Proposition de loi relative « au renforcement de la sûreté dans les transports » et vidéosurveillance algorithmique (VSA)

Appliqués en vertu de la loi jeux olympiques, les premiers arrêtés préfectoraux autorisant la vidéosurveillance algorithmique (VSA) viennent d’être publiés. La RATP et la SNCF peuvent désormais surveiller automatiquement à titre expérimental les personnes comme à l’occasion du match PSG/OL qui se tenait le 21 avril dernier ou comme à l’occasion du concert des Black Eyed Peas, le 20 avril. Loin de s’en laisser compter, vous entendrez dans cette émission de plus amples explications et détails de la Quadrature du net, qui organisait une conférence de presse sur le sujet, le 2 mai 2024, à la faveur d’une nouvelle offensive du gouvernement au travers de la proposition de loi « relative au renforcement de la sûreté dans les transports ». Il s’agira également pour l’association de présenter son nouvel axe de campagne, intégrant la lutte contre les dispositifs de vidéosurveillance algorithmiques illégaux.

Mais revenons à la proposition de loi « relative au renforcement de la sûreté dans les transports ». Cette dernière s’inscrit dans la continuité de la loi Sécurité globale de 2021, qui était déjà fortement attentatoire aux libertés publiques. Et c’est une présentation de la loi bien qu’encore en construction au jour de l’écriture de ces lignes, que vous entendrez en deuxième partie d’émission.

Et pour conclure l’heure, nous vous ferons entendre la lecture d’un communiqué de la Quadrature du net. Celle-ci vient en effet de déposer un référé-liberté pour demander au Conseil d’État la suspension de la décision du Premier ministre de bloquer Tiktok en Kanaky Nouvelle-Calédonie. A savoir aussi, que la Ligue des Droits de l’Homme ainsi que “trois citoyens résidant ou présents en Nouvelle-Calédonie, représentés par l’avocat Vincent Brengartha” ont également déposé un référé-liberté dans le même sens.
Le conseil d’État a rendu sa décision le 23 mai. Celui-ci fait valoir que « saisi par des associations et des particuliers, le juge des référés du Conseil d’État ne suspend pas le blocage de TikTok en Nouvelle-Calédonie. En effet, les requérants n’apportent pas d’éléments pour démontrer que ce blocage a des conséquences immédiates et concrètes sur leur situation et leurs intérêts, ce qui est une « condition d’urgence » nécessaire pour l’intervention du juge des référés. Dans un contexte où tous les autres réseaux sociaux et médias presse, TV et radio restent accessibles, et parce que ce blocage temporaire vise à contribuer au rétablissement de la sécurité sur l’archipel, le juge des référés rejette la demande des requérants. ». Autrement dit, le Conseil d’État ne considère pas sur la forme que la suspension d’un réseau social utilisé par une partie de la population relève d’une urgence, et ne se prononcera donc pas sur la légalité de la mesure. Pour cela, pour que le fond soit examiné, il faudra attendre plusieurs mois. À moins qu’un autre type de référé, le référé-suspension, ne soit déposé. Le délai dans lequel sera rendue la décision pouvant aller jusqu’à un mois… De quoi faire traîner encore potentiellement les choses. Bref, le Conseil d’État botte en touche et accompagne la répression de l’État.

Contenu de la proposition de loi relative « au renforcement de la sûreté dans les transports » :
Concernant la proposition de loi relative « au renforcement de la sûreté dans les transports », et de son article 9, quasi copié-collé de l’article 10 de la loi relative aux Jeux olympiques adoptée l’année dernière. Celle-ci prévoyait l’utilisation d’algorithmes de reconnaissance de comportements dans un cadre soit-disant « expérimental » pour tout évènement récréatif, sportif et culturel. Mais intéressons-nous plus en détail à la proposition de loi en cours, engagée dans une procédure accélérée par le gouvernement. Que dit-elle ?
Cette loi est présentée dans sa filiation comme la successeure de la loi Savary-Leroux de 2016. Cette même loi qui interdisait et sanctionnait les mutuelles de fraudeurs, pénalisait les messages d’alerte en amont de point de contrôle, permettait aux contrôleurs d’agir en tenue civile, de fouiller visuellement les bagages, et qui permettait également à ces derniers de procéder à des palpations. Le présent projet de loi sur les transports s’inscrit en outre, plus directement, comme une petite sœur de la loi Sécurité globale et de son concept de “continuum de sécurité”. Le but poursuivi est de, je cite : “renforcer [le continuum de sécurité] par la coordination de l’ensemble des forces de sûreté, afin de répondre aux enjeux et aux défis de la violence, de l’insécurité et des incivilités à chaque moment et chaque étape de la vie dans l’espace public.“.
A cette fin, le projet de loi entend renforcer une nouvelle fois les prérogatives des agents de sécurité de la SNCF et de la RATP. Ceux-ci pourraient alors effectuer des palpations plus facilement et intervenir aux abords des gares et plus seulement à l’intérieure de celles-ci ; ils pourraient par ailleurs, interdire l’accès en gare à des personnes refusant la fouille des bagages, troublant l’ordre public ou dont je cite : le “comportement est de nature à compromettre la sécurité des personnes ou la régularité des circulations” des trains. Le cas échéant, pourra être fait bien entendu appel à la force publique. La liste des flicages ne s’arrête pas là, puisque le projet de loi entend pérenniser les caméras-piétons pour les agents, étendus aux chauffeurs de bus, mais aussi autoriser les captations sonores dans les wagons. Les fraudeurs dits “réguliers” seraient davantage sanctionnés et il serait créé un délit “d’incivilité d’habitudes” pour les personnes ayant été verbalisée plusieurs fois pour incivilités. Une peine complémentaire d'”interdiction de paraître”, spécifique aux transports publics et pour une durée maximum de trois ans est à l’étude pour ces deux dernières catégories. Par la même, est envisagé dans la proposition de loi une amende de 2 500€, lorsqu’un bagage oublié par négligence provoque une perturbation du trafic. En outre, une autorisation serait donnée aux régies de transports pour traiter des données sensibles, ce qui permettrait si cela n’était pas retoqué, de collecter des données liées à l’origine raciale, les données de santé ou encore les opinions religieuses et politiques. Autre idée des législateurs, et on en terminera là : les procès-verbaux d’infractions commises dans les transports serait transmis directement au ministère public.
De quoi donc durement réprimer tout ce qui serait caractérisé comme anormal, déviant, à même de s’inscrire en dehors de l’ordre établi et de la bonne régulation des flux. Ce nouveau projet de loi répressif, avec ses promesses d’arbitraire, examiné au mépris renouvelé du Parlement et à la légitimité démocratique faible, punira tout particulièrement les pauvres, les marginaux et tous ceux habitant l’espace public. Et tout cela, sans répondre à aucun impératif qui permettrait d’améliorer les conditions de transports, la qualité d’offre, les conditions de travail des salariés, l’accès aux transports et ainsi de suite. Ce projet de loi est actuellement en lecture en commission à l’assemblée nationale. Son adoption est prévue sauf opposition particulière, avant le début des jeux olympiques.

Voir aussi :

Le dossier législatif de la de la loi relative « au renforcement de la sûreté dans les transports ».
Un court article sur la proposition de loi réalisé par La Chaîne Parlementaire à la date du 14 mai 2024.
– Un article sur le média Ricochets (Drôme)
– Un article de Disclose sur « l’affaire Briefcam »
– Un article de Médiapart en date du 25 décembre 2023 : En prévision des JO, la SNCF a testé plus d’une dizaine d’algorithmes de vidéosurveillance
– Un article de Médiapart en date du 21 avril 2024 : Loi JO : des supporteurs de football en première ligne face aux algorithmes de surveillance

Jeux Olympiques Sécuritaires : l’étau se resserre

Il y a trois ans, La Quadrature du Net, association de défense des libertés numériques, lançait l’initiative technopolice pour recenser et contrer les nouvelles technologies policières dans nos villes.

Pour ce premier évènement en région parisienne, la quadrature du net souhaite mettre la lumière sur un évènement qui arrive à grand pas et va transformer nos villes : les Jeux Olympiques de 2024.

Sous prétexte de leur dimension « exceptionnelle », les JO vont être un accélérateur de surveillance. Ils vont rendre légaux des technologies aujourd’hui interdites, en premier lieu la vidéosurveillance algorithmique, mais aussi installer des centaines de caméras de vidéosurveillance dans l’espace public francilien.

Pour organiser la lutte contre cet évènement et la banalisation de la surveillance dans nos vies quotidiennes, la quadrature du net organisait, un moment de débats, d’échanges et de fête, qui se déroulait le 14 janvier 2022 à la flèche d’or dans le 20e arrondissement de Paris.

Dans l’émission de ce jour, nous vous proposons la discussion/débat avec des militant·es de Saccage 2024 et des chercheur·euses sur l’utilisation politique des JO dans le déploiement de la surveillance en Île-de-France. Seras aborder la question des intérêts politiques et économiques qui poussent à faire accepter et installer les techniques de surveillance à marche forcée et débattrons des conséquences que ces Jeux auront dans nos villes et nos vies.

Invité-e-es

SACCAGE 2024, collectif en résistance face aux saccages écologiques et sociaux que provoquent les Jeux Olympiques de Paris en 2024

Matheus Viegas Ferrari, Doctorant en anthropologie et en relations internationales à l’université Paris 8 et à l’Université Fédérale de Bahia, il s’intéresse aux effets politiques des mégaévénements et leur imbrication à la fois dans la fabrique de la ville et dans les processus de mondialisation.

Marianna Kontos, architecte-urbaniste, doctorante à l’université Paris Nanterre, thèse en cours “JO Paris 2024 en Seine-Saint-Denis. Enjeux démocratiques de la fabrication de la ville”

Non à la vidéosurveillance algorithmique, refusons l’article 7 de la loi olympique ! la quadrature du net, 18 janvier 2023

Aujourd’hui, le projet de loi olympique commence à être examiné en commission au Sénat. En son sein, l’article 7 vise à autoriser la vidéosurveillance algorithmique (VSA). Bien qu’elle soit prétendument circonscrite aux JO, il n’en est rien : la VSA est un projet politique du gouvernement qui n’attendait qu’une occasion pour sortir des cartons (lire notre analyse de ce projet de loi ici).

La VSA est déjà déployée illégalement en France

Après avoir voulu intégrer la VSA dans la loi Sécurité Globale, puis dans la LOPMI, le gouvernement utilise les Jeux olympiques comme prétexte pour faire passer des mesures qui visent à accélérer la surveillance de la population.

Depuis 2019, date de lancement de la campagne Technopolice, nous observons que des dizaines de villes en France ont expérimenté, illégalement, la vidéosurveillance algorithmique. Dès 2016, c’est la ville de Toulouse qui a passé un contrat avec IBM pour détecter des « événements anormaux ». Le logiciel de VSA de l’entreprise Briefcam est également déployé dans [au moins] 35 communes en France (dont Nîmes, Moirans où nous l’avons attaqué devant le tribunal administratif). Depuis 2018, c’est la ville de Marseille, avec la SNEF, qui analyse algorithmiquement les corps de ses habitant.es via les caméras de vidéosurveillance du centre ville.


À l’origine de la vidéosurveillance algorithmique : les caméras

1) Une absence criante d’évaluation publique concernant la vidéosurveillance

Depuis la fin des années 90, la vidéosurveillance n’a cessé de se déployer en France. Le dernier recensement des caméras, privées comme publiques, réalisé par la CNIL il y a plus de 10 ans en comptabilisait 800 000 sur le territoire. Depuis, les subventions publiques qui leur sont destinées n’ont cessé de croître, atteignant 15 millions d’euros en 2021. La LOPMI a acté le triplement de ce fond. S’il existe un tel engouement pour la vidéosurveillance, c’est qu’il doit exister des résultats tangibles non ? Et pourtant non…

Le projet de loi propose d’expérimenter la vidéosurveillance automatisée alors même qu’aucune évaluation publique des dispositifs actuels de vidéosurveillance n’existe, qu’aucun besoin réel n’a été identifié ni une quelconque utilité scientifiquement démontrée. Le projet du gouvernement est donc de passer à une nouvelle étape de la surveillance de masse, en fondant la légitimité d’une technologie très intrusive sur l’intensification de la surveillance via l’automatisation de l’analyse des images, alors que l’utilité des caméras de vidéosurveillance pour lutter contre la délinquance n’a jamais fait ses preuves. Contrairement au principe qui voudrait que toute politique publique soit périodiquement évaluée, la vidéosurveillance — notamment dans sa nouvelle version automatisée — se développe sur le seul fondement des croyances défendues par les personnes qui en font commerce et qui la déploient. De fait, aucune étude d’impact préalable à l’installation de dispositifs de vidéosurveillance ou de VSA n’est sérieusement menée.

2) De rares études pointent unanimement vers l’inutilité de la vidéosurveillance

Or, les évaluations portant sur la vidéosurveillance soulignent au contraire l’inefficacité et le coût faramineux de tels dispositifs :
Le rapport de la Cour des comptes de 2020 rappelle qu’«  aucune corrélation globale n’a été relevée entre l’existence de dispositifs de vidéoprotection et le niveau de la délinquance commise sur la voie publique, ou encore les taux d’élucidation ». Quant au laboratoire de recherche de la CNIL, le LINC, il affirme après avoir passé en revue l’état de l’art que « la littérature académique, en France et à l’international […], a démontré que la vidéosurveillance n’a pas d’impact significatif sur la délinquance ». Plus récemment, les recherches du chercheur Guillaume Gormand, commandées par la gendarmerie, concluent elles aussi à une absence d’effet sur la commission d’infraction et à une utilité résiduelle pour l’élucidation des infractions commises (1,13 % des enquêtes élucidées ont bénéficié des images de caméras sur la voie publique).

3) Le coût faramineux de la vidéosurveillance

En outre, petit à petit, la vidéosurveillance a fait exploser les budgets publics qui lui étaient consacrés. Sur le court terme, ces dispositifs impliquent le développement ou l’achat de logiciels de gestion du parc de caméras (système de gestion vidéo sur IP, ou VMS), l’installation de nouvelles caméras, la transmission de flux, des capacités de stockage des données, des machines assez puissantes pour analyser des quantités de données en un temps très rapide. Sur le temps long, ils nécessitent la maintenance, la mise à niveau, le renouvellement régulier des licences logicielles, l’amélioration du matériel qui devient très vite obsolète et enfin les réparations du matériel endommagé.

À titre d’illustration, le ministère de l’Intérieur évoque pour les Jeux Olympiques l’installation de 15 000 nouvelles caméras, pour 44 millions d’euros de financement du Fond interministériel pour la prévention de la délinquance – FIPD.

Une caméra de vidéosurveillance coûte [D’après cet article de La Dépêche du 13 septembre 2021 : https://www.ladepeche.fr/2021/09/13/toulouse-bientot-des-cameras-de-videoprotection-a-la-demande-pour-les-quartiers-9787539.php] à l’achat aux municipalités entre 25 000 et 40 000 euros l’unité, sans prendre en compte le coût de l’entretien, du raccordement ou du potentiel [D’après cet article d’Actu Toulouse du 18 juin 2021 https://actu.fr/occitanie/toulouse_31555/toulouse-comment-la-ville-veut-aller-plus-loin-contre-la-delinquance-avec-des-cameras-mobiles_42726163.html] coût d’abonnement 4G/5G (autour de 9 000 € par an et par caméra).

« Il y aura toujours plus de caméras et toujours plus d’utilisation de l’intelligence artificielle » à Nice, affirme Estrosi pour « gérer la circulation, les risques de pollution, les risques majeurs, pour lutter contre le trafic de drogues, les rodéos urbains et pour anticiper toutes les menaces  ».

La VSA : une nouvelle étape dans le mythe de l’efficacité de la vidéosurveillance

La vidéosurveillance algorithmique est présentée comme une manière de rendre plus efficace l’exploitation policière de la multitude de caméras installées sur le territoire. Il existerait trop de caméras pour qu’on puisse les utiliser efficacement avec du personnel humain, et l’assistance de l’intelligence artificielle serait inévitable et nécessaire pour faire face à la quantité de flux vidéo ainsi générée.

Cette idée que l’automatisation permettrait de rendre la vidéosurveillance enfin efficace s’inscrit dans une vieille logique du « bluff technologique » de la vidéosurveillance. Depuis des années, les industriels du secteur ne cessent de promettre que l’efficacité de la vidéosurveillance dépend d’un surcroît d’investissement : il faudrait plus de caméras disséminées sur le territoire, il faudrait que celles-ci soit dotées d’une meilleure définition, qu’elles offrent une champ de vision plus large (d’où l’arrivée de caméras 360, pivot), etc. Mais aussi qu’elles soient visionnées « en direct ». Il a donc fallu créer des centres de supervision urbaine – CSU dans toutes les villes, puis y mettre des gens pour visionner le flux vidéo 24h/24. Il a aussi souvent été dit qu’il fallait davantage d’agents dans les CSU pour scruter les flux vidéo à la recherche d’actes délinquants commis en flagrance. Maintenant, il faut « mutualiser » les CSU au niveau des intercommunalités, ce dont se félicite Dominique Legrand, président du lobby de français de la vidéosurveillance, l’AN2V.

Dominique Legrand, président fondateur de l’AN2V, l’association nationale de la vidéoprotection évoque, à propos de la centralisation de CSU « L’objectif de la création d’un tel dispositif est de pouvoir assurer le visionnage en temps réel de manière centralisée, en un même lieu (cyber) sécurisé, de l’ensemble des caméras des communes et intercommunalités […] L’AN2V a déjà évangélisé cette idée sur plusieurs départements et régions ! » cité dans le guide PIXEL 2023 édité par l’AN2V.

Chaque nouvelle nouvelle étape dans la surveillance promet son efficacité et tente de légitimer les investissements précédents. Au fil des années ces multiples promesses de la vidéosurveillance n’ont pas été tenues. En l’absence de toute évaluation ou étude préalable, la généralisation de la VSA ne serait qu’une perte de temps et d’argent, en plus de constituer une profonde remise en cause de nos droits et libertés.

LA VSA ne sera pas circonscrite aux jeux olympiques

Symptomatique d’un marché économique juteux, les industriels ont patiemment attendu que le gouvernement trouve une bonne opportunité pour légaliser cette technologie tout en ménageant « l’acceptabilité » de la population. Si les JO sont le prétexte idéal, ne soyons pas naïfs : comme on l’a déjà vu, la VSA est déjà « expérimentée » depuis plusieurs années dans des communes et fait l’objet de quantité de financements publics pour se perfectionner. De plus, une fois que tous ces algorithmes auront pu être testé pendant deux ans, lors de tout événement « festival, sportif ou récréatif » – comme le prévoit l’article 7 -, que les entreprises sécuritaires auront fait la promotion de leurs joujoux devant le monde entier lors des JO, que des dizaines de milliers d’agents auront été formés à l’utilisation de ces algorithmes, il semble peu probable que la VSA soit abandonnée fin 2024.

Des populations-laboratoires

Un autre aspect de la VSA est la tendance croissante à être mis en données. Au-delà de la surveillance de l’espace public et de la normalisation des comportements qu’accentue la VSA, c’est tout un marché économique de la data qui en tire un avantage. Dans le cadre des expérimentations prévues par le projet de loi, dès lors qu’un acteur tiers est en charge du développement du système de surveillance, cela permet aux entreprises privées concernées d’utiliser les espaces publics et les personnes qui les traversent ou y vivent comme des « données sur pattes ». C’est exactement ce que prévoit le VIII de l’article 7 puisque les données captées par les caméras dans l’espace public peuvent servir de données d’apprentissage.

Les industries de la sécurité peuvent donc faire du profit sur les vies et les comportements des habitants d’une ville, améliorer leurs algorithmes de répression et ensuite les vendre sur le marché international. C’est ce que fait notamment la multinationale française Idémia, qui affine ses dispositifs de reconnaissance faciale dans les aéroports français avec les dispositifs PARAFE ou MONA, pour ensuite vendre des équipements de reconnaissance faciale à la Chine et participer à la surveillance de masse, ou encore pour remporter les appels d’offres de l’Union Européenne en vue de réaliser de la surveillance biométrique aux frontières de l’UE. Tel a également été le cas à Suresnes où l’entreprise XXII a obtenu le droit d’utiliser les caméras de la ville pour entraîner ses algorithmes, les habitantes et habitants de la ville étant transformé·es en cobayes pour le développement commercial d’un produit de surveillance.

A titre d’exemple, l’un des plus importants marchés de la surveillance aujourd’hui porte sur le contrôle des frontières à l’intérieur et à l’extérieur des pays membres de l’Union européenne. L’usage d’algorithmes de détection de comportements est ainsi utilisé sur des drones en Grèce afin de repérer et suivre des personnes aux zones de frontières. Dans ce cas précis, il est impossible de réduire la technologie fournie (et donc conçue et entraînée au préalable) à une seule assistance technique. Au contraire, elle est au service d’une politique policière répressive et d’une pratique dénoncée comme brutale dans ce pays. 1

Nous appelons les parlementaires à refuser l’article 7 du projet de loi olympique et continuons à nous mobiliser contre l’imposition de ces technologies liberticides !

References

↑1Ceci est typiquement illustré par l’aveu même d’une personne faisant parti d’un consortium de recherche ayant développé cet outil, que l’on peut lire dans cet article d’Algorithm Watch https://algorithmwatch.org/en/greece-plans-automated-drones/ : “For me, the one thing is, I don’t know exactly what the police will do to the migrants after we alert them.” He grimaced. “But what can I do,” he said. »