Film “Devant – contrechamp de la rétention” de Annick Redolfi

On lit sur le site du ministère de l’Intérieur que « les centres de rétention administrative ont été officiellement créés par la loi du 29 octobre 1981 ». Derrière cette phrase, il y a toute l’histoire du centre d’Arenc, un hangar des quais du port de Marseille où, de 1963 à 1975, des milliers d’étrangers ont été détenus, à la discrétion de l’administration, jusqu’à leur embarquement forcé sur un navire. Ce centre de rétention « avant la lettre » existait en dehors de tout cadre juridique, les détenus étaient privés d’accès à un avocat et de tout contact avec l’extérieur.

Le centre occupait le deuxième étage d’un hangar désaffecté d’une zone industrielle à proximité de la gare maritime. Ces locaux (quelques bureaux et une salle d’attente, accessibles uniquement par un escalier métallique externe) avaient été cédés à la Sécurité publique par la Chambre de commerce de Marseille au début des années 1960.
L’utilisation de ce bâtiment comme lieu de détention se situe dans le contexte de la fin de la guerre d’indépendance algérienne (1954-1962).

Dans l’émission de ce jour, nous recevons Annick Redolfi, pour son Film “Devant – contrechamp de la rétention”. En sa compagnie, nous parlons de ce qu’il l’a motivé pour réaliser ce film. Son itinéraire, son refus de tout enfermement, en un mot la liberté pour toutes et tous. Dans l’émission, nous entendrons trois extraits du film.

Intentions par Annick Redolfi

Il est des injustices qui nous insupportent plus que d’autres. Celle que vivent les personnes dites « sans papiers » en France m’interpelle depuis que je suis arrivée à Paris. En 1996, un collectif de « sans-papiers » occupe l’église Saint Bernard, tout proche de mon domicile. L’épisode médiatisé donne alors un coup de projecteur sur la réalité de ces femmes et ces hommes immigrés à qui l’administration refuse de délivrer un titre de séjour, alors qu’ils travaillent, ont des enfants nés sur le sol français, participent à la vie sociale et économique. Depuis, le mot est entré dans le langage courant et colle à la peau d’êtres humains, les privant de leur humanité. Comme si on pouvait être « sans papiers » par essence. Ça rend la tâche de déshumanisation plus facile pour l’administration et les politiques discriminatoires envers les étrangers. Nous voilà bientôt 30 ans plus tard. Les choses ont affreusement empiré. Ce qui nous paraissait alors totalement inconcevable est devenu tout à fait légal, comme le délit de solidarité. Comme enfermer en prison pendant plusieurs mois des personnes qui n’ont commis ni crime ni délit.

Un jour, j’ai entendu à la radio que des « sans papiers » avaient mis le feu au centre de rétention de Vincennes. C’était en 2008. Cela se passait tout près de chez moi encore une fois. J’ai lu le récit des personnes retenues. J’ai décidé de rendre compte de ce qui se passait dans ces lieux invisibles. Et que Mon désir d’en faire un film est né. Je me suis rapprochée des citoyens engagés qui ont créé l’Observatoire du centre de rétention de Vincennes. J’ai fait des visites aux retenus pour rendre compte des parcours des personnes enfermées et de ce qui se passe dans les centres de rétention.

N’ayant pas obtenu l’autorisation de filmer dans le centre de rétention, j’ai cherché la forme que pourrait prendre ce film. C’est en passant de nombreuses heures d’attente à discuter avec les autres visiteurs que le dispositif filmique s’est imposé. L’accueil des visiteurs. Lui, je peux le filmer. Même si Les policiers de garde veillent à ce que la caméra ne soit jamais tournée vers le centre de rétention. Ce qui m’est apparu d’abord comme une contrainte est devenu la force du film : en observant la rétention en plans serrés, j’englobe/ais le lieu d’enfermement et tous ceux qui sont pris dans son champ de gravité : les visiteurs des retenus et au-delà, la société française dans son ensemble. L’accueil des visiteurs est un lieu frontière, entre intérieur et extérieur. C’est là que se joue tous les jours le même théâtre de l’absurde : celui de l’enfermement de personnes étrangères qui n’ont commis ni crime ni délit, mais qui n’ont « pas de papiers ».

Dans cet espace, nos personnages évoluent à huis clos dans une dynamique de l’attente qui évoque la pièce de Samuel Beckett «En attendant Godot». Ils sont nos fenêtres sur l’intérieur interdit, l’incarnation de l’extérieur invisible, les passeurs du vécu d’un enfermement qui est aussi le leur car il s’inscrit dans leur histoire intime. Ils sont des révélateurs, montrant comment notre société assigne l’Étranger au rôle d’indésirable. Comment la France n’est pas le pays des Droits de l’Homme qu’elle prétend incarner.

Derrière ces parcours de la rétention, le film dépeint une réalité française que nous ne voulons pas voir. Il questionne un système institutionnalisé de criminalisation de l’étranger qui se durcit au fil des lois sur l’immigration. Un système absurde car il est aussi inefficace et coûteux, qu’inhumain et indéfendable. L’invisibilité de la rétention dans la société, la banalisation de la figure du « sans-papiers » sont autant de symptômes d’un glissement idéologique dangereux, d’une vision politique pernicieuse de notre avenir qui efface le sens des mots « hospitalité » et « humanité ». Il ne se passe pas une rencontre avec les visiteurs du centre de rétention de Vincennes sans que l’on me demande : « Où est la France, pays des droits de l’homme ? » Je n’ai toujours pas la réponse.


site du film : https://www.iskrafilms.com/DEVANT

https://www.facebook.com/iskrafilm/

MAYOTTE ANGLE MORT

Le Dimanche 9 février 2025 avait lieu une soirée de soutien en solidarité avec les personnes les plus durement touchées par “Chido” à Mayotte au DOC
26 Rue du Docteur Potain 75019 Paris, intitulé : Mayotte Angle Mort. Lors de cette soirée organisé dans le cadre des cartes blanches de la Clefs Revival, le film “Malavoune Tango” de Jean-Marc Lacaze était diffusé. Cette projection était d’une discussion débat porté par Solène Dia, Jassem Issouf et Mohamed Nabhane. Iels y présenteront leurs expériences à Mayotte et discuteront des rapports entre Mayotte à l’État français, de la violence administrative et politique que connaissent les personnes considérées comme étrangères à Mayotte, et de la situation spécifique des personnes mineures sur l’île. Tout les fonds des entrées et du bar était reversés à l’association Kaja Kaona venant en aide à la population du village de Tsoundzou.

Dans cette émission, nous vous diffusons les enregistrements réalisés lors de cette soirée.

ON A GRÈVÉ A L’HÔTEL HOLIDAY INN

Dans l’émission de ce jour, nous serons à Clichy ce 15 Décembre, où fut projeté le documentaire réalisé en 2012.
“On a grèvé” : mémoire d’une lutte gagnante dans la sous-traitance hôtelière à Clichy comme Suresnes, en présence du réalisateur Denis Gherbrandt.

À l’issue de la projection une discussion se tenait sur la suite du mouvement de gréve à l’hôtel Holiday Inn de Clichy.