GUADELOUPE : l’affaire des « grands frères » Crise sociale, répression et criminalisation judiciaire

Communiqué de presse des familles

Depuis le 17 janvier 2022, nos familles se trouvent projetées dans une injustice
sans précédent. À la suite de l’explosion sociale dans l’île à l’automne 2021, la répression judiciaire a ciblé sept « grands frères ». Ce sont nos proches, travailleurs sociaux et responsables associatifs, qui sont aujourd’hui incarcérés comme boucs émissaires.

Pour les avocats de la défense, les dossiers sont vides face à des accusations très lourdes.Ils dénoncent une violation délibérée des droits humains, des conditions de détention indignes et une instrumentalisation de la justice à des fins politiques.
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En Guadeloupe, ce 17 janvier, à l’aube, Oneel, Lillow, Zébrist, Oneel, BB, Bwana, Samuel, et Didier ont été arrêtés par le Raid et le GIGN pour être placés en garde à vue quatre jours durant. Une spécificité que la justice réserve d’habitude aux affaires de terrorisme ou de grand banditisme. Le 21 janvier, le procureur de la République a annoncé leur incarcération lors d’une conférence de presse.

Les chefs d’accusation sont graves : « association de malfaiteurs en vue de commettre crimes et délits en bande organisée » et « extorsion de fonds », à l’encontre d’élus locaux et de responsables ou propriétaires de grandes enseignes commerciales. Mais le procureur a usé de nombreux conditionnels tout au long de sa prise de parole, pour mettre en cause la responsabilité présumée de nos maris, compagnons, pères, fils, frères dans l’organisation des émeutes en novembre et décembre dernier.

Ils sont à ce jour maintenus en détention provisoire et toute communication avec eux nous est interdite ; ni parloir, ni téléphone, ni courrier. Il est temps pour nous de rétablir la vérité !

Ces grands frères sont des hommes de 33 à 52 ans, investis dans le dialogue quotidien pour convertir la colère et le désespoir des jeunes en revendications légitimes. Ils sont impliqués dans des actions concrètes afin de permettre à celles et ceux qui sont victimes des inégalités sociales de retrouver dignité et pouvoir d’agir.

Leur engagement, c’est l’insertion ou la réinsertion socio-professionnelle, l’organisation d’événements culturels et d’opérations caritatives et de solidarité, l’aide à l’accès aux droits, des campagnes de prévention et des interventions de jour comme de nuit en cas de conflits, parfois armés, entre jeunes. Leur dévouement prend souvent le pas sur leur vie personnelle et familiale. Ils se battent pour que la Guadeloupe se pacifie et que les plus démunis ou délaissés soient pris en compte par notre société. Et les résultats de leur investissement sont connus de tous : habitants, politiques et relais institutionnels. Ils n’avaient donc aucun intérêt à répandre le désordre.

Pourquoi mettre en cause le travail avec les élus ? Les grands frères ne peuvent pas être à l’origine du mouvement social que connaît l’île depuis l’année dernière, ni de toutes les actions qui en ont suivi. La population s’est soulevée de son propre chef. Il est important de rappeler que, depuis des années, ce sont les élus politiques eux-mêmes qui font appel aux grands frères pour contrer la délinquance et garantir la tranquillité publique.

Depuis 2013, l’État a initié la campagne citoyenne « Déposons les armes » pour la restitution des armes personnelles à la police ou à la gendarmerie. Sans le relais et l’appui des grands frères, cette politique d’apaisement et de désescalade serait restée une coquille vide. Cette coopération a été menée au grand jour, comme récemment avec la diffusion publique des séances de travail. Il est donc très surprenant que, pour justifier aujourd’hui la détention de sept hommes, l’enquête judiciaire incrimine cette concertation avec des élus qui ont réfuté toute thèse d’extorsion, de pression ou d’agression. Dossiers vides et violations des droits humains : le choix de la répression.

Pour l’ensemble des avocats, la fragilité des éléments retenus par l’accusation ne permet pas de justifier une détention provisoire. Quelques jours après les arrestations, les présumées victimes d’extorsion de fonds ont affirmé qu’aucun des mis en examen n’avait tenté de leur extorquer quoi que ce soit. De plus, les avocats précisent que les écoutes téléphoniques présentées comme déterminantes par l’accusation sont en réalité des extraits de conversations en créole, tirés de leur contexte et traduits à charge contre les grands frères.

Mais surtout, les avocats dénoncent des violations délibérées des droits de la défense et des droits humains, compte tenu de l’indignité des conditions de détention. Les mises à l’isolement, les blocages de la plupart des communications, les obstacles opposés à l’accès aux soins, les transferts en métropole, tout est fait pour écarter et briser des hommes que l’on considère comme déjà condamnés.

Aussi, en accusant nos proches d’être les meneurs d’émeutes, le procureur appuie la division parmi les habitants, renforce la méfiance à l’égard des élus et vise à délégitimer et criminaliser une protestation massive de la population et particulièrement l’irruption inédite de la jeunesse dans les enjeux politiques guadeloupéens. Une mobilisation à laquelle l’État ne sait répondre autrement que par la contrainte, la force et la répression violente.

Aujourd’hui, nos sept familles sont en grande souffrance et nous tentons de briser le silence médiatique sur nos réclamations et nos revendications.

À travers ce communiqué, nous, les familles de, Samuel, Lillow, Zébrist, Oneel, BB, Didier, et Bwana lançons un appel à toutes et tous pour relayer, soutenir et diffuser notre lutte à travers vos médias et réseaux sociaux. Nous vous appelons à nous rejoindre, toutes et tous ensemble, pour obtenir vérité et justice, pour les grands frères, pour notre jeunesse, pour la Guadeloupe.
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Dans le sens de cet appel, l’émission de ce jour est construite en collaboration avec l’Envolée et met en avant, à travers la répression que subissent les “grands frères”, comment la gestion de la crise sociale en Guadeloupe est exclusivement sécuritaire.

Pour cela, nous vous diffuserons deux reportages réalisés en Guadeloupe lors d’une journée de soutien pour les inculpés le 5 mars 2022, dans lequel vous pourrez entendre un membre de l’association JPMC crée par Frédéric Dumesnil ( un des grands frère incarcéré), puis son avocate Gladys Democrite qui revient sur l’ensemble de la procédure mais aussi sur la place du système carcéral.

Ensuite nous diffuserons l’interview de Ludovic Tolassy du collectif Moun Gwadloup avec qui nous discuterons à la fois de la répression qui s’est abattu sur l’ensemble des participants aux mobilisations et qui nous fera par de son constat sur la situation sociale actuelle.

LA COMMUNE DE PARIS/ épisode 12

À l’occasion des 150 ans de la Commune de Paris et à partir du 18 mars, Raspouteam et l’Actualité des Luttes font revivre l’insurrection parisienne dans une série d’émissions thématiques.

Rendez-vous tous les jeudis de 12 h 30 à 13 h 30 sur Fréquence Paris Plurielle, 106.3 FM et partout dans le monde sur rfpp.net.

Retrouvez le Journal Illustré de la Commune de Paris sur le site de Raspouteam

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Dans ce 12ᵉ épisode, nous aborderons la répression légale qui suit le grand massacre de la Semaine Sanglante. Suite à la reprise de Paris, plus de 40 000 arrestations sont conduites par l’armée de Versailles.

Dans cette première partie d’émission, Nous parlerons avec Laure Godineau des conditions de détention, des procès et des peines prononcées par les tribunaux militaires qui jugent les communard.e.s.

En seconde partie d’émission, nous serons avec Nadia Menenger et en sa compagnie, nous reviendrons sur l’usage politique de la prison aujourd’hui, de l’extension et de l’alourdissement des peines et de la logique de contrôle social.

Nadia Menenger et une militante anti-carcérale, elle a créé l’émission de radio l’Envolée et quelques années plus tard l’émission de radio l’Actualité des Luttes. Elle a fait paraitre un ouvrage intitulé À ceux qui se croient libres, aux éditions de l’Insomniaque et prépare un nouveau livre, à paraître à la rentrée : La liberté ne se mendie pas.

Nous terminerons cette émission avec un extrait d’un reportage réalisé le 30 mai 2021 au le rassemblement national contre les violences et les injustices carcérales.

Bonne écoute !

REFORME DES RÉDUCTIONS DE PEINE

Dupont Morreti souhaite présenter sa réforme en Conseil des ministres « mi-avril », avant un examen au Parlement un mois plus tard.

Il s’agit de filmer les audiences, supprimer des crédits de réduction de peine, encadrer les enquêtes préliminaires et construire 7 000 nouvelles places de prisons supplémentaires. Il « ne s’agit pas d’incarcérer plus, mais d’incarcérer dans la dignité ». Une promesse d’avenir barbelé, mais dans le respect des droits… Le but de cette loi pour le ministre est de « restaurer la confiance de nos concitoyens dans la justice ». Ce sera d’ailleurs probablement son nom : « Loi pour la confiance dans l’institution judiciaire ».

Aujourd’hui nous revenons sur la réduction des remises de peine, bien que le peu de réactions et de critiques concernant cette énième réforme soit affligeantes.

Depuis les lois Perben de 2004, les crédits réduction de peine, qui s’octroie en fonction du comportement en détention soit trois mois de moins la première année de détention, deux mois par an pour les années suivantes ou 7 jours par mois, limités à 60 jours, si la peine est inférieure à 12 mois. « C’est une carotte pour le détenu : on lui donne la possibilité d’anticiper à date certaine sa libération.

De quoi l’inciter à bien se comporter d’emblée, car il peut les perdre en cas de faute disciplinaire. Il faut créer de l’espoir si on veut pouvoir tenir des taules surpeuplées », souligne Cécile Mamelin, ancien juge de l’application des peines. « Mais pour les établissements sous pression, c’est aussi une façon efficace de gérer la détention en prévoyant ses flux de détenus et son taux d’occupation », poursuit-elle.

Et les remises de peines supplémentaires : qui viennent gratifier les efforts de réadaptations sociales des détenus (travail, participation aux activités, visite chez le psy, mais surtout payer les parties civiles…) les remises de peine exceptionnelles viennent quant à elles récompenser la délation, la soumission, la traîtrise.

La trouvaille de super Dupont si elle voit le jour… À l’avenir, les remises de peine ne seraient donc octroyées qu’aux détenus qui témoigneraient d’un comportement exemplaire. Va t il fusionner des deux systèmes, mais les barèmes ne sont pas connus pour le moment. On ne sait pas si le cumul sera moins important ?

Est-ce que celui-ci rendra illisible la date de fin de peine ? Est-ce qu’elle sera jugée chaque année au risque d’embouteiller des commissions d’application des peines et qu’il sera difficile d’anticiper les sorties de prison. On peut dire que nous croulons sous les réformes successives, et qu ‘elles sont illisibles. Coté juge d’application des peines, c’est la panique et l’incompréhension ; Coté matons ont se réjoui d’avoir moins de boulot puisque ce serait le juge de l’application des peines qui en serait chargé.

Parmi les dispositions envisagées, le ministre entend « mettre un terme aux crédits de remise de peine (…) mis en place au début des années 2000. « Ce que je veux, c’est en finir avec l’hypocrisie et remettre de la vertu dans le système : des remises de peine, oui, si elles profitent à la société, au personnel et au détenu lui-même, qui devra faire, pour en bénéficier, les efforts de réinsertion nécessaires », justifie-t-il.

Le gouvernement est bien mal placé pour nous parler de vertu, et semble également ignorer le fonctionnement de ces tribunaux qui assènent des peines de plus en plus longues et qui prennent en compte les remises de peines dans le prononcé de la peine. Sa vertu rougirait aux vues des conditions de détention.
Depuis le début de la création des remises de peine en 1972, celles-ci n’ont fait que diminuer tandis que les peines augmentaient.

Le délire de nos dirigeants serait de faire exécuter dans leur totalité les peines. Le précédant qui touche certains détenus pourrait se généraliser ; En effet depuis quelques années, l’octroi des crédits de peine a été supprimé pour certains prisonniers : pour les peines liées à des faits de terrorisme d’une part, puis, depuis 2019, pour certains détenus condamnés dans le cadre de violences conjugales et en projet pour les personnes inculpées dans des dossiers liés aux fonctionnaires dépositaires de l ‘autorité publique.

Mais ce dispositif n’est pas un cadeau, mais une nécessité pour pacifier la détention. Non seulement la suppression de remise de peine aggraverait la surpopulation carcérale, elle rallongerait les peines déjà très longues et boucherait les perspectives pour beaucoup.

Elle créerait une compétition insupportable dans les prisons puisque du travail, il n’y en à pas pour tout le monde, loin de là, idem pour les activités et tout le reste… Entamer une démarche de soins ou une thérapie en prison ou reprendre des études ou une formation révèle de l’exploit.