Ukraine-Gaza, regards croisés

crédits Photos: Florimage et CA

Dans l’émission de ce jour, nous vous proposons l’écoute d’une partie de la conférence-débat : Ukraine-Gaza, regards croisés.

Le mardi 3 décembre 2024, l’équipe du Crash a eu le plaisir de recevoir Julia Grignon, Jean-François Corty et Rony Brauman pour une conférence-débat à l’occasion de la sortie du dernier numéro de la revue Alternatives Humanitaires : « Ukraine-Gaza, regards croisés » dans lequel praticiens et observateurs de l’humanitaire vont partager leurs analyses. 

Le conflit israélo-palestinien, violemment réactivé à la suite des attaques terroristes orchestrées par le Hamas le 7 octobre 2023, a presque remisé au second plan le conflit russo-ukrainien[1]. Les regards du monde entier se sont alors en effet tournés vers cette étroite langue de terre coincée entre Israël, l’Égypte et la mer Méditerranée qu’est la bande de Gaza.

Une attention évidemment compréhensible, lorsque l’on constate le nombre élevé de victimes essentiellement civiles qu’a entraîné le conflit depuis lors. Pourtant, la crise engendrée par l’agression russe de l’Ukraine le 24 février 2022 n’a rien perdu de son ampleur : six millions de réfugiés sont encore en dehors du pays, tandis que cinq millions de personnes sont déplacées à l’intérieur de celui-ci[2]. La « disparition » du conflit russo-ukrainien a amené le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, à se démener pour maintenir l’attention médiatique et politique alors que les combats s’enlisent, et que grandit sa crainte d’une diminution du soutien international en réponse à l’invasion russe[3].

À vrai dire, si le conflit israélo-palestinien semble avoir relégué dans l’oubli la grande majorité des situations de violence armée en cours dans le monde – y compris le conflit russo-ukrainien donc –, il faut se souvenir que celui-ci avait produit le même effet lorsqu’il avait éclaté en 2022. Et il faut rappeler également que, de l’Afghanistan au Soudan en passant par la Birmanie, le Yémen, la République démocratique du Congo, la Centrafrique ou encore Haïti, les « crises oubliées » ont été de tout temps en nombre bien plus élevé que les « crises médiatiques ».

Qu’ont donc de particulièrement révoltant, inquiétant et révélateur ces deux conflits à Gaza et en Ukraine ? Des conflits qui par ailleurs – et c’est une donnée majeure – témoignent d’une concurrence et d’arbitrages aussi bien dans les budgets militaires (des acteurs directs et de leurs soutiens) qu’humanitaires (ressources limitées des bailleurs), lesquels ne font qu’ajouter à la tension et à la relégation que subissent les autres crises humanitaires dans le monde.

De toute évidence, nous ne sommes pas là dans une situation « classique » d’élan compassionnel et médiatique qui disparaitra avec la prochaine crise majeure : ces deux conflits nous interpellent parce qu’ils disent quelque chose de la géopolitique actuelle, d’une certaine forme de reconfiguration du monde, des usages du droit international humanitaire (DIH) et de la place accordée aux acteurs humanitaires par les belligérants.

De l’Ukraine à Gaza, deux guerres « en concurrence »[4] se déroulent de façon simultanée aux frontières de l’Europe et au Proche-Orient. Les terrains et les actions militaires sont très différents, les acteurs directement impliqués aussi, mais dans les deux cas, sur les écrans de télévision, les images de guerre se suivent, se ressemblent et se confondent presque. Rien n’évoque plus un massacre de civils qu’un autre massacre[5]. Le traitement médiatique de ces deux conflits opère parfois un parallèle où la complexité de la situation laisse place à l’émotion[6] et une comparaison dangereuse de la compassion des uns et des souffrances des autres[7].

Du Donbass au Proche-Orient – mais on peut associer la situation dans le Caucase (Haut-Karabagh) –, on assiste à des guerres à la fois globales et de proximité : elles éclatent et se répondent sur une courte période, dans un périmètre euroméditerranéen restreint, enjeu d’une nouvelle compétition de puissances dont on pressent qu’elle peut aboutir à un embrasement et à une reconfiguration majeure du monde tel que nous le connaissons.

Les acteurs humanitaires doivent donc s’interroger sur ce monde qui peut se dessiner et sur le rôle qu’ils peuvent y jouer avec les limites que ces conflits auront peut-être tracées. C’est qu’ils recouvrent par ailleurs une dimension non seulement territoriale, mais aussi identitaire et sociale, puisqu’ils renvoient à la catégorie des « guerres existentielles » qui relient leurs peuples à un traumatisme collectif : Shoah chez les Israéliens, Nakba chez les Palestiniens, Holodomor chez les Ukrainiens, sans oublier Medz Yeghern (« grand carnage ») chez les Arméniens. La mémoire des génocides et d’autres tragédies – on pense à la mémoire coloniale – traverse les esprits et les générations[8].

Le drame que traverse le Proche-Orient et les craintes d’une extension du conflit font écho à la sidération qui avait saisi le monde en février 2022 en Ukraine. Mais ils ne font aussi que renforcer les questions que les deux situations, comme en miroir, font surgir dans un contexte évident de résurgence des conflits de haute intensité et à forte mortalité. De nombreux analystes l’avaient annoncé, notamment dans le numéro que la revue Alternatives Humanitaires avait consacré au DIH[9].

C’est pour participer à la nécessaire réflexion sur la réponse humanitaire apportée aux conséquences des conflits israélo-palestinien et russo-ukrainien autant qu’à ce qu’ils risquent d’engendrer que la revue Alternatives Humanitaires a décidé de leur consacrer ce numéro vraiment spécial, puisqu’il leur est entièrement réservé. L’appel à contributions a été lancé en janvier de cette année, mais sa pertinence se confirme jour après jour à l’aune des évolutions respectives de ces deux conflits qui se font violemment écho.

Ce numéro invite à opérer un regard croisé, à distance des prises de position politiques qui, si elles ont toute leur légitimité, disposent d’autres espaces éditoriaux pour s’exprimer. Notre but est de jeter un pont analytique entre ces deux conflits, pour mettre en perspective la véritable déflagration qu’ils représentent dans le secteur humanitaire et toutes les remises en cause qu’ils engendrent, la façon dont les acteurs humanitaires font face et s’adaptent[10], les difficultés rencontrées et les moyens mis en œuvre pour les surmonter et améliorer le sort des victimes. Qu’est-ce que les conflits israélo-palestinien et russo-ukrainien changent et confirment pour le secteur humanitaire ? Comment amènent-t-ils à revoir les manières de travailler, à questionner l’ensemble des principes humanitaires, quels débats ont-ils suscité dans le milieu des ONG humanitaires[11] ? Ce sont ces questions qui nous ont guidés pour retenir les contributions qui composent ce dossier. Les unes et les autres expriment des avis parfois différents, toujours complémentaires et respectables. Nous espérons qu’elles apportent des réponses, à tout le moins de la réflexion, pour mieux comprendre les enjeux que ces deux guerres soulèvent pour le présent et le futur de l’action humanitaire.

Tous nos remerciements à Vincent Léger et Pierre Gallien, membres du Comité de rédaction, pour leur travail sur la première version de la problématique de ce dossier.

quel syndicalisme pour les luttes dans le nettoyage et contre la sous-traitance ?

Le 31 octobre 2024, La Bourse du travail d’Aubervilliers en lutte contre son expulsion conviait à une projection-débat sur les luttes dans le nettoyage et contre la sous-traitance à partir du film On a grévé, réalisé par Denis Gheerbrant en 2014.

Un documentaire sur une étape victorieuse de la grève de 2012 d’une vingtaine de femmes de chambre dans un hôtel Campanile Première Classe à Suresnes pour de meilleurs salaires et de meilleures conditions de travail, et finalement contre le système de la sous-traitance.

Alors que ce même hôtel, plus de 10 ans plus tard et de nouveau en grève.

Suite à cette projection, s’en est ensuivi d’une discussion en présence de Claude Lévy et Tiziri Kandi , qui lors de là gréve de 2012, était à la CGT hôtel de prestige et économique(HPE) et aujourd’hui syndicaliste a la CNT-Solidarité Ouvrière.


En leurs compagnies, il sera question de : Quel syndicalisme pour les luttes dans le nettoyage et contre la sous-traitance ?

AISDPK: le colonialisme français en Kanaky

Le 19 octobre, se sont déroulées deux tables rondes sur l’actualité du colonialisme français, au Centre International des cultures populaires et organisé par Association information et soutien aux droits du peuple Kanak. Aujourd’hui, nous vous diffusons le montage de la première, qui concernait la situation en Kanaky avec Daniel Wéa, président du Mouvement des Kanaks en France ; Isabelle Leblic, anthropologue et coprésidente de l’Association Information et soutien aux droits du peuple kanak (AISDPK) ; Nathalie Tehio, présidente de la Ligue des droits de l’Homme, Benoit Trépied anthropologue spécialiste du droit Kanack Animateur : Mehdi Lallaoui, coprésident de l’AISDPK.

En effet, depuis décembre 2021, le gouvernement Macron a choisi son camp en prenant parti ouvertement pour les loyalistes. Il a préparé et présenté la loi constitutionnelle envisageant d’élargir le corps électoral en Nouvelle-Calédonie pour minoriser les Kanak sur leur territoire. Les indépendantistes ont d’abord commencé par se mobiliser pacifiquement depuis le mois d’octobre 2023 avec la création de la CCAT (Cellule de coordination des actions de terrain). Le vote de cette loi le 13 mai 2024 et la perspective de la réunion du congrès à Versailles fin juin 2024 ont mis le feu aux poudres. Macron en avait allumé la mèche.

Le pays est en révolte et les milices loyalistes marchent aux côtés des forces de l’ordre de l’État français pour réprimer et assassiner les militants indépendantistes, au premier rang desquels se trouvent les Kanak, peuple colonisé.

Depuis le 12 mai, l’État français mène une politique de criminalisation de l’action politique kanak. Il y a une moins une dizaine de personnes décédées, 1 260 gardes à vue, 210 déferrements, 93 incarcérations, plus de 340 interpellations en justice, et plus de 260 mesures de travail alternatif. Et les interpellations continuent.

Onze responsables de la CCAT ont été arrêtés et incarcérés. Sept d’entre eux, 2 femmes et 5 hommes, viennent de passer devant la justice calédonienne et ont été immédiatement déportés vers les prisons françaises. Cette déportation est contraire aux droits démocratiques garantis par la convention européenne des droits de l’Homme.
Afin de les isoler, l’État français a dispersé ces sept militants aux quatre coins de la France, à 17 000 kilomètres de leur famille :
– Mulhouse pour M. Christian TEIN
– Dijon pour Mme Brenda WANABO IPEZE
– Bourges pour M. Guillaume VAMA
– Blois pour M. Steeve UNË
– Nevers pour M. Yewa WAETHEANE
– Villefranche-sur-Saône pour M. Dimitri QENEGEI
– Riom pour Mme Frédérique MULIAVA


Mais qu’en est-il des loyalistes assassins des militants kanak à proximité des barrages? Pas de déportation vers les prisons françaises en tout cas… si jamais incarcération il y eut en Nouvelle-Calédonie.

Fin de la Francafrique ?

Le mardi 19 septembre 2023, avait lieu un “Apéro Critique” à la Maison ouverte, 17 rue Hoche à Montreuil, intitulé ” Avenir de L’Afrique : fin de la Francafrique?”. Lors de ce débat autour des coups d’état militaire au Sahel. A cette occasion, nous avons pu écouter Allasane Dicko membres d’ Afrique Europe Interact, David Mauge, membre de Survie et contributeur de l ouvrage Une histoire de la Francafrique : l’empire qui ne veut pas mourir, et Bruno Jaffre membre de Survie et auteur d’un blog sur le Burkina. Dans cette émission, nous vous diffusons une partie des prises de paroles réalisées à cette occasion.

Commémoration de la NAKBA

Ce 14 mai 2023, se tenait à la marbrerie de Montreuil un événement qui avait pour objectif de commémorer la Nakba, la catastrophe qui a vu il y a 75 ans l’expulsion de 800 000 Palestiniens de leur terre, la dépossession de leurs biens, des massacres et la destruction de plus de 500 villages palestiniens.

Dans cette émission, nous diffusons les interventions de la table ronde avec :

Dana Farraj est avocate et chercheuse à l’université de Birzeit. Elle est réfugiée, vit à Ramallah et est investie contre les démolitions punitives de maisons. Elle s’intéresse aux droits des réfugiés et au droit pénal international.

Salah Hamouri est avocat. Ancien prisonnier politique, il a été expulsé de Jérusalem en décembre 2022. Il est Palestinien de Jérusalem et défenseur des droits humains.

Qassam Muaddi vit à Ramallah. Il est journaliste et écrivain palestinien. Il analyse les mouvements qui traversent la société palestinienne notamment pour le media The New Arab.

Rania Muhareb, Palestinienne de Jérusalem, est doctorante au Centre irlandais des droits de l’Homme à l’université de Galway. Elle est membre d’Al Shabaka et a travaillé pour l’organisation palestinienne de défense des droits humains Al Haq.