabilités sont à chercher dans la psychologie des individus ou de leurs proches ; les « inadaptés » n’ont qu’à bien se tenir et arrêter de s’attrouper.

Depuis des décennies, les prisons et les quartiers populaires (réservoirs d’ouvriers, de précaires et de chômeurs) où vivent les populations les plus vulnérables et exploitées sont les lieux d’expérimentation des techniques de maintien de l’ordre et d’enfermement. C’est de ces laboratoires sécuritaires que sont sorties les techniques de contrôle et de répression qui se sont généralisées pour être élargies aux classes moyennes. L’abandon d’une critique radicale des thématiques du droit, de la justice et de la prison par les mouvements sociaux depuis les années 1980 a permis aux différents gouvernements d’avancer sans limite, en nous faisant croire que la sécurité était synonyme de liberté.

Il faut toujours rappeler que le droit garantit l’ordre social et la propriété privée, plutôt que le bien commun et l’intérêt général et qu’avant tout ce sont les dépossédés qui se retrouvent derrière les barreaux. Il y a un ordre à faire respecter, la société à protéger et les réponses sont avant tout punitives, car comme disait Valls « expliquer, c’est déjà vouloir un peu excuser ». Pour s’en sortir, il faut faire siennes les valeurs de l’entreprise ; compter sur soi-même, quitte à marcher sur les autres au passage : c’est ainsi qu’on apprend à être le gestionnaire de son « capital-vie ».

Les aménagements des conditions de vie ou de détention se calculent au mérite, au degré d’adaptabilité ou de soumission : maître-mot de la logique entrepreneuriale adaptée à l’individu, incarcéré ou pas. Se battre collectivement pour réformer ou révolutionner les rapports d’exploitation serait vain : « désormais, quand il y a une grève en France, personne ne s’en aperçoit » déclarait Sarkozy en 2007. Même les trois millions de manifestants contre la contre-réforme des retraites de 2010 n’ont pas fait plier le gouvernement Fillon de l’époque… ou bien faut-il identifier l’échec des mobilisations passées dans le corporatisme, la bureaucratie syndicale, les grèves perlées incarnées par des « journées d’action » absurdes, la délégation de pouvoir et plus encore, à notre enfermement dans un cadre légal de plus en plus étriqué qui nous conduit à l’impuissance.

Le consensus des classes moyennes et petites-bourgeoises avec le pouvoir a permis dans les années 2000 au gouvernement d’instaurer un arsenal répressif conséquent sans que cela ne suscite beaucoup l’indignation. Persuadées de maintenir leurs intérêts grâce à leur collaboration, elles avalisent et participent aux contrôles, aux fichages, aux signalements, au respect des « valeurs de la République » et deviennent de véritables adjoints à la sécurité. Mais depuis des décennies, les salaires baissent, les statuts se détériorent, dégradant les conditions de vie et barrant l’avenir pour une partie croissante de la population. Ceux et celles qui pensaient être préservés après avoir fourni tant de gages d’honnêteté et de docilité se retrouvent déclassés. Face à l’accélération des mesures gouvernementales privatisant les services publics, saccageant l’environnement, bétonnant à tout-va, sécurisant les libertés, le nombre des contestataires a gonflé.

Les mobilisations sociales ont subi un traitement jusque-là réservé aux révoltes de banlieue (occupations militaires, violences policières, justice d’abattage). L’expérience de la répression est vécue par des franges de plus en plus larges de la population et est largement documentée, filmée, dénoncée ; contrairement aux années 2000 durant lesquelles le consensus citoyenniste isolait les manifestants, protégeait les fonctionnaires du maintien de l’ordre de toute critique et confinait l’expression politique dans le cadre étouffant et paralysant du code pénal.

Après les ZAD, depuis 2015, les mobilisations cherchent à s’émanciper des cadres et structures institutionnelles sans toutefois les dépasser ; loi travail, «gilets jaunes», mobilisation contre la réforme des retraites ; des centaines de milliers de personnes se sont confrontées au pouvoir et se sont considérablement politisées. Les familles de victimes de violences policières et les mutilés pour l’exemple s’organisent, se coordonnent et tentent d’élaborer une critique systémique des violences policières et des violences d’État, mais celles-ci ne se limitent pas aux exactions des forces de l’ordre, elles commencent dès la naissance jusqu’à la mort en passant par l’école, le logement, l’urbanisme, le travail… Et touchent tous les dépossédés.

Les «gilets jaunes» sont venus apporter une bouffée d’oxygène dans le marécage stérile des contestations dûment encadrées par les partis, syndicats, associations… et les rituels mimant le spectacle de la violence. Ce mouvement a su remettre à l’ordre du jour la lutte des classes, refouler les spécialistes qu’ils soient de l’information, de la politique ou de l’économie pour critiquer en acte leur propagande qui colonise nos cerveaux à la sauce néolibérale. Ils ont dénoncé le racket et les détournements d’argent public, exiger que le pouvoir politique et les richesses soient partagés entre tous et toutes ; le pouvoir par le peuple, pour le peuple…

À chaque mouvement d’ampleur, la répression est de plus en plus militarisée, et le nombre de ceux et celles qui n’aiment pas la police de leur pays croît. La police se révèle de plus en plus clairement ce qu’elle est : une milices d’hommes en armes qui défendent les intérêts des puissants, du capitalisme. Le déferrement de milliers d’interpellés devant les tribunaux a ouvert des brèches mais n’a pas encore permis de prendre conscience du fonctionnement et de la fonction de l’institution judiciaire. Qui fait les lois ? Pour protéger qui ? Quoi ? Malgré les 72 000 prisonniers et le millier de personnes incarcérées à la suite des révoltes des «gilets jaunes», la question carcérale a du mal à émerger, laissant souvent les détenus seuls face à la violence de l’institution pénitentiaire. Les comités se limitent au soutien d’une personne ou à une catégorie de prisonniers laissant indemne la critique de la prison elle-même. Mais ces oubliettes modernes sont bien là ! Elles servent avant tout à imposer un ordre social, à gérer la misère grandissante et à faire taire les révoltes. Et il faudra bien les mettre à l’ordre du jour si l’on prétend vouloir changer ce monde ! La situation actuelle n’est pas une dérive, mais bien une continuité.

Dans la lignée de ces prédécesseurs, toutes couleurs confondues et en l’absence de rapport de force conséquent, Macron poursuit l’adaptation de l’appareil répressif à l’évolution du capitalisme. Des « sauvageons » de Chevènement à l’« ensauvagement » de Darmanin, c’est toujours la même volonté de stigmatiser une catégorie de la population, de désigner des boucs émissaires, de créer du séparatisme, pour diviser les dépossédés et détourner leur attention des véritables enjeux politiques. Les nouvelles réformes du code du travail, de l’Assurance-chômage, de la retraite, la destruction des logements sociaux… entraîneront inévitablement le développement de la délinquance et de la révolte, que le gouvernement gère de l’école à l’entreprise en passant par la cité, en construisant de nouvelles prisons, en renforçant le contrôle, la précarité, l’isolement et la répression à l’aide des nouveaux outils numériques.

Le capitalisme élimine impitoyablement tous ceux et toutes celles qui sont éjecté-e-s du monde du travail ou qui ne s’y conforment pas et pulvérise chaque année son record d’incarcérations dans et hors les murs. Ce livre s’adresse à ceux et celles qui croient que la démocratie est en péril depuis Macron, ceux et celles qui se raccrochent aux branches des droits de l’homme à chaque promulgation de nouvelles lois liberticides, déclarations d’état d’urgence ou d’exception, qui s’agrippent aux valeurs républicaines sans les définir.

Mais surtout, cette lecture a pour ambition de donner force et détermination à ceux et celles qui continuent de se battre, malgré tout, et qui cherchent dans l’obscurité de notre époque des perspectives qui relient les dépossédé-e-s, les exploité-e-s pour construire un monde débarrassé de ses aliénations. Je continue le décryptage de notre époque en participant à la fabrication d’une émission quotidienne d’information sur les luttes sociales sur une radio libre ; L’actualité des luttes sur Fréquence Paris Plurielle 106.3 fm. Partout ou la résistance existe, nous essayons d’être là pour enregistrer et diffuser la parole de ceux et celles qui ne renoncent pas. Nous ne croyons pas en une avant-garde particulière, mais en une alliance des opprimés, des travailleurs précaires ou garantis, des chômeurs, des voleurs, des prisonniers, des fous, des paysans, des habitants des cités populaires ou des campagnes…

Nadia M

Appel des perpétuités de Clairvaux

Pour un rétablissement effectif de la peine de mort pour nous


A ceux de l’extérieur osant affirmer que la peine de mort est abolie Silence ! On achève bien les chevaux !…

Nous, les emmurés vivants à perpétuité du Centre pénitentiaire le plus sécuritaire de France (dont aucun de nous ne vaut un Papon) nous en appelons au rétablissement effectif de la peine de mort pour nous.

Assez d’hypocrisie ! Dès lors qu’on nous voue en réalité à une perpétuité réelle, sans aucune perspective effective de libération à l’issue de notre peine de sûreté, nous préférons encore en finir une bonne fois pour toute que de nous voir crever à petit feu, sans espoir d’aucun lendemain après bien plus de 20 années de misères absolues. A l’inverse des autres pays européens, derrière les murs gris de ses prisons indignes « la République des Lumières et des libertés » de 2006 nous torture et nous anéantit tranquillement en toute apparente légalité, « au nom du peuple Français », en nous assénant en fonction du climat social ou à la faveur d’un fait divers ou encore d’échéances électorales, mesures répressives sur mesures répressives sur le fondement du dogme en vogue du « tout sécuritaire. »..érigé en principe premier supplantant tous les autres.

Qu’on se rassure : de nos jours, ici, même « les mauvaises herbes ne repoussent plus. » I1 n’y a que le noir et le désespoir De surenchères en surenchères : la machine à broyer l’homme a pris impitoyablement le pas.

A quoi servent les peines de sûreté qu’on nous inflige quand une fois leur durée dûment purgée on n’a aucun espoir de recouvrer la liberté ? (depuis l’année 2000 à la Loi Perben II de 2005- on a fait mine de s’appliquer à légiférer en instituant de nouvelles « juridictions de libération conditionnelle », seulement, comme hier le ministre de la justice, les juges d’aujourd’hui à l’oreille de l’administration nous opposent… refus sur refus, nous vouant à des durées de détention à la Lucien Léger).

Pourtant, sur « la finalité de la peine » l’État français, admettant que nous avons vocation de sortir un jour, et s’inscrivant dans le cadre des recommandations du Conseil de l’Europe, a posé pour principe s’étendant aux longues peines et aux (700) condamnés à perpétuité que : « L’exécution des peines privatives de liberté (…) a été conçue non seulement pour protéger la société et assurer la punition du condamné, mais aussi pour favoriser l’amendement de celui-ci et préparer sa réinsertion » ? En réalité : tout est au châtiment.

Combien d’entre nous – du moins pour ceux qui ne sont pas décédés depuis – ont déjà purgé plusieurs années au-delà même de leur peine de sûreté de 18 ans sans se voir présenter à ce jour une réelle perspective de libération ? Après de telles durées de prison tout rescapé ne peut que sortir au mieux sénile et totalement brisé. En pareil cas, qui peut vraiment se réinsérer socialement ? En fait, pour toute alternative, comme avant 1981, ne nous reste-t-il pas mieux à trouver plus rapidement dans la mort notre liberté ?

De surcroît, pour nous amener à nous plier à ce sort d’enterré vif, on nous a ces dernières années rajouté murs, miradors, grilles en acier et maintes autres contraintes. Le tout, pour faire taire toute velléité. assorti de « commandos » de surveillants casqués, armés et cagoulés, à l’impunité et aux dérives vainement dénoncées çà et là, dans l’indifférence générale (…n’en croyez rien : il y a ici une place pour vous et pour vos fils. C’est encore plus vrai que jamais à l’heure où l’on préfère supprimer à tour de bras dans les écoles du pays bien des postes d’instituteurs et d’éducateurs pour en lieu et place miser sur l’embauche de toujours plus de nouveaux policiers et surveillants de prison et en érigeant de nouvelles prisons et autant de QHS).

Aussi, parce qu’une société dite « démocratique » ne devrait pas se permettre de jouer ainsi avec la politique pénale visant à l’allongement indéfini des peines, selon la conjoncture, l’individu ou les besoins particuliers : À choisir à notre mort lente programmée, nous demandons à l’État français, chantre des droits de l’homme et des libertés, de rétablir instamment pour nous tous la peine de mort effective.

Clairvaux, le 16 janvier 2006

Soussignés, les susnommés ci-après du mouroir de Clairvaux :
Abdelhamid Hakkar, André Gennera, Bernard Lasselin, Patrick Perrochon, Milivoj Miloslavjevic, Daniel Aerts, Farid Tahir, Christian Rivière, Jean-Marie Dubois et Tadeusz Tutkaj


Mis en ligne le mercredi 15 février 2006.

JUILLET 2023 : Les violences policières en question

Le 7 juillet 2023, la marche pour la vérité et la justice et la justice organisée depuis 7 ans à Persan Beaumont par le comité Adama était interdite par la préfecture suite aux révoltes qui ont eu lieu après la mort de Nahel lors d’un contrôle routier à Nanterre. En réponse à cette interdiction, le comité Adama a appelé à se réunir le 8 juillet 2023 sur la place de la République, rassemblement qui a lui même était interdit et maintenu par le comité. Vous entendrez donc dans la première partie de cette émission le reportage que nous avons réalisé lors de ce rassemblement avec les prises de parole du Comité et un interview de Mahamadou Camara, frére de Gaye Camara, tué par la police en janvier 2018 d’une balle dans la tête alors qu’il était au volant de sa voiture.

Ensuite, dans une deuxième partie d’émission nous reviendrons avec Emilie du collectif stop violence policières de St Denis, sur la lutte contre les violences d’état, l’article l435-1 qui accorde le permis de tuer à la police et sur les activités du collectif au quotidien mais aussi lors des nuits de révoltes qui se sont déroulés à St Denis.

LA REPRESSION DES REVOLTES DE 2023

Depuis la mort de Nahel, tué par la police à Nanterre, la répression s’abat fermement sur celles et ceux qui sont sorti.e.s dans les quartiers pour mettre en actes leur colère. Les chiffres sont clairs : 3500 interpellé-es, 1000 déferré-es dont 250 mineurs et 400 interpellé-es.

Face à cette offensive judiciaire, La solidarité s’organise. Un appel à soutien a été fait pour se rendre dans les Tribunaux d’IDF assister aux comparutions immédiates et un appel à rassemblement devant la prison de Fresne le dimanche 9 juillet 2023 est diffusé.

Dans cette émission et en soutien à ces initiatives, nous vous diffusons un interview réalisé avec une des personnes qui s’est rendue au tribunal cette semaine. Afin d’illustrer la différence de traitement judiciaire entre les affaires de violences policières et celle des révoltes qui en découlent, nous avons ponctué cet interview d’ une partie des prises de paroles réalisées lors de la marche contre les brutalité policières organisée par le réseau entraide vérité et justice du 18 mars 2023 dernier.

Liberté pour les prisonnier.es.s du mouvement, liberté pour tou.te.s !

RDV à la gare du Parc de Sceaux (RER B) à 15h dimanche pour aller à la Maison d’arrêt de Fresnes !

MARCHE BLANCHE POUR NAHEL A NANTERRE

Dans la matinée du mardi 27 juin 2023, Nahel, 17 ans, est tué par la police, lors d’un contrôle routier à Nanterre. Depuis, tous les soirs, des révoltes ont lieux dans les quartiers populaires de France.

Le 14 juin, c’était Alhoussein Camara, un jeune de 19 ans, qui était tué par un policier lors d’un contrôle routier à Saint-Yrieix-sur-Charente dans la banlieue d’Angoulême. La nuit du 3 au 4 juin, Mozomba, un jeune homme de 28 ans, en moto, décède des suites de ses blessures après avoir été pris en chasse par la police. En 18 mois, ce sont quinze personnes qui ont été tuées par la police pour refus d’obtempérer. Systématiquement, la police invoque la légitime défense. Dans l’affaire de Nahel, une vidéo de l’interpellation a été diffusée sur les réseaux sociaux et le doute n’est pas permis : il y a intention de donner la mort sans qu’aucun danger ne soit immédiat.

Deux jours après, le 29 juin, la marche blanche qui était organisée pour Nahel à Nanterre réunissait des milliers de personnes. Au fil de celle-ci, nous avons pu rencontrer des habitants et habitantes de Nanterre, d’anciens et d’actuels militants pour l’égalité des droits et contre les violences policières, mais aussi de nombreux jeunes présents en manifestation pour la première fois. Nous avons ouvert nos micros et recueillis leur parole.

Dans un monde gouverné par l’argent et la force, ces révoltes ne surprennent personne et les problématiques qu’elles soulèvent ne sont pas inédites. Elles ponctuent l’histoire des luttes depuis 60 ans : du massacre du 17 octobre 1961, à la marche pour l’égalité et contre le racisme de 1983, jusqu’aux révoltes de 2005. Elles sont une réponse non seulement à la violence de la police mais aussi à celle de l’ordre social qu’elle garantie.

Les chaines d’information en continu et la répression ne doivent pas nous faire oublier l’élan de solidarité qui s’est exprimé la semaine dernière à Nanterre.

Depuis le 27 juin, une colère s’exprime et des voix s’élèvent.

Écoutons-les.

La défense collective de Toulouse /dissolution des soulèvements de la terre

En première partie d’émission, nous entendrons un entretien réaliser le 24 juin dernier avec un membre de la défense collective de Toulouse, qui nous parlera de la nécessité du collectif et de son histoire. Puis, nous reviendrons sur la décision du gouvernement de dissoudre les soulèvements de la terre

La dissolution des Soulèvements de la Terre a été annoncée ce mercredi 21 juin. Ce dangereux précédent est une attaque inouïe contre la démocratie, contre le vivant, et contre celles et ceux qui les défendent. À Paris, le mercredi 28 juin, se tenait grand rassemblement en soutien aux Soulèvements de la Terre, Place de la République. Nous entendrons dans cette seconde partie d’émission, le reportage réalisé ce mercredi 28 juin 2023

La défense collective de Toulouse

Publié le Été 2020

La défense collective émane du mouvement gilet jaune, et s’est constituée en tant que commission du mouvement. Articulée à la commission action, les réunions qui se tenaient chaque lundi étaient ouvertes à toutes les personnes participant au mouvement gilet jaune. Elle s’est créée en réponse à une forte répression.  

En plus de la nécessité évidente de soutenir moralement et matériellement les personnes incarcérées et jugées, la défense collective avait pour but de diffuser des pratiques d’autodéfense face à la répression. Toujours en partant du principe qu’en s’attaquant à des individus, la justice s’attaquait au mouvement dans son ensemble.   Cet espace d’échange permettait d’analyser les stratégies policières, pour que les expériences de chacun/chacune puissent servir à tout le monde. 

Cette commission, ouverte, a tendu à se resserrer autour d’un groupe qui variait de moins en moins chaque semaine. Or, nous ne voulons pas devenir un groupe de spécialistes, les pratiques que l’on a encouragées ne nous ont jamais appartenu et elles continueront à se diffuser partout et tout le temps. 

Le matériel que nous avons pu produire est bien sûr réutilisable par tous les gens/les mouvements de lutte qui partagent les positions, les pratiques et les idées qui ont fait la force du mouvement GJ et que nous avons pu porter à la défense collective : solidarité, refus de la dissociation, autonomie politique, refus des représentants, ne pas parler avec la police en général – au commissariat comme dans la rue – ne pas déclarer les manifs, ne rien déclarer en garde à vue…  

Les espaces de réunion et de permanence sont de moins en moins utilisés. Notamment parce que le mouvement gilet jaune est fortement affaibli, les manifs ont du mal à se tenir, la commission action n’a plus lieu, et moins de mandats sont à envoyer car moins de GJ sont en prison.  

Nous avons donc décidé de diminuer la fréquence des réunions, deux réunions/permanences auront lieu cet été : le 12 juillet et le 23 août, à la Chapelle.   Si pendant cette période des personnes souhaitent appeler à des réunions en plus, permanence ou autre, les créneaux sont disponibles et nous diffuserons les RDV.  

En cas de besoin (préparation de procès, interpellation, garde à vue et pour tous contacts et plus d’info : defcotoulouse@riseup.net