loi asile et immigration : la question de la double peine

La loi asile et immigration, après avoir été rejetée par l’Assemblée nationale dès le premier jour de son examen en séance publique, est passée par une commission mixte parlementaire lundi et mardi afin d’être de nouveau présenté à l’Assemblée nationale le soir même. Or, c’est une version semblable à celle du texte retravaillé au Sénat, considérablement durcie et inspirée des propositions du RN, qui est passée au vote.
Dans cette émission, nous reviendrons sur un des volets répressif de cette loi et la réactualisation de la notion de “double peine” autour du dernier numéro de Plein droit, (revue du gisti) intitulé ” étrangers sous écrous”. En effet, nous serons en direct pendant 1 h 30 avec Julien Fischmeister qui a écrit l’article “Méchant avec les méchants » : la démagogie langagière à l’épreuve des faits ; et Juliette Petit, qui elle, a rédigé l’article  “contre la loi Pasqua, la voix des détenus sur les ondes de Parloir Libre”. Une occasion de revenir aussi bien sur la construction d’un discours qui légitime ces nouvelles lois, que sur la mémoire des luttes, afin de nourrir nos imaginaires pour les mobilisations à venir. 

Édito de “Plein droit” numéro d’octobre 2023

À rebours du fantasme bien tenace d’une « sur-délinquance », la surreprésentation des étrangers dans les prisons dévoile une économie de la peine discriminatoire. D’ailleurs, les statistiques officielles l’attestent : de profondes inégalités subsistent, selon que les personnes sont françaises ou étrangères, dans l’application de la loi, et ce, à toutes les étapes de la chaîne pénale. Ainsi ces dernières ne sont-elles pas seulement envoyées davantage en prison, elles le sont aussi pour des durées plus longues et en sortent moins vite. Pourtant, l’arsenal juridique prévoit un certain nombre de dispositifs permettant d’aménager les peines des personnes étrangères détenues, avec ou sans papiers. Mais leur condition carcérale, loin de corriger ces discriminations, en créé de nouvelles.

Surpénalisées, les personnes étrangères incarcérées, qu’elles soient ou non mineures, sont sous-protégées. Et si, derrière les barreaux, rien n’interdit aux sans-papiers détenus de travailler, la réforme du travail pénitentiaire prévoit une nouvelle dégradation de leurs droits : ils ne seront bientôt plus couverts par la législation professionnelle en cas d’accident du travail. En outre, la marge d’appréciation exorbitante dont disposent les administrations préfectorale et pénitentiaire entrave l’accès au séjour et à l’asile, a fortiori vu l’emprise du motif de la « menace à l’ordre public » et la rareté des dispositifs d’accès aux droits en détention.
Comment saisir le tribunal administratif depuis une cellule verrouillée, sans accès à internet, sans téléphone, bref sans possibilité de communiquer avec le monde extérieur, le tout en moins de 48 heures pour contester une obligation de quitter le territoire ? La collaboration entre les administrations préfectorale et pénitentiaire a fait de la prison l’antichambre de l’expulsion des étrangers hors du territoire national. Le continuum entre la détention et la rétention illustre ainsi d’une instrumentalisation de la finalité de l’incarcération, bien éloignée de l’objectif affiché d’une « contribution à l’insertion ». Loin des regards, la machine à expulser tourne à plein régime.

ASPF: 1985 LA SYNDICALISATION DES PRISONNIERS EN QUESTION

Nous produisons cette émission pour rétablir quelques vérités sur la syndicalisation des prisonniers en France. Nous écarterons d’emblée l’expérience malheureuse, éphémère et trop peu élaborée qui a surgi au cours des années 2010.

Nous partirons de la critique de l’ASPF, l’association syndicale des prisonniers de France qui a vu le jour pendant quelques mois en 1985.

Nous avons vécu cette expérience ; kiou à l’intérieur et Nadia à l’extérieur faisant partie de Parloir libre une émission de radio soutenant les prisonniers en luttes. Nous réagissons suite aux mémoires de deux sociologues « Syndiquer les prisonniers, abolir la prison », paru en 2015 de Joël Charbit et Gwénola Ricordeau et à l’article des utopiques, cahier de réflexions de l’union syndical Solidaire.

L’ASPF(association syndicale des prisonniers de France) a été créée en 1985 par Jacques Gambier et six autres détenus de Fleury-Mérogis. Parmi les autres acteurs figure Jacques Lesage de la Haye ancien prisonnier ayant accepté de participer à la commission Prison-Architecture du ministère de la Justice, qui animait à l’époque l’émission hebdomadaire « Prison » sur Radio Libertaire ; Ras les murs.

Notons également la proximité de L’ASPF avec la « Commission d’Étude pour le Respect du Droit Fondamental d’Association en Prison », dite « Commission Bloch » ; du nom de son Président, Étienne Bloch co-fondateurs du syndicat de la magistrature.

Même si elle entend garder son autonomie par rapport à l’ASPF, leur but est similaire ; réfléchir sur le concept du droit d’association et les modalités de son exercice en prison.L’ASPF a très vite été confronté à la réalité des luttes et n’a finalement jamais lutté pour autre chose que pour le droit d’association.

Le contexte à l’intérieur des prisons est explosif. Après un court instant d’euphorie suite à l’élection de Mitterrand, les prisonniers déchantent rapidement. Si une grande partie des organisations dont l’ASPF, ont cru aux sornettes de la gauche au pouvoir, les prisonniers eux vivant de plein fouet l’allongement des peines, le maintien des QHS(quartier de haute sécurité), la violence de l’administration pénitentiaire se révoltent.

L’ASPF cramponnée à la légalité refuse de se joindre aux mouvements et de soutenir les prisonniers frappés par la répression et c’en sera fini de leur crédibilité et de leur existence.

Face à la violence de l’État les prisonniers et prisonnières tentent de se faire entendre ; ils témoignent, pétitionnent, refusent de remonter de promenade, font des grèves de la faim, s’auto-mutilent, montent sur les toits, se mutinent, détruisent la prison.

Contrairement au syndicat Industrial Workers of the World (IWW) des États-Unis, en France les centrales syndicales, SUD compris, n’ont jamais syndiqués les prisonniers, mais ce n’est pas pour cette raison que L’ASPF est morte, mais bien plutôt parce qu’elles refusent de reconnaître la souveraineté des prolétaires et soutenir toutes les formes de luttes que proposent les insurgés.

Vous aller entendre le témoignage d’un détenu ayant participé aux mouvement et à la critique de L’ASPF, des document sonores et des fragments de textes de l’époque.

Vous trouverez en pièce jointe les documents parus à cette époque que les deux sociologues n’ont pas pris en compte dans leurs travaux et l’article de Solidaire.

https://champpenal.revues.org/9124#tocto1n2

Venceroms n°1

MÉMOIRE DES LUTTES : de la lutte contre les prisons aux mouvements des gilets jaunes

Aujourd’hui nous vous diffusons un entretien avec Mohamed Hocine et Nadia Menenger réalisé lors du mois de juillet 2021 a Mantes la Jolie. Tous deux militants contre les prisons, Nadia et Hocine se rencontrent à travers l’émission de radio “parloir libre” créé en 1985 et diffusée à partir de 1992 sur Fréquence Paris Plurielle.

Dans les années 80, ils militent ensemble contre les quartiers d’isolement, la double peine et la condition carcérale dans son ensemble. Ils se perdent de vues pour se retrouver des années plus tard dans le mouvement des gilets jaunes.

Quel a été leur parcours militant ? Comment leur expérience des années 80 les as imprégné d’une certaine culture de la lutte qui ne les quittera jamais ? Comment cette culture les amène à suivre le mouvement des gilets jaunes ? À travers cet entretien, nous revenons sur la mémoire des luttes à partir de leur expérience afin de pouvoir aussi questionner l’actualité et les transformations qui se sont opérées.

Pour plus d’info : deux livres :

À ceux qui se croient libres

La liberté ne se mendie pas 

Deux ouvrages écrit par Nadia Menenger et publié à L’insomniaque

Mémoire des luttes de l’immigration en France publié par le GISTI