
Le 24 mai a eu lieu LA 3ᵉ ÉDITION DES JOURNÉES CULTURELLES DU FOYER BRANLY. Un moyen d’informer et mobiliser autour de la fermeture des foyers de travailleurs émigrés. Les cantines étaient à l’honneur lors de cette édition. Dans l’émission de ce jour, nous entendrons les entretiens et prises de parole, réalisé lors de cette journée.
Dès les années 1960 et l’apparition des premiers foyers et baraquements, les résidents, souvent ouest-africains se sont regroupés pour demander à des connaissances, des femmes sans emploi, de leur préparer collectivement la cuisine. Les cantines solidaires ont commencé à voir le jour au sein des établissements. D’abord contre la volonté des gestionnaires, mais peu à peu des arrangements ont été trouvés. Pour les résidents, il s’agissait de mutualiser les dépenses de la survie en France, de les faire baisser au maximum possible, car l’essentiel de leur salaire était destiné à la famille au pays.
Pour les gestionnaires, il fallait faire au mieux à une époque où il n’y avait pas de moyens de cuisine installés dans les chambres, où les installations étaient quasiment toutes collectives et qu’il y avait beaucoup de monde à nourrir. Dans leurs lieux de résidence, les travailleurs immigrés rentrant exténués de la journée de travail pouvaient trouver un bon plat de thieb ou de mafé préparé comme au pays pour quelques pièces de monnaie.
Ce système s’est étendu et a été toléré jusqu’à la fin des années quatre-vingt-dix, mais il n’était pas sans inconvénients. Les cuisines passaient en dessous des radars des inspections préfectorales, les normes d’hygiène n’étaient pas toujours respectées. Heureusement, dans la cuisine africaine, tout est longuement cuisiné, il n’y a eu que très peu d’« incidents » qui ont attiré l’attention des autorités. Mais surtout, le grand problème était que les travailleurs, cuisinières, aide cuisinières, plongeurs et autres, étaient tous non déclarés, ne cotisaient à rien, ni chômage, ni retraite, ne payaient aucune assurance et travaillaient à leurs risques et périls. Les équipes (généralement deux par foyer, fonctionnant une quinzaine sur deux et en alternance) s’auto-géraient avec les comités de résidents des lieux.
Aujourd’hui, dans quelques lieux, ces restaurants ont été « régularisés » et ces problèmes résolus. Aux foyers d’Ivry-sur-Seine, Aubervilliers-Fillettes, Fontaine-au-Roi, Arbustes et Lorraine à Paris, des associations ont pris en charge la gestion des lieux, ont signé des conventions avec le gestionnaire et, au mieux, avec le comité de résidents. Les prix restent modiques. Les plats sont abordables pour les travailleurs des foyers. Qui plus est, ces « restaurants solidaires » fournissent un service indispensable au quartier. De nombreux ouvriers des chantiers aux alentours, des familles et des individus aux revenus modestes, ou sans revenus, viennent se restaurer à un prix modique. Cette mixité des publics a des effets sociaux : les restaurants sont des points de contact entre les gens du foyer et les gens du quartier. Ils contribuent aux échanges qui font vivre un quartier.
Au foyer Edouard Branly, une bonne équipe de cuisinières en place depuis des années travaillent du matin au soir pour proposer des plats bien garnis de riz et de poulet pour 3 euros. Chaque midi et chaque soir, vous trouverez une file d’attente pour pouvoir acheter ces plats.
Mais Adoma (filiale de la caisse des dépôts et consignations) menace de faire disparaître cette activité dès le mois de juillet. La plupart des restaurants « régularisés » fonctionnent selon le principe de « l’entreprise d’insertion ». Ils sont subventionnés pour faire revenir sur le marché de l’emploi des chômeurs de longue durée qui autrement auraient du mal à se stabiliser professionnellement. Ils sont donc un outil dans la lutte contre le chômage. Mais avec les projets de réhabilitation des foyers et leur transformation en « résidences sociales », la plupart des cuisines sont menacées de disparition – à Branly comme ailleurs.
Déjà, la reconstruction du foyer Bara a entraîné la liquidation de la cuisine, qui devait pourtant être remplacée dans les nouvelles structures. Aujourd’hui, le personnel du restaurant social du foyer Bara fonctionne au sein du squat « En Gare », 81 rue Michelet à Montreuil, où, comme le reste des occupants, ils font face à une menace d’expulsion à court terme. Adoma, le plus grand gestionnaire et propriétaire de logements-foyers en France, a décidé en Conseil d’Administration de ne plus tolérer d’espaces de cuisine autres que privatifs et individuels dans ses nouveaux établissements. Et si la situation est moins fermée chez les autres gestionnaires, à chaque fois, il faut lutter contre une forte résistance pour que le principe d’une cuisine solidaire soit accepté et que le financement des équipements nécessaires soit engagé.
Cependant, le nombre de personnes en situation de précarité ne cesse d’augmenter, la demande pour des repas chauds à bas prix ne cesse de grandir. Comment, dans un contexte pareil, peut-on fermer une cantine solidaire ?
Pour l’existence d’espaces de convivialité dans nos quartiers, pour le maintien des communautés villageoises dans les foyers et pour la sécurité alimentaire des habitants précaires, nous, soutiens des résidents du foyer Edouard Branly, et de tous les autres foyers demandons le maintien au-delà de la durée du chantier de reconstruction, de leur restaurant solidaire. Nous demandons aux gestionnaires, aux équipes municipales et à l’État de soutenir ces initiatives et de faciliter le maintien d’espaces de solidarité et de survie dans nos quartiers.
Contacts : Lassana SACKO, Président du comité des résidents : 06 74 79 89 73 sackolassana128@gmail.com Comité de soutien : Jacqueline : 06 82 68 46 01, et Véronique : 06 11 58 75 94 comite.soutien.foyer.branly@proton.me COPAF : 06 87 61 29 77 ; copaf@copaf.ouvaton.org