BASSINES, NON MERCI !

La Rochenard, 26 mars 2022. Manifestation pour un printemps maraichin et contre les méga-bassines, Julien Le Guet porte-parole du collectif “Bassine Non Merci

À Poitiers, le week-end du 13 et 14 mai 2023, se tenait le forum des luttes et des livres anticapitalistes. Le 14 mai, julien LE GUET membre de Bassine non merci, présentait la lutte contre les bassines.

« Les bassines sont des ouvrages de stockage d’eau pour l’irrigation. Ce sont des cratères de plusieurs dizaines d’hectares en moyenne, recouverts de bâches plastiques noires retenues par des digues de 10 m de hauteur en moyenne.

Elles ne sont PAS remplies avec l’eau de pluie ni de l’eau de ruissellement ! Les bassines sont alimentées par des pompes qui vont chercher l’eau de bonne qualité dans les sols, les NAPPES PHRÉATIQUES.

Face aux pénuries d’eau en été, la solution trouvée par les agro-industriels et le gouvernement est de construire des bassines pour pomper de l’eau en hiver et la stocker. Une minorité d’exploitations (environ 5%) a le privilège d’être connectée à la bassine et de bénéficier de cette eau pour irriguer les cultures l’été, alors que le reste du territoire subit le manque d’eau et doit s’adapter aux restrictions préfectorales.

À quoi servent les bassines ?

Essentiellement à irriguer du maïs dont une bonne partie sera exportée. Cette plante, qui a besoin d’eau à un moment où il y en a peu (d’autant plus sur des sols superficiels), n’est pas adaptée à nos conditions pédoclimatiques et est principalement utilisée pour nourrir les animaux d’élevage industriel. Les exploitants l’utilisent aussi pour arroser des cultures qui finiront dans un méthaniseur pour en faire de l’énergie. Avec ce modèle, les pratiques agricoles sur notre territoire ne fournissent qu’à peine 2 % de notre consommation en fruits et légumes !

L’argent pour ces projets privés ne sort pas uniquement de la poche des irrigant.e.s… Ces ouvrages sont subventionnés à plus de 70% par de l’argent public ( 60 millions d’€). Le principal financeur est l’Agence de l’eau… elle-même financée majoritairement (70%) par une taxe prélevée sur les factures d’eau des citoyen.ne.s !

En France, la loi sur l’eau a classé l’accès à l’eau selon les priorités suivantes :

  • Accès eau potable
  • Préservation des milieux naturels
  • Eau économique (industrie, agriculture…)

Depuis plus de trente ans, cette loi n’est plus respectée en France : la troisième priorité est passée devant la seconde (plus de 500 km de rivières asséchées dans le 79 depuis 30 ans alors que les canons arrosent…) et sur plusieurs départements, l’accès à l’eau potable a été récemment assurée par des citernes et bouteilles d’eau.

Focus sur la méga-bassine de Ste Soline

À Ste Soline, dans les Deux-Sèvres, les travaux de la plus grande méga-bassine en projet ont commencé en octobre 2022. Cette véritable « pieuvre des Terres Rouges » a des caractéristiques terrifiantes : 16 hectares d’emprise au sol, une capacité de 720 000 m³ d’eau, des digues de 8 m de hauteur, 18 km de tuyaux pour acheminer l’eau pompée dans 6 points de captages… Son remplissage nécessitera 43 jours consécutifs, avec un pompage 24 h / 24 h et 7j/7… Tout cela pour seulement 12 exploitations connectées…

PAS DE BASSINE A SAINTE- SOLINE ET AILLEURS !

Depuis un an, le mouvement parti du marais poitevin pour arrêter les méga-bassines a pris une ampleur retentissante par le biais d’une série de manifestations populaires et d’actions de désobéissance destinées à arrêter les chantiers en cours. Ces cratères géants d’une dizaine d’hectares, remplis en puisant dans les nappes phréatiques sont devenus le symbole d’une maladaptation au changement climatique. Ils incarnent le maintien coûte que coûte d’une irrigation excessive et d’un modèle agro-industriel qui écrase les paysan.ne.s, détruit les milieux naturels et menace in fine les populations.

A partir d’une série de nouvelles bassines projetées dans les Deux-Sèvres, ces infrastructures menacent de se répandre dans d’autres régions à grand renfort d’argent public. Avec la mobilisation historique de Sainte-Soline, c’est à l’ensemble du pays et bien au-delà que se sont vus révélés les enjeux de l’accaparement de l’eau par une minorité d’irrigants, en pleine sécheresse systémique.

Face à la détermination et au nombre chaque fois croissant de manifestant•es, le gouvernement n’a pour l’instant pour seule réponse que d’interdire, réprimer et annoncer à l’arracher 30 nouvelles méga-bassines dans la Vienne. Mais de toutes parts, le dispositif bassine et ses protocoles prennent l’eau, de nombreux•ses acteurs•trices clés des territoires concernés – tout comme une partie croissante du monde paysan ou scientifique – le rejettent de plus en plus ouvertement.

Les 25 et 26 mars 2023, se tenait dans les Deux-Sèvres, une Mobilisation Internationale pour la défense de l’eau et contre les mégabassines intitulée : Pas une bassine de plus !

Le samedi 26 mars, une manifestation se dirige vers Sainte-Soline ou se construit une bassine de rétention d’eau et l’équipe de la mégaradio (groupement de radio associatif.) dont l’actualité des luttes fut partie prenante.

Nous vous proposons, dans l’émission de ce jour, le reportage réalisé ce 26 mars. Nous entendrons successivement un collectif venant de Redon, les prises de parole du samedi matin avant le départ en manifestation, un entretien avec le porte-parole de la confédération paysanne des deux- Sèvres et une série de sons de la manifestation.

Bien évidemment, nous affirmons, notre solidarité avec les nombreux et nombreuses blessé-e-s et personne dans le coma, victime de la violence de l’état de cette journée

La réponse du gouvernement ne s’est pas fait attendre. La semaine dernière, le ministre de l’Intérieur a demandé la dissolution du collectif les soulèvement de la terre. En réponse, le collectif a publié un communiqué que nous mettons ci-dessous

Le 02 avril 2023 – Réponse à la trumpisation accélérée du ministre de l’Intérieur Darmanin dans le JDD

Nous sommes les Soulèvements de la Terre

Depuis vendredi matin plus de 50 000 personnes dont des milliers de personnalités, syndicalistes, artistes, scientifiques, élu-es, et des dizaines d’organisations politiques, associatives et syndicales en France et à l’international ont affirmé leur adhésion au mouvement des Soulèvements de la Terre par un appel « Nous sommes les Soulèvements de la Terre » initialement publié dans le Monde.

Cependant et alors que les autres initiatives de soutien se multiplient à travers plusieurs tribunes indépendantes, un ministre de l’intérieur, aux abois, s’entête hier soir encore dans un entretien au JDD à prétendre dissoudre cette large coalition pour la défense des terres et de l’eau. Voici pour rappel notre réaction à l’annonce cette mesure de dissolution.

Faire disparaître les luttes locales ?

Mais après les Soulèvements de la Terre, ce sont désormais aussi les « zads », et derrière ce terme les luttes locales, que le gouvernement prétend faire disparaître.

Rappelons en passant qu’à Sainte-Soline, que ce soit lors des mobilisations d’octobre ou de mars, personne n’a jamais prétendu constituer une zad et rester sur le terrain en dehors du temps de la mobilisation, à part le ministre de l’intérieur qui agitait une pure chimère pour pouvoir affirmer qu’il avait empêché quelque chose de se produire.

En réalité, au vu de la carte des 42 « sites sous surveillance » offerte par le JDD sur la base des services de renseignement, c’est l’ensemble des luttes écologistes vivaces de ce pays – face à des projets inutiles et écocidaires d’autoroutes, d’extension d’aéroports, de mines de lithium, de méga-bassines, de bétonisation de jardins populaires – qu’il s’agit pour ce gouvernement de museler. Sa cellule « anti-zad » et ce qu’elle recouvre réellement est bien une déclaration de guerre au mouvement écologiste et paysan dans son ensemble, aux habitant-es des territoires qui lui font face.

Par ses fables sur la menace d’ultra-gauche et ses mensonges éhontés sur les blessé-es, le ministre de l’intérieur déploie évidemment un exercice de propagande destiné à se protéger de l’ensemble des vives critiques sur sa gestion brutale du maintien de l’ordre auquel il va devoir répondre cette semaine, y compris du côté d’institutions internationales et ONG emblématiques : ONU, Conseil de l’Europe, défenseurs des droits, commission des lois, Ligue des Droits de l’Homme, Amnesty international… Mais nul doute que dans les délires paranoïaques et fantasmes diabolisateurs du ministère de l’intérieur, l’ensemble de ces personnes soient désormais passées dans le camp des dits « éco-terroristes ». Nul doute aussi que ses allégations délirantes sur les manifestant.es venu.es pour « tuer du flic » ne cherchent qu’à cacher la réalité : ceux qui ont tué ces 20 dernières années dans ce pays ne sont pas les manifestant.es écologistes mais bien la police : dans son service du maintien de l’ordre  et dans les quartiers populaires, entre autre. Elle a éborgné et mutilé ces dernières années des dizaines de personnes durant le soulèvement des gilets jaunes, le mouvement loi travail, l’expulsion des zads ou le mouvement actuel des retraites. 

Quant à son déni réitéré sur l’usage de LBD, d’armes de guerre et surtout sur l’obstruction faite au secours par les forces de l’Ordre à Sainte-Soline, on constate une trumpisation effarante de la parole gouvernementale passée dans une réalité alternative en qualifiant de fake news des éléments délivrés par des journaux de référence sur la base d’enregistrements et de témoignages concordants délivrés par des observateurs de la Ligue des Droits de l’Homme, élu.es et représentant.es syndicaux présents sur place (https://lessoulevementsdelaterre.org/blog/sainte-soline-lenregistrement-qui-prouve-que-le-samu-na-pas-eu-le-droit-dintervenir).

Mais Darmanin entend aussi détourner l’attention sur le fond du problème : l’action anti-écologique du gouvernement au profit d’intérêts privés. En pleine crise climatique et hydrologique, alors que des centaines de milliers de personnes à travers le pays ressentent une urgence aussi vitale que salutaire à agir, Darmanin se permet de mettre le doute sur la sincérité de leurs motivations. Il est désormais clair en tout cas que la motivation de son gouvernement est de continuer à protéger les profits de quelques industries du ciment, du sable, des engrais et pesticides (1)quel qu’en soit le coût humain, écologique, et d’ailleurs économique (5 millions d’euros de coût de l’opération de maintien de l’ordre le 25 mars à Sainte-Soline – soit plus que la facture du chantier, des bassines qui profitent aux intérêts privés de quelques agriculteurs mais qui sont financées à 70% par de l’argent public, un ministre de l’Agriculture vient tout juste de revenir sur l’interdiction du S-metholachlore en guise d’allégeance au nouveau président de la FNSEA, émissaire de l’agro-business….).   

Nous ne savons pas jusqu’où ira ce gouvernement pour espérer sauver sa peau en mutilant et piétinant sa population et en augmentant quotidiennement le niveau de mensonges assénés aux médias, mais nous réaffirmons qu’il est grand temps que Darmanin démissionne et que son gouvernement se dissolve.

En ce qui concerne la procédure de dissolution des Soulèvements de la Terre dont le mouvement a reçu la notification jeudi 30 mars et qui pourrait être prononcée dès le 12 avril : l’ensemble des collectifs et les dizaines de milliers de personnes partie prenante des Soulèvements de la Terre n’entendent pas se laisser interdire d’agir ensemble par des décisions ministérielles d’un gouvernement illégitime. Plus d’un millier de personnes sont d’ores et déjà prêtes à attaquer juridiquement le décret de dissolution s’il devait paraître.

Nous attirons à ce sujet l’attention sur la note des renseignements intérieur ayant abouti à cette procédure de dissolution et lisible dans son intégralité sur le site de Lundi Matin avec notre analyse. En effet, à la lecture de cette note confidentielle étonnamment élogieuse, on comprend qu’au-delà du prétexte affiché de la violence, si le ministre cherche à dissoudre le mouvement, c’est essentiellement parce qu’il réussit à fédérer et peser sur le champ politique !

## Enfin et pour l’heure, nos premières préoccupations vont toujours aux blessé-es que le gouvernement a choisi délibérément de démultiplier pour tenter de terrifier un mouvement, à Serge toujours entre la vie et la mort, à Michaël encore dans un état  extrêmement grave, à celles et ceux qui ont perdu un œil, un pied, qui resteront meurtri-es dans leurs corps et dans leurs têtes. 

Pour elles et eux, parce qu’une lame de fond ne peut être dissoute, nous continuerons notre combat pour les terres et l’eau, immédiatement en solidarité avec le mouvement des retraites et pour la fin rapide des méga-bassines.