confederation paysanne :mort de pierre alessandri / Action pour le revenu paysan au Grand Palais

Dans l’émission de ce jour, nous revenons sur l’assassinat de pierre Alessandri, agriculteur et Secrétaire général de la Via Campagnola, syndicat agricole membre de la Confédération paysanne en Corse. Pour cela, nous entendrons l’entretien réalisé avec Laurence Marondola, porte-parole de la Confédération paysanne puis en seconde partie d’émission, nous reviendrons sur l’action syndicale de la Confédération paysanne le 5 décembre 2024 au Grand Palais, lors de l’inauguration de la Bourse européenne de commerce et des suites de cette action avec le procès qui se tenait le 4 février 2025 et nous pourront entendre le reportage issu du rassemblement avec notamment, l’entretien réalisé avec Sylvie Colas secrétaire nationale de la confédération paysanne et également l’interview d’un des paysans qui comparaissait à ce procès. À noter, qu’à l’issue de cette audience, a été prononcer le renvoi du procès au 14 octobre 2025.

Assassiné le 17 mars en Corse, Pierre Alessandri était connu pour son engagement syndical contre la spéculation, les fraudes et les pratiques mafieuses dans le monde agricole. Retour sur le combat de ce syndicaliste.

Article initialement publié sur Basta! et écrit par Sophie Chapelle

Deux balles mortelles dans le dos et pas de revendication. Pierre Alessandri, 55 ans, a été assassiné le 17 mars, au crépuscule, alors qu’il travaillait sur sa ferme, au lieu-dit U Mandriolu en Corse-du-Sud. Ses obsèques ont eu lieu ce samedi 22 mars. Installé à Sarrola-Carcopino dans la région d’Ajaccio depuis 1993 où il avait repris l’exploitation familiale, Pierre Alessandri était un producteur d’huiles essentielles, passionné par la culture des agrumes. « Son verger témoignait de son attachement profond à la terre et à la transmission d’un savoir-faire ancestral » écrit André Torre, président du centre Inrae de Corse.

Son engagement ne s’arrêtait pas à ses propres terres. Secrétaire général de la Via Campagnola, syndicat agricole membre de la Confédération paysanne, Pierre Alessandri a consacré plus de trente ans à la défense du foncier agricole et de l’agriculture paysanne en Corse. « Il a été moteur de nombreux projets collectifs comme des magasins de producteurs », témoigne Laurence Marandola, porte-parole de la Confédération paysanne. « Il a participé à la formation de générations de militants et de militantes sur les dossiers agricoles. »

Pierre Alessandri était aussi « un militant engagé et offensif, nationaliste de gauche, sympathisant du mouvement Core in Fronte, qui dénonçait avec force les dérives de l’agriculture insulaire », rappelle la journaliste Hélène Constanty sur Mediapart.

Siégeant durant de nombreuses années en Safer – instance collective où se décide l’attribution du foncier –, Pierre Alessandri n’a jamais cessé de dénoncer la spéculation sur les terres agricoles. « Il s’était aussi dressé courageusement contre les fraudes aux aides Pac, système corrompu qui permettait à quelques-uns de se remplir les poches. Il réclamait simplement un système juste pour tous les agriculteurs et agricultrices corses », témoigne Laurence Marandola.

« Cette tragédie s’inscrit dans un climat de pratiques mafieuses et corruptives qui gangrènent le territoire corse et mettent à mal l’État de droit »estime l’association Anticor, qui ajoute : « Combattre pour l’intérêt général ne devrait pas coûter la vie. »

Si une enquête a bien été ouverte pour « assassinat », aucun lien ne peut être établi à ce stade entre ce meurtre et les positions syndicales de Pierre Alessandri. Le procureur d’Ajaccio a déclaré le 18 mars que « plusieurs pistes sont exploitées par les services enquêteurs pour déterminer le mobile de l’acte criminel qui avait manifestement fait l’objet d’actes préparatoires ».

Scandale des fraudes aux aides Pac

Comme le rappelle France 3 Corse, Pierre Alessandri s’illustre à partir de 2013 en tant qu’opposant à la majorité en place à la chambre d’agriculture, alors détenue par le syndicat majoritaire FNSEA. « Les pressions et les menaces sur Pierre Alessandri ont commencé en 2018, lorsqu’a éclaté le scandale des détournements d’aides agricoles européennes » souligne également Mediapart« Pierre Alessandri était alors candidat à l’élection de la chambre d’agriculture de Corse-du-Sud et dénonçait les pratiques du syndicat majoritaire FNSEA, dont les représentants régnaient sans partage sur le monde paysan ».

Le 3 décembre 2018, Anticor dépose une plainte contre X auprès du Parquet national financier (PNF) pour détournement, recel et blanchiment de subventions européennes. D’après l’association, 36 millions d’euros auraient été détournés par des agriculteurs, entre 2015 et 2018, avec « l’accord et la complicité des autorités de contrôle », c’est-à-dire les services de l’État et l’« accompagnement de personnes très bien informées de la complexité et des failles du système de distribution des aides », à savoir les chambres d’agriculture, précise à l’époque Mediapart.

Cette plainte se fonde sur un rapport confidentiel de l’office européen antifraude (Olaf) qui pointait « la revalorisation des aides agricoles » allouées à la Corse, passées de 13,9 millions d’euros en 2014 à 36 millions d’euros par an pour la période 2015-2020.

Selon des documents d’enquête consultés par l’AFP, « tout tourne autour d’une réunion au ministère de l’Agriculture, le 14 janvier 2016, lors de laquelle a été décidée l’ »attribution informelle et illégale d’aides de la politique agricole commune en Corse ». Pour « éviter d’éventuels troubles à l’ordre public », ces hauts fonctionnaires sont accusés d’avoir invité, lors de cette réunion, les responsables des chambres d’agriculture corses à faire déclarer aux éleveurs insulaires des « surfaces non admissibles » pour bénéficier d’aides. »

Ce dossier n’est pas encore clos puisque trois hauts fonctionnaires seront prochainement jugés. La directrice adjointe du cabinet du ministre de l’Agriculture de l’époque, le socialiste Stéphane Le Foll (2012-2017), est ainsi renvoyée devant le tribunal correctionnel de Paris pour « détournement de fonds publics ». Le président-directeur général en 2016 de l’agence de services de paiement (ASP), l’organisme qui verse les aides publiques européennes de la Pac, sera également jugé pour « détournement de fonds publics ».

Enfin, le conseiller pour la Corse du ministre de l’Agriculture de l’époque est renvoyé pour « complicité de détournement de fonds publics » pour avoir organisé cette réunion de janvier 2016. Le montant d’aides illégalement versées pourrait être « compris entre 370 000 euros et 1,2 million d’euros », précise l’accusation. Ces possibles détournements ont pu être mis en lumière grâce au courage de militants comme Pierre Alessandri, salue Anticor.

Secrétaire général de la Via Campagnola, syndicat agricole membre de la Confédération paysanne, Pierre Alessandri a été tué de deux balles dans le dos sur sa ferme en Corse le 17 mars 2025. © Distillerie U Mandriolu

Déjà visé par un incendie criminel

Dans le cadre de cette affaire de fraudes, des enquêtes judiciaires sont déclenchées fin 2018, visant notamment le directeur de la chambre d’agriculture de Corse-du-Sud. À l’époque, Pierre Alessandri est l’un des seuls à se « féliciter » de cette opération et à se dire « satisfait de ces contrôles » rappelle Ouest France.

C’est dans ce contexte que Pierre Alessandri se porte candidat tête de liste pour Via Campagnola aux élections de la chambre d’agriculture. La campagne est « particulièrement tendue » relève Mediapart, et c’est finalement la FDSEA qui remporte largement les élections en janvier 2019.

Deux mois plus tard, le 29 mars 2019, France 3 Corse organise une soirée spéciale, consacrée aux fraudes dans le milieu agricole, avec la diffusion du documentaire Prime à la fraude, suivi d’un débat entre représentants du monde agricole.

Face à Stéphane Paquet et Joseph Colombani (FNSEA) qui viennent respectivement d’être réélus président de la chambre d’agriculture de Corse-du-Sud et Haute-Corse, Pierre Alessandri dénonce « le système clientéliste et clanique qui prévaut dans l’attribution des aides agricoles ».

Un mois après, dans la nuit du 26 au 27 avril 2019, sa distillerie est détruite par un incendie criminel. Dans la foulée, une manifestation de soutien rassemble plusieurs centaines de personnes à Ajaccio. Les auteurs ne seront jamais identifiés. Si l’enquête se solde par un non-lieu, le procureur d’alors évoque à l’époque l’hypothèse « d’une réaction violente liée aux positions syndicales de Pierre Alessandri ».

Lorsqu’on se met en travers de la spéculation foncière, il y a une personnalisation systématique de la part d’un système  »mafieux » très efficace pour « terroriser »

Cinq mois après cet incendie, le 25 septembre 2019, alors qu’il s’engage aux côtés du collectif naissant « A maffia no, A vita iè » (Non à la mafia, oui à la vie), Pierre Alessandri se dit personnellement menacé.

Dans une séquence que France 3 Corse a décidé de diffuser à la suite de cet assassinat, Pierre Alessandri indique : « Nous agriculteurs, on est maintenant quasiment en première ligne sur la spéculation foncière. Et lorsqu’on se met un peu en travers, globalement y a une personnalisation systématique de la part d’un système ’’mafieux’’, d’un système « occulte » » qui est très efficace pour ce qui est de, on va employer un terme un peu fort, « terroriser » un certain nombre d’acteurs.

Pierre Alessandri était présent à la manifestation anti-mafia du 9 mars dernier à Ajaccio. Pour Léo Battesti, membre fondateur de ce collectif, « c’est un symbole d’intégrité et du militantisme agricole vertueux qui a été abattu » et « un coup dur porté à la Corse de la créativité et du travail par ceux qui, par la terreur, veulent la dominer »a-t-il écrit sur X.

Silence « effarant » des autorités

L’engagement de Pierre Alessandri contre le clientélisme a été conforté par la récente publication d’un rapport de la Cour des comptes critiquant la gestion passée de la chambre d’agriculture. En janvier 2025, la chambre d’agriculture de Corse – devenue une chambre de région unique – a finalement basculé lors des élections professionnelles en faveur d’une liste d’union soutenue par la Via Campagnola, détrônant ainsi la FNSEA.

Nouveau président de la chambre d’agriculture de Corse, Jean-Baptiste Arena a tenu à rendre hommage à Pierre Alessandri. Il « a payé le fait de son engagement, notamment au niveau du foncier […] face à certaines bandes mafieuses » a-t-il déclaré le 19 mars, devant les représentants des différentes chambres d’agriculture en France, deux jours après son assassinat. « Le danger auquel nous sommes confrontés aujourd’hui […] est un danger mafieux. »

Si la ministre de l’Agriculture, Annie Genevard, a déclaré sur X que « [ses] pensées les plus émues vont à sa famille, ses proches et ses compagnons syndicaux, dont [elle] n’ose mesurer la peine qui les envahit » et que « la violence, le recours aux armes, n’ont pas leur place dans notre pays », la Confédération paysanne s’indigne de l’absence de réaction d’autres membres du gouvernement. Ni Gérald Darmanin, ministre de la Justice, ni Bruno Retailleau, ministre de l’Intérieur, n’ont fait de déclaration à ce sujet.

« On est face à l’assassinat d’un responsable syndical en activité, et on n’a aucune réaction publique. Ce silence est effarant. Il n’y a eu aucune parole dans l’hémicycle », dénonce Laurence Marandola. « Son assassinat est un coup porté à la démocratie, à la parole libre, à l’engagement en faveur d’une terre que tant d’intérêts contraires cherchent à accaparer. Il faut que l’enquête avance et aboutisse. » Cet assassinat est le quatrième depuis le début de l’année en Corse.+++++++++

Meurtre de Pierre Alessandri : la Confédération paysanne en deuil

18.03.2025

La Confédération paysanne est en deuil. Pierre Alessandri a été assassiné hier soir sur sa ferme en Corse, au lieu-dit U Mandriolu. Secrétaire général de Via Campagnola*, Pierre Alessandri était très engagé pour défendre l’agriculture en Corse depuis plus de 20 ans. Nous sommes sous le choc, empreints d’une immense tristesse.

Nous pensons à sa famille et à ses proches, à tous nos collègues corses et à toutes celles et ceux qui défendent l’agriculture.

Nous sommes dans l’incompréhension et la colère. Les paysan·nes et responsables syndicaux ne peuvent être ainsi pris pour cible. Pierre Alessandri avait déjà subi un incendie criminel sur son exploitation en 2019.

C’est un jour terriblement sombre pour la famille de Pierre à qui nous adressons nos pensé.

Action pour le revenu paysan au Grand Palais

Pendant l’action syndicale de la Confédération paysanne le 5 décembre 2024 au Grand Palais, lors de l’inauguration de la Bourse européenne de commerce, de violentes interpellations policières ont eu lieu dans le cadre d’une nasse totalement illégale, alors que nous quittions les lieux dans le calme aux alentours de 14h. Avec une grande banderole « Sauvez les paysan·nes, mangez un trader ! », la Confédération paysanne y avait dénoncé la spéculation sur les marchés et celles et ceux qui profitent de la dérégulation des marchés.

A la veille d’une conclusion scandaleuse des négociations de l’accord UE*-Mercosur* par la Présidente de la Commission Européenne Ursula Von der Leyen à Montevideo (Uruguay), le gouvernement a préféré en envoyant la BRAV-M la répression disproportionnée de paysan·nes manifestant pour le revenu et contre les accords de libre-échange.

Cinq camarades paysans avaient été interpelés et placés en garde à vue pendant 48 heures, dont deux était jugés le 4 février 2025 au TGI de Paris.